Un jugement rendu à Calgary suscite une vive controverse : un homme reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement une fillette de 12 ans a vu sa peine réduite de dix à huit ans de prison en raison de son origine autochtone. Comme l’explique Chris Lambie dans le National Post, la juge Jayme Williams de la Cour de justice de l’Alberta (équivalent de la cour supérieure au Québec) a appliqué les principes dits « Gladue », qui obligent les tribunaux à tenir compte des circonstances particulières et des traumatismes systémiques vécus par les délinquants autochtones.
L’accusé, identifié sous les initiales RJM, est d’ascendance crie par sa mère. Il avait rencontré sa victime, désignée par les initiales AB, sur Instagram alors qu’il avait 25 ans. Entre le printemps et l’automne 2023, il a entretenu une relation marquée par des rapports sexuels forcés, des menaces de mort et des violences physiques. La décision judiciaire précise qu’il l’a frappée, traînée par les cheveux, menacée avec un couteau et même abandonnée au bord de la route. À une occasion, il a construit un engin explosif artisanal retrouvé sous la voiture de la mère de la victime.
La juge Williams note que RJM a poursuivi cette relation malgré sa connaissance explicite de l’âge réel de la fillette, découvert par ses propres recherches dans les dossiers scolaires de l’adolescente. Les échanges de messages textes présentés en preuve démontrent un glissement troublant : d’abord inquiet d’être considéré comme un pédophile, il a rapidement affirmé vouloir « profiter » des charges criminelles inévitables.
Le ministère public recommandait une peine de dix ans, soulignant la gravité exceptionnelle des faits. Mais la défense a plaidé pour six ans, évoquant le parcours chaotique de l’accusé : enfance marquée par la pauvreté, placements en famille d’accueil où il a lui-même subi des abus, dépendances sévères, racisme au sein même de sa famille et dans la société. La juge a retenu ces éléments comme facteurs atténuants liés aux principes Gladue.
Le jugement rappelle que ces principes, établis par la Cour suprême du Canada il y a plus de 25 ans, visent à réduire la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral. « L’accusé a existé pendant de longues périodes de sa vie dans un état de pauvreté extrême ou d’itinérance », souligne la juge. Elle reconnaît toutefois la gravité particulière des gestes commis : « La gravité de toute agression sexuelle majeure contre un enfant est élevée, mais la gravité de ces infractions spécifiques est supérieure à la plupart. »
En plus des agressions, RJM a été reconnu coupable d’avoir mené une poursuite policière à haute vitesse dans Calgary, causant des dommages matériels importants, et d’avoir tenté d’intimider la victime depuis sa cellule par de multiples appels téléphoniques.
La juge a finalement tranché pour une peine de huit ans d’emprisonnement, réduisant la sanction de deux ans par rapport à ce qu’elle aurait normalement imposé. « N’eût été ses facteurs Gladue, j’aurais imposé la peine recherchée par la Couronne », a-t-elle écrit.
Ce jugement illustre la tension récurrente dans le droit canadien entre la nécessité de punir sévèrement des crimes odieux et l’obligation de considérer l’héritage colonial, les abus et les discriminations systémiques subis par les Autochtones.



