1000 milliards par année demandés : la COP29 dans l’impasse

La vingt-neuvième « Conférence des partis » pour le climat (COP29) se déroule depuis déjà une semaine à Bakou, en Azerbaïjan, et les observateurs dénotent une tension jamais vue dans les négociations qui font craindre qu’on ne parvienne à aucun accord à l’issue de l’exercice. En effet, ressortant tout juste d’un G20 à Rio, les États industrialisés auraient donné des directives plutôt floues à leurs intervenants concernant leur intention d’augmenter leur aide aux pays en développement qui, pour leur part, demandent près de 1000 milliards de dollars par année en aide au développement. C’est là une augmentation faramineuse de ce type d’aide par rapport aux engagements précédents, et les parties sont campées dans leurs positions.

Une logique de réparations?

D’abord, le principal point d’achoppement concerne la finance climatique et la volonté de forcer les pays industrialisés à contribuer au développement des énergies vertes dans les pays en développement.

Suite à la COP15 de Copenhague en 2009, les pays industrialisés s’étaient engagés à débloquer 100 milliards de dollars par année jusqu’en 2020 pour aider les pays en développement à développer des industries vertes. Lors de la COP21 de Paris, en 2015, cet engagement avait été prolongé jusqu’en 2025. Ainsi, ces accords tirent à leur fin, et c’est un enjeu majeur de la COP29 qui se déroule actuellement à Bakou.

Or les pays en développement demandent désormais un financement à hauteur de 1 billion de dollar (1000 milliards) par année, une augmentation considérable par rapport aux engagements antérieurs, et qui refroidissent particulièrement les États industrialisés.

L’argumentaire des pays en développement rejoint un peu une logique de « politiques de réparations » : on considère que les États industrialisés, contribuant aux trois-quart des émissions globales, devraient compenser les pays en développement non seulement pour les aider dans le développement d’initiatives vertes, mais aussi pour « réparer » les conséquences néfastes des changements climatiques.

Par exemple, un observateur du Panama déclarait au journal Le Soir : « Pourquoi est-ce si lent [à arriver à un accord] ? Chez nous, des populations indigènes qui vivaient en bord de mer ont déjà dû être relocalisées à cause de l’érosion côtière. » De son côté, le chef de l’ONU climat, Simon Stiell, rappelle constamment que « la maison de sa grand-mère défunte sur l’île de Carriacou (Grenade) a été détruite par un ouragan cet été » : « Il est facile de devenir un peu anesthésié par tous ces chiffres, surtout à cette COP financière, mais n’oublions jamais : ces chiffres font la différence entre la sécurité ou des désastres qui ruinent les vies de milliards de personnes ».

Or, pour les pays industrialisés, ces exemples anecdotiques ne justifient pas pour autant de continuer à lancer de l’argent à l’infini dans ces initiatives, et jouent probablement plus sur les émotions que sur les faits. On cherche avant tout à avoir des garanties que l’argent sera utilisé de manière convenable, et qu’il ne s’agit pas d’une forme dissimulée de transfert de richesse aux logiques intersectionnelles de « réparation » entre les pays industrialisés et le Tiers-Monde.

Non seulement cela, mais il s’en trouve même pour être insatisfaits de la provenance de l’argent des ententes en négociation. En effets, alors que les pays du G20 se sont engagés à Rio à « augmenter les financements et les investissements publics et privés en faveur du climat dans les pays en développement« , le président du groupe de négociations représentant la plupart des pays en développement (G77+Chine), Adonia Ayebare, se désole qu’on parle de « toutes les sources » (financements publics (bilatéraux et multilatéraux) et privés) plutôt qu’un engagement clair d’investir de l’argent public des pays industrialisés : « Nous avons demandé clairement que cela vienne de sources publiques, sous la forme de prêts à taux préférentiels ou de subventions« .

Les ONGs représentent-elles la société civile?

Nous le savons, les ONG environnementales sont activement impliquées dans les activités des COP, et tâchent souvent de faire contrepoids aux politiciens et lobbys présents. Selon différents observateurs, elles iraient même jusqu’à se proclamer représentantes de « la société civile » contre les politiciens et industriels réunis à Bakou. Une affirmation qui apporte son lot de problèmes.

D’abord, ce sont les politiciens qui représentent leurs peuples respectifs, pas les ONGs. Évidemment, cela dépend du niveau de démocratisation des pays, mais tenter d’usurper un caractère de représentation pour faire avancer un agenda militant n’est pas tout à fait honnête.

Ensuite, comme nous l’avons mentionné, leur agenda militant vient introduire tout un tas de considérations idéologiques telles que le caractère « intersectionnel » de la « crise climatique », les droits autochtones, la sécurité alimentaire, les enjeux de race et de genre, et cela, loin de faciliter les négociations, gonfle le volume des demandes faites aux pays industrialisés, les rendant de plus en plus réfractaires à un engagement clair.

De plus, les ONG demandent aux États industrialisés de mettre toujours davantage de pression sur le secteur privé, par des coupures dans les subventions aux énergies fossiles, la mise en place de taxe carbone toujours plus contraignantes et des hausses d’impôts et de taxes aux plus riches, ce qui vient entraver leur vitalité économique.

Perte de crédibilité?

On note aussi une relative perte de confiance envers la Conférence de Partis (COP) en raison du fait que trois aient été organisées dans des États pétroliers (Qatar, Émirats-Arabes-Unis, Azerbaïjan et candidature de l’Arabie-Saoudite). Nombreux sont ceux qui y voient une manière pour les États pétroliers d’influencer les ententes à leur avantage.

Aussi, notons que l’élection de Donald Trump, qui donne un regain au secteur des hydrocarbures, fait revoir à la baisse les perspectives de croissance des énergies vertes, ce qui rend d’autant plus difficiles les négociations. Dans un effet vicieux, le probable abandon de nombreuses ententes internationales par les États-Unis augmentera probablement les activités militantes désorganisées et les initiatives locales, lesquelles pourraient, ultimement, s’avérer encore plus disruptives qu’une entente multilatérale entre les pays.

Canada : entre flou et clarté

Des commentateurs Canadiens ont rapidement noté la disparité des analyses de nos politiciens au sujet de ces ententes en négociations. Le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault, présent à la conférence pour représenter le Canada, semble surtout profiter de l’évènement pour encourager les ONGs à faire encore plus de pression sur les gouvernements et les conservateurs, qui sont favoris pour retourner au pouvoir advenant le cas d’une élection. D’une manière générale, il épouse complètement la logique de « réparations » et donne un accord général à la poursuite d’investissements multilatéraux pour aider à la transition énergétique des pays en développement.

Il a aussi fait part d’initiatives prochaines pour s’attaquer de manière encore plus sévère à ce qu’il appelle des « campagnes de désinformation » par des partis, des médias et des lobbys, ce qui fait craindre à un dérapage contre la liberté d’expression.

Ce sont là des positions beaucoup trop floues pour Rebecca Schulz, ministre de l’Environnement de l’Alberta, qui a profité de l’évènement pour parler d’une manière plus précise et exhaustive et initiatives concrètes qui sont faites par l’industrie canadienne pour aider à la transition énergétique, notamment l’avancement énorme en matière de capture de carbone et pour assainir les procédés de l’industrie pétrolière. Dans cette perspective, on souhaiterait que les pays réunis pour cette COP soient plus rigoureux dans l’élaboration des plans d’actions, et ne se limite pas à une entente de transferts d’argent sans vérification de son usage.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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