À l’ère des OnlyFans, la pudeur a-t-elle encore une place dans les lieux publics familiaux?
Une simple vidéo TikTok d’une mère de famille a ravivé un débat aussi ancien que la modernité elle-même : celui des limites de la liberté dans l’espace public. Venue passer une journée à l’Aquaparc H2O de Trois-Rivières, la TikTokeuse connue sous le nom de « Stéph » s’est dite choquée par l’omniprésence de bikinis string dans un lieu pourtant fréquenté par des familles, des enfants et des adolescents.
« C’est-tu moi ou un bikini, mais que le bas a l’air d’être un g-string, ça n’a tellement pas sa place », dit-elle dans sa vidéo, visiblement mal à l’aise. « Il me semble que tu ne mets pas un bas qui te rentre dans les fesses… surtout dans une place où il y a des enfants. »
Si le message semble simple, voire anodin, il a mis le feu aux poudres. Pour certains, il s’agit d’un cri du cœur justifié dans une société où l’hypersexualisation est devenue banale. Pour d’autres, c’est une nouvelle preuve d’intolérance envers les femmes qui choisissent de « s’assumer ».
@stefcrer Les fameux bas de costume string🙄 #lesgens #passaplace
♬ son original – 🐞Stéph🦋
Burqas, strings, même combat?
Dans les débats sur la liberté des femmes, on évoque souvent la burqa comme symbole d’oppression. Mais l’époque actuelle pose une question inverse : à force de tout exposer, n’est-on pas en train de créer une nouvelle forme d’aliénation?
L’hypersexualisation de l’espace public, surtout dans des lieux comme des parcs aquatiques, interroge. Ce n’est pas une croisade puritaine, mais une interrogation profondément libérale : la liberté implique-t-elle de forcer autrui à vivre dans un climat de constante nudité? Existe-t-il encore des espaces neutres, communs, respectueux de la diversité des sensibilités?
Et surtout : quelle image de la féminité sommes-nous en train de normaliser auprès des jeunes filles de 13, 14, 15 ans qui arborent déjà ce type de maillot?
L’ère OnlyFans : quand l’intimité devient performance
On ne peut analyser ce débat sans évoquer le contexte culturel qui le sous-tend : celui d’une économie de l’image, où le corps est devenu une marchandise sociale, un outil de reconnaissance, un capital de visibilité. OnlyFans, Instagram, TikTok… toutes ces plateformes récompensent l’exposition, la provocation, la séduction.
Il ne s’agit plus de simplement se sentir bien dans sa peau. Il s’agit d’être vue. D’être suivie. D’être monétisée.
Dans cet univers, le maillot de bain n’est plus un vêtement fonctionnel. Il devient un message. Un branding. Une affirmation. Mais à qui s’adresse ce message lorsqu’on se trouve dans une file d’attente, à côté d’enfants de 6 à 12 ans, le visage au niveau des fesses exposées de parfaites inconnues?
Des parents partagés, des enfants mal à l’aise
La section commentaires sur les réseaux sociaux est révélatrice : le Québec est divisé. D’un côté, les tenants du « vivre et laisser vivre », parfois agressifs, souvent condescendants, qui voient toute critique comme une forme de jalousie ou de répression. De l’autre, une majorité silencieuse — surtout des mères — qui osent enfin dire que quelque chose cloche.
Voici ce qu’on peut lire :
- Soso Lefebvre : « Mon fils de 11 ans s’est retrouvé la face dans les fesses d’une femme en string dans la file. C’est non. »
- Stéphanie Boisvert : « À Calypso, c’est la même chose. Des filles de 13-14 ans en string. Ce sont les parents qui les achètent! »
- Ariane Beauregard : « Mon fils de 12 ans m’a dit lui-même que ça le mettait mal à l’aise. Il compare ça à arriver en bobettes à l’école. »
Ces commentaires ne viennent pas d’extrémistes religieux ni de croisés de la moralité. Ce sont des parents ordinaires, confrontés à une réalité qu’on leur impose sans leur demander leur avis. Et quand ils osent le dire, ils se font traiter de « Karen », de coincés, ou de complexés.
Le retour du bon goût
Loin d’être un appel à la censure, cette controverse révèle un besoin urgent de rétablir une culture du bon goût, de la mesure, et du respect d’autrui. L’hypersexualisation n’est pas le progrès. Elle est la conséquence d’une économie qui exploite le corps sous prétexte de libération.
Les femmes sont libres. Mais elles ne sont pas des produits d’exposition. Et les enfants, eux, n’ont pas à devenir des spectateurs passifs de cette marchandisation ambulante du corps humain.
Section Commentaires (extraits représentatifs)
Catherine Pepin : « En file d’attente avec une paire de fesses dans la face… Après les enfants demandent : “Pourquoi on voit ses fesses, maman?” »
Caroline Larose : « Ce sont les jeunes filles de 13-14 ans en string devant les hommes qui me dérangent le plus. »
Kim Léonard : « Il devrait y avoir un code vestimentaire. Les gens n’ont plus de limites. »
Sylvia Hebert : « Habillez-vous comme vous voulez, mais attendez-vous aux commentaires si vous imposez votre nudité à tous. »
Rémi Varin : « Elles veulent juste se faire regarder. Et ça marche. »
Et vous?
Faut-il tracer une ligne entre liberté et décence dans les lieux publics familiaux? Ou devons-nous accepter que la pudeur ait été reléguée aux oubliettes au profit du culte de l’exposition?



