Assistons-nous à la fin de « l’hégémonie » occidentale?

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nombreux ont été les pronostics à prédire la défaite de Vladimir Poutine. De même qu’à prédire une fin rapide de la guerre d’Israël à Gaza. Force de constater que dans les deux cas, cela regarde assez mal pour les parties occidentales impliquées dans ces conflits. Quelques réflexions sur le déclin de l’Occident auquel nous assistons un peu à tous les jours.

Au plan technologique, l’Occident continue de dominer sans partage. Même les entreprises chinoises, à qui on prédisait une montée fulgurante, se sont cassé les dents face au régime du parti communiste. Les GAFAM se partagent les plus grosses parts d’un gâteau mondial, sans compter les entreprises plus récentes comme OpenAI, derrière ChatGPT.

Cela ne veut pas dire que même si l’Occident possède un avantage technologique que même la Chine a du mal à égaler encore aujourd’hui, que la situation va si bien que cela pour les gouvernements américains, canadiens et européens. Ceux-ci se révèlent de plus en plus impuissants pour régler les conflits en cours à Gaza et en Ukraine.

À Gaza, nous sommes dans le huitième mois d’une guerre qui n’en finit plus. Israël, qui normalement réussit à boucler ses guerres en quelques jours (la guerre de six jours) ou au pire en quelques semaines, a entamé la plus longue guerre de son histoire. L’économie se fatigue d’enrôler des conscrits qui seraient autrement plus utiles à l’économie israélienne qu’à faire la guerre à Gaza. Les équipements coûtent cher, et rien n’indique pour le moment une défaite définitive du Hamas.

Les destructions à Gaza terrifient le monde entier. Plusieurs milliers de morts, pour la plupart des civils. Le bilan humain est très lourd. L’Occident ne semble pas pouvoir faire pencher la balance vers une trêve. Les États-Unis multiplient les pressions symboliques pour forcer Israël à accepter de faire transiter de l’aide humanitaire à la population, mais rien n’y fait. Si le président Biden a évoqué l’arrêt de l’envoi de certaines armes à l’État hébreu, il ne fait que démontrer son manque d’autorité dans ce conflit inédit.

De nouveaux acteurs, inexistants jusqu’à maintenant sur la scène internationale, comme le Qatar, émergent pour essayer de trouver une solution. La Chine et la Russie pendant ce temps, même s’ils sont victimes de la crise économique globale, montrent des signes de regain au plan militaire. La Chine multiplie les provocations contre Taiwan, sans que cela ne soit pénalisé par les Américains. Les Russes, quant à eux, reprennent l’initiative en Ukraine après deux années à subir des pertes colossales.

L’armée russe a démontré ses capacités à s’adapter lors d’une guerre moderne. L’Occident pensait à tort que la Russie resterait pour toujours dans un modèle soviétique où la rigidité des commandements est la norme. Or, le régime n’a aucun mal à recruter par les temps qui courent. Pour un soldat de base, la prime mensuelle peut être de 2000$, une fortune en Russie. Cela peut aller jusqu’à 10 000$ pour les unités d’élite.

Et niveau armement, la Russie a réorienté son industrie vers la fabrication de véhicules et d’obus. Même si les équipements russes sont médiocres d’un point de vue technique, ils sont suffisamment nombreux pour noyer l’armée ukrainienne. Les Ukrainiens ne peuvent faire le poids devant une telle industrie militaire, surtout quand ceux-ci dépendent de la bonne volonté politique des Occidentaux. Les États-Unis, comme plusieurs pays européens, tergiversent dans leur volonté d’aider l’Ukraine. Bien sûr, dans le cas de nos démocraties libérales, le gouvernement peut changer, et donc l’aide peut se tarir pour les Ukrainiens.

Si l’Occident demeure la référence culturelle mondiale, ainsi qu’au niveau technologique, elle perd petit à petit le terrain diplomatique et politique au profit de ses rivaux. La Chine, la Russie, mais aussi l’Iran, l’Arabie Saoudite et plusieurs autres se disputent des zones d’influence, et vont même jusqu’en Afrique, ancienne chasse gardée de l’Europe. Si l’Occident veut survivre dans ce monde multipolaire, elle devra s’allier à des pays du « sud global » tels que l’Inde et le Brésil, et mettre davantage de pressions sur ceux qui menacent la stabilité mondiale.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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