Blocage de rue et vandalisme de Cybertuck au Québec : la gauche dans un aveuglement idéologique total

La rue Saint-Denis à Montréal et la rue Saint-Jean à Québec ont chacune été le théâtre, ces derniers jours, d’interventions qui, bien que peu perturbatrices à grande échelle, illustrent une forme de radicalité présente dans certains cercles militants. À Montréal, des membres du groupe Last Generation Canada ont bloqué une artère névralgique de la métropole, paralysant la rue Saint-Denis en pleine heure de pointe. À Québec, un Cybertruck a été la cible d’un acte de vandalisme gratuit et puéril, transformé en toile de protestation dégénérée sur la populaire rue Saint-Jean. Deux gestes qui en disent long sur la désillusion de la gauche en 2025.

Aveuglement idéologique total

Mardi matin, la rue Saint-Denis a été bloquée dans les deux directions entre l’avenue Mont-Royal et la rue Marie-Anne, à Montréal. Des militants de Dernière Génération (ou Last Generation Canada), arborant leur désormais célèbre logo orange, ont interrompu la circulation pour dénoncer « l’inaction » climatique du gouvernement fédéral. Deux personnes ont été arrêtées par le SPVM. Marcel Paré, un des activistes présents, a affirmé à Noovo Info que « le gouvernement canadien ne met rien en place pour protéger sa population », évoquant les feux de forêt en Alberta et au Manitoba comme preuve de la gravité du réchauffement climatique.

Mais cette affirmation révèle un paradoxe criant : le Canada est l’un des pays du G7 qui a imposé le plus lourd fardeau réglementaire et fiscal à son économie au nom de la transition énergétique. Depuis une décennie, Ottawa a multiplié les gestes radicaux — taxe carbone fédérale, système de plafonnement et d’échange, interdictions d’exploration pétrolière, adhésion aux cotes ESG, signature d’accords internationaux contraignants — qui ont lourdement impacté l’industrie, le pouvoir d’achat, et l’investissement privé. Le discours de ces militants, dénonçant « l’inaction » d’un État littéralement paralysé par son propre dogmatisme environnemental, ne tient plus. Il témoigne plutôt d’un aveuglement idéologique total et d’une rupture complète avec la réalité vécue par la majorité des Canadiens.

Être scandalisés par un camion?

À Québec, un acte de vandalisme commis dans la nuit du 30 au 31 mai sur un Cybertruck stationné rue Saint-Jean a suscité l’indignation de ses propriétaires — mais aussi un certain malaise quant à la portée idéologique du geste. Comme le rapporte Catherine Bouchard dans Le Journal de Québec, le véhicule, propriété d’un couple résidant dans le quartier, a été recouvert de graffitis obscènes et de slogans politiques explicites : « fuck nazi », « I luv Trump », ou encore une fausse contravention adressée aux conducteurs de Tesla.

L’hostilité ciblait moins l’objet que ce qu’il incarne symboliquement : l’imaginaire associé à Elon Musk, au techno-libertarisme, à la masculinité agressive du design du Cybertruck — et, par extension, à Donald Trump, figure régulièrement assimilée par certains milieux de gauche à l’autoritarisme, voire au fascisme.

Cette lecture idéologique, aussi caricaturale soit-elle, donne lieu à des actes punitifs à l’égard de simples citoyens. Le véhicule, stationné légalement, n’avait rien d’un manifeste roulant. Pourtant, il est devenu la cible d’un règlement de comptes culturel, où les symboles sont attaqués pour ce qu’ils représentent, indépendamment des faits ou de la cohérence du message.

Et c’est là toute l’ironie : ces vandales se réclament sans doute d’un progressisme militant, mais choisissent pour cible une voiture électrique — emblème de la transition énergétique. Tesla, quel que soit son fondateur, reste l’un des catalyseurs de la réduction des émissions dans le secteur des transports. S’en prendre à ce véhicule au nom d’un antifascisme malhonnête relève donc moins d’un engagement politique réfléchi que d’un réflexe tribal, où la vertu affichée justifie la destruction.

Ce geste, filmé par les caméras de bord du véhicule, révèle un climat où certaines formes de militantisme ne cherchent plus à convaincre, mais à humilier. Ce ne sont pas les puissants qu’on attaque, mais des particuliers. Et ce ne sont pas des débats qu’on provoque, mais des tensions qui s’exacerbent, au mépris de toute civilité.

Un climat militant de plus en plus toxique

Qu’il s’agisse de bloquer les rues d’une grande ville ou de vandaliser la propriété d’un citoyen, le fond du problème est le même : un activisme en perte totale de légitimité, qui s’acharne désormais à perturber les vies plutôt qu’à convaincre. L’idée d’une écologie punitive, coercitive et moralisatrice est en train de basculer vers une violence symbolique — et parfois physique — dirigée contre les autres membres de la société, sans discernement.

Le paradoxe atteint son paroxysme lorsque ceux qui exigent des politiques radicales refusent de reconnaître que ces politiques sont déjà en place et qu’elles produisent, justement, des effets destructeurs sur l’économie réelle, sur les classes moyennes, et sur la confiance dans les institutions. Loin d’être inaudibles, ces militants sont désormais en dissonance avec la société qu’ils prétendent sauver.

Le coup d’éclat de trop? Peut-être. Mais surtout, l’expression d’un mouvement qui, à force de radicalisation, ne parle plus qu’à lui-même — et dont les actions contribuent moins à éveiller les consciences qu’à cristalliser l’exaspération collective.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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