Manon Massé milite pour la justice sociale depuis plusieurs décennies. Dans un vieux reportage de Radio-Canada, on la voit déjà manifester à la Marche du pain et des roses, qui visait à réclamer du gouvernement de meilleures conditions de vie pour les femmes — notamment par une hausse du salaire minimum, l’équité salariale et des investissements en logement.
Depuis, la militante issue du milieu communautaire a gravi les échelons : passée de candidate défaite à trois reprises, elle est finalement devenue députée, puis co-porte-parole de Québec solidaire. Un beau parcours pour une femme issue d’un milieu ouvrier, dont le père travaillait comme opérateur de chaudières dans une centrale thermique à Windsor, en Estrie.
Si elle a longtemps milité pour les droits LGBT au Québec, une récente entrevue avec Patrice Roy illustre bien les dérives d’une gauche qui peine à se remettre sur les rails. Pendant près de cinq minutes, Massé s’indigne du retrait du pronom iel de certains questionnaires gouvernementaux – une mesure promise au départ, mais qui fera finalement l’objet d’un réexamen.
Patrice Roy tente alors, avec diplomatie, de la ramener sur des enjeux plus profonds : l’avenir de la gauche et la perte de confiance des classes populaires et ouvrières envers un parti qui, théoriquement, devrait les représenter. Mais la députée peine à répondre. Plutôt que de faire preuve d’introspection, elle répète que « le gouvernement ne veut pas faire évoluer la langue française » ou que « seul QS parle du salaire minimum et du logement ».
Le passage qui a le plus fait réagir n’a toutefois rien à voir avec la grammaire inclusive : c’est sa position sur un éventuel troisième référendum. Talonnée par Patrice Roy, elle finit par donner l’impression d’une indépendantiste très très conditionnelle. Certains ont ironisé en disant qu’après la formule « je ne suis pas raciste, mais… », Manon Massé venait d’inventer « je suis une indépendantiste, mais… ».
Pour elle, le projet de pays doit être conditionnel à un « projet du XXIᵉ siècle ». Elle affirme sans broncher que, si c’est pour « répéter le même colonialisme à l’égard des Premières Nations ou des nouveaux immigrants » (comment peut-on « coloniser » des gens qui choisissent de venir s’installer ici ? Mystère), il y a de sérieuses questions à se poser.
On retrouve là toutes les tergiversations de la gauche inclusive : le « oui, mais… », le refus de se remettre en question. Que le pronom iel soit une préoccupation centrale pour elle ne met pas du pain sur la table de quiconque. C’est un combat purement performatif. Si des personnes se sentent non binaires, libre à elles ; mais ce n’est pas au gouvernement de se plier sans cesse à des revendications qui s’accumulent comme une liste d’épicerie ou un panier Amazon.
Quant à l’indépendance, Manon Massé est démasquée. Depuis des années, le torchon brûle entre le Parti Québécois et Québec solidaire sur la sincérité de ce dernier quant à l’avenir constitutionnel du Québec. Les formules ambiguës en politique ne sont jamais de bon augure : elles traduisent souvent un manque de courage, voire une forme d’hypocrisie. Est-ce cela, faire de la politique « autrement » ?
Manon Massé quitte le navire, après Catherine Dorion, Gabriel Nadeau-Dubois et Émilise Lessard-Therrien. À chaque départ, une même constante : celui ou celle qui s’en va s’assure de laisser ses anciens collègues dans l’embarras, entre livres-confessions, lettres ouvertes et déclarations choc sur Facebook. La devise de la marine anglaise disait : Après moi, le déluge. À Québec solidaire, chaque départ semble en faire sa maxime.



