Après sa reprise du film d’animation La Petite Sirène qui s’inspirait du conte danois publié en 1837, Walt Disney Pictures revient à la charge avec une autre nouvelle adaptation avec de vrais acteurs. Cette fois-ci, c’est le conte de fées allemand Blanche Neige, rendu célèbre par les frères Grimm en 1812, qui est revisité.

Dans cette production, Blanche Neige sera jouée par Rachel Zegler, l’actrice américaine d’origine colombienne qui s’est fait connaître en interprétant le rôle de María dans la nouvelle adaptation cinématographique de la comédie musicale de Broadway West Side Story, réalisée par Steven Spielberg en 2021.

Bien que son père soit de descendance polonaise, Rachel Zegler a le type physique d’une latina. Sa peau a le teint hâlé. Pourquoi s’attarder à cet aspect? Parce que, comme l’indique son nom, le personnage de Blanche-Neige a été décrit comme ayant « la peau blanche comme la neige ». Il s’agit d’un trait nominal du personnage. C’est ainsi que la bonne reine s’imaginait la fille à laquelle elle souhaitait un jour donner naissance. Après tout, il est question d’un conte allemand et non méditerranéen.

Le plus frappant reste la transformation des sept nains, qui deviennent du coup sept « créatures magiques » appartenant aux deux sexes et à différentes races. Parmi les sept personnages, il ne reste qu’un seul nain, soit Grincheux, qui sera personnifié par Martin Klebba. Disney aurait décidé d’apporter ce changement suite aux propos de Peter Dinklage, la vedette de la série Game Of Thrones, qui est atteint de nanisme. En janvier 2022, dans un podcast avec le comédien Marc Maron, Dinklage aurait déploré la représentation « arriérée » des sept nains qui vivent dans une grotte.

« Pour éviter de renforcer les stéréotypes du film d’animation original, nous adoptons une approche différente avec ces sept personnages et avons consulté des membres de la communauté du nanisme », expliquait Disney au lendemain de la diffusion du podcast.

Cependant, comme le note le lutteur Hornswoggle [de son vrai nom Dylan Mark Postl], qui est également atteint d’une forme de nanisme, le film en dessins-animé original est loin de « renforcer les stéréotypes ». Les sept nains y représentaient des personnages individuels qui sont, non seulement de vrais êtres humains, mais tous des héros. Selon lui, « on enseigne aux enfants que la taille n’a pas tellement d’importance ». Il ajoute très justement que cette décision a principalement privé six nains d’un rôle de soutien dans un film à gros budget. Sans parler des contrats perdus par leurs doublures. Cet exemple illustre à merveille comment cette culture de la susceptibilité en vient à s’auto-cannibaliser.

À noter que Hornswoggle ne s’en prend pas à l’aspect « diversitaire » de la substitution. Il applaudit partiellement la démarche, et aurait bien accueilli l’embauche de nains des deux sexes et des différentes races pour ces rôles.

Une autre modification est apportée au niveau de l’intrigue. Dans une entrevue accordée à Variety, Rachel Zegler explique que « Blanche-Neige ne sera pas sauvée par le prince et ne rêvera pas du grand amour ». Elle rêvera plutôt de « devenir le leader qu’elle sait pouvoir être ». On y infuse ainsi une affirmation féministe absente du conte original.

Pourquoi cette version « politiquement correcte » suscite-t-elle des réactions négatives dans les milieux conservateurs?

Le choix de casting démontre que cette production s’inscrit dans le courant woke qui œuvre délibérément à réviser l’héritage occidental afin de le rendre « inclusif » et « diversitaire ». Les tenants du wokisme arguent que cette approche vise à permettre aux acteurs de différentes origines ethniques de jouer des rôles traditionnellement réservés à des acteurs blancs. Que la distribution d’un film dont l’intrigue se déroule dans une ville occidentale contemporaine corresponde à sa composition démographique n’est pas un souci. Sauf qu’il est ici question de Blanche-Neige, une œuvre classique ayant traversé les générations, faisant partie de l’imaginaire collectif et du patrimoine culturel euro-occidental. On assiste à une volonté de réécrire le passé, de le revisiter en déconstruisant les repères de civilisation.

Il y a d’autres exemples: dans une minisérie diffusée sur Channel 5 au Royaume-Uni, c’est l’actrice britannique noire Jodie Turner-Smith qui a été choisie pour incarner Anne Boleyn, la deuxième épouse du roi Henri VIII. Dans la série « Once Upon A Time », le personnage légendaire de la mythologie celtique galloise Merlin l’Enchanteur est joué par l’acteur Elliot Knight, qui est de race noire. Le chevalier de la table ronde Lancelot du Lac est aussi joué par un comédien de race noire, Sinqua Walls. Ces manœuvres idéologiquement motivées désagrègent. Dans la série documentaire de Netflix, la reine Cléopâtre est dépeinte comme une Africaine noire.

Ce révisionnisme s’effectue toujours à sens unique. C’est la blancheur qui est gommée par la « diversité ». L’inverse [qui serait également injustifié] susciterait tout un tollé chez les bien-pensants. On imaginerait difficilement la Princesse Yennenga, personnage légendaire d’Afrique de l’Ouest issu du peuple Mossi, incarnée par une actrice blanche. Ce serait d’ailleurs ridicule.

Tant qu’à modifier la composition des personnages et la trame de l’histoire, pourquoi ne pas faire fi de Blanche-Neige et des sept nains et assumer une création entièrement originale?

Ophélien Champlain

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