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Attention aux applications de traçage contre la COVID

Dans plusieurs pays, la lutte contre la propagation de la pandémie de COVID-19 passe entre autres par une réponse technologique, dont la mise en place dapplications mobiles.

Au Québec, le ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire, a lancé une consultation publique. Il s’agit de sonder le niveau de confiance et les préoccupations des Québécois pour une application de traçage de la Covid, en prévision d’une « 2e vague ».

Ces applications évaluent la probabilité que nous soyons infectés en fonction de l’endroit où nous sommes allés et des rencontres que nous aurions faites.

Elles utilisent les ondes Bluetooth pour entrer en contact avec d’autres téléphones qui, eux aussi, possèdent l’application. Chaque appareil mémorise tout utilisateur croisé au fil du temps. Et si l’un d’eux est un jour infecté, tous les autres en sont alors avisés.

Pour que ce soit efficace, il faut qu’un grand nombre d’utilisateurs téléchargent l’application.

L’identité du malade serait par ailleurs tenue confidentielle. En théorie.

Il y a évidemment des enjeux de protection des données.

À l’étape actuelle, on ne peut pas se prononcer sur une technologie particulière de traçage ni affirmer qu’aucune ne saurait être utile.

Il faut plutôt appliquer des paramètres fermes sur les conditions qui pourraient emporter une adhésion. Ou non.

Pour ou contre?

La plupart des concepteurs s’engagent à garder anonymes leurs données, mais cette promesse ne rassure pas tout le monde. Une partie de ces technologies ont été développées dans le passé pour être utilisées contre le terrorisme. Elles ont été conçues au départ pour être invasives. Qu’est-ce qui garantit qu’il n’y aura pas une tentation, puis une dérive pour accumuler des données au service d’autres politiques ou pour frauder les utilisateurs?

Pour fonctionner, l’application doit être téléchargée massivement. Elle doit donc être proposée gratuitement et le gouvernement est logiquement appelé à l’acheter des compagnies productrices. Fera-t-il ses devoirs pour s’assurer de la protection des données et de l’efficacité réelle des logiciels? Plus on a un haut degré d’anonymat, plus on perd de la précision dans les données. Quelles seront les limites que s’imposeront les organisations qui vendront ces applications?

Se pose aussi une question d’efficacité de ces méthodes et donc de la rentabilité d’y investir des ressources importantes et rapidement, avec des risques d’erreurs et de « bordel informatique ». On est encore loin d’avoir réglé tous les problèmes techniques.

À Crypto-Québec, on a des réserves, notamment en ce qui concerne la marge d’erreur du Bluetooth et particulièrement son champ de détection, mais aussi sur le fait qu’une application qui en demande un accès permanent va beaucoup drainer les batteries. Cela pourrait être un frein pour obtenir l’adhésion nécessaire d’un grand nombre d’utilisateurs.

Il faut donc s’assurer que les avantages l’emportent sur les inconvénients.

Une opposition de principe?

Il y aura évidemment une opposition de principe à ces technologies. Je crois que nous ne devrions pas fermer la porte à des avancées dans ce domaine si l’on peut raisonnablement espérer qu’elles permettront de faire reculer la pandémie.

Il faut se démarquer du complotisme. Il me semble, pour paraphraser Alain Peyrefitte, qu’il est souhaitable de favoriser le fonctionnement d’une société de confiance qui facilite les transactions et des ententes libres entre individus. Une société de confiance est une bonne nouvelle pour ceux qui sont épris de liberté, mais elles suscitent naturellement la méfiance des complotistes et de l’extrême gauche.

Nous, les conservateurs de diverses tendances, honorons notre passé, mais sans être limité par lui. Nous examinons les nouvelles techniques sans enthousiasme excessif, mais nous sommes ouverts à des changements.

Cette attitude de confiance raisonnable peut avoir un impact plus large. Beaucoup d’entre nous souhaitent des réformes majeures de notre système économique et de notre réglementation. Ne nous y trompons pas : ce ne sont pas les sociétés méfiantes qui vont entreprendre ces changements; ce ne sont pas des sociétés qui passent leur temps à se chamailler, comme en France, ou à se plaindre, comme dans bien des pays de gouvernemaman, ce sont des pays où la liberté et la responsabilité sont une valeur cardinale (j’ai en tête les États-Unis, mais aucun pays n’est parfait).

L’enjeu est ici de s’assurer que les gouvernements respecteront leurs engagements envers les droits individuels et mériteront une confiance élémentaire.

Oui, si…

  • Pas de stockage à long terme de données. La technologie devrait permettre d’effacer les infos recueillies au bout de quelques jours.
  • Ces applications ne doivent pas être faites pour durer. Une fois la crise du Covid passée, les utilisateurs devraient avoir la possibilité de supprimer l’application. Il faudra savoir si les données récoltées seront détruites.
  • Assurer le caractère volontaire de la participation à cette expérience.
  • Pas de géolocalisation, pas d’utilisation de paramètres biométriques.
  • Les gouvernements et les développeurs devront avoir fait leurs devoirs pour évaluer l’efficacité de ces technologies. On peut investir beaucoup dans le domaine du traçage, mais si les suivis ne sont pas faits rapidement, si diverses instances ne sont pas préparées à en coordonner l’utilisation et à y donner suite, toutes ces ressources peuvent être gaspillées.

Une idée, comme ça…

En parlant de technologies, si on essayait de rendre plus fiables et rapides les tests de dépistage? Je parie que les gens sacrifieraient plus facilement leur temps disponible pour aller se faire tester.

André Valiquette

Détenteur d’une maîtrise en histoire canadienne, il a été journaliste à Radio-Canada puis a poursuivi sa carrière dans le milieu universitaire, où il a été responsable de relations médias et rédacteur de discours. De 2007 à 2009, il a été directeur des communications à l’Institut économique de Montréal. Il a été candidat du Parti populaire du Canada en 2019 dans NDG-Westmount. Il a été président de la Commission politique du Parti conservateur du Québec et membre de son Bureau exécutif national. André publie une chronique à titre personnel dans Québec Nouvelles.

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