CARPAY : La croisade libérale contre l’argent comptant commence

John Carpay, B.A., LL.B. est président du Justice Centre for Constitutional Freedoms, qui a publié un nouveau rapport expliquant l’impact potentiel des MNBC sur les droits et libertés des Canadiens, notamment en matière de vie privée, d’autonomie, de sécurité, d’égalité et d’accessibilité.

Si le gouvernement était une force toujours bienveillante — jamais abusive, toujours au service du bien — nous n’aurions pas besoin de protections constitutionnelles pour les libertés d’expression, de mouvement, de religion, de réunion ou d’association. Nous n’aurions aucune crainte face à l’abus de pouvoir de l’État. Nous pourrions ignorer l’avertissement célèbre de Lord Acton : « Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument. »

Mais l’histoire devrait nous servir de leçon.

Le nouveau sujet d’inquiétude pour les Canadiens provient du ministre de la Sécurité publique Gary Anandasangaree, qui affirme que son projet de loi C-2 — intitulé Loi sur la protection des frontières — protégera le Canada contre le crime organisé. Mais à y regarder de plus près, il s’agit plutôt d’une loi sur la surveillance renforcée.

Les politiciens ne retirent jamais des droits sans présenter une justification séduisante. C’est aussi le cas du C-2… on le présente comme étant nécessaire pour la sécurité, la santé publique et le bien commun.

Mais l’est-il vraiment ? Dans l’esprit de la célèbre maxime « le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle », examinons-le de plus près.

En évoquant la diffusion en direct d’abus sur un enfant, le gouvernement soutient que le projet de loi C-2 vise à « clarifier » les pouvoirs des forces de l’ordre pour leur permettre de saisir certaines informations sans mandat. Or, ces pouvoirs existent déjà dans les cas urgents et sensibles au facteur temps.

Ce qui semble se dessiner, c’est que la lutte contre le crime organisé et le blanchiment d’argent ne serait qu’un prétexte pour imposer de nouvelles restrictions à notre droit d’utiliser de l’argent comptant.

Sans surprise, le ministre Anandasangaree affirme que C-2 est conforme à la Charte, comme tous les politiciens l’ont fait en défendant des lois qui portent atteinte à nos droits et libertés.

Mais le projet de loi C-2 accorde aussi aux forces policières de nouveaux pouvoirs pour intercepter du courrier en transit, abolissant ainsi des protections en matière de vie privée qui existent depuis la Confédération. Selon Blacklock’s Reporter, la police a déjà le pouvoir de suivre des lettres ou colis suspects jusqu’à leur livraison — ce qui a vu des agents de la GRC se faire passer pour des facteurs ou livreurs lors d’opérations clandestines.

Le ministre Anandasangaree affirme : « Nous devons donner aux forces de l’ordre canadiennes les outils nécessaires pour garder une longueur d’avance sur les groupes du crime organisé et réprimer les activités illicites. » Or, si le crime organisé est bel et bien un problème (aussi ancien que l’humanité), il n’en reste pas moins que le pouvoir doit être encadré — y compris celui des forces policières — car le pouvoir corrompt.

Le ministre prétend également que C-2 est « essentiel pour assurer la sécurité du pays ».

Faux.

Le Canada jouit depuis 157 ans d’un niveau élevé de sécurité, tout en respectant la vie privée de ses citoyens — même lorsqu’ils envoient une simple lettre. Les policiers peuvent déjà obtenir un mandat en cour pour utiliser certains pouvoirs ciblés contre des individus ou des organisations spécifiques, sans porter atteinte à la vie privée de 99,99 % de la population.

Le projet de loi C-2 forcerait aussi presque toute organisation offrant des services électroniques à structurer ses données de manière à pouvoir les transmettre aux autorités sur demande.

Toute organisation qui utilise des services électroniques à destination des Canadiens ou opérant au Canada devra mettre en place des outils pour extraire et livrer les données d’utilisation à la police, au SCRS, aux agents de la paix, aux douaniers, gardiens de prison ou constables spéciaux — sans mandat judiciaire. Cela inclura aussi des données comme la localisation des abonnés internet.

Matt Hatfield, directeur exécutif du groupe de défense des droits numériques OpenMedia, a affirmé que le projet de loi C-2 pourrait forcer une grande variété de fournisseurs — réseaux sociaux, courriels, messagerie, plateformes de jeux, télécoms et services infonuagiques — à divulguer des informations sur leurs utilisateurs, notamment la province et la région où ils utilisent ces services, sans supervision judiciaire.

Et si C-2 est adopté, il deviendra criminel pour une entreprise, un professionnel ou un organisme de bienfaisance d’accepter un paiement ou un don en argent comptant de 10 000 $ ou plus. Même si la somme est divisée en plusieurs transactions plus petites, cela constituera un crime.

C’est dans la lignée du projet de loi 54 du Québec, adopté en mars 2024, qui permet aux policiers de présumer qu’une personne transportant 2 000 $ ou plus en espèces est liée à une activité criminelle. L’argent peut être saisi, et le citoyen doit prouver son innocence pour le récupérer.

Certes, peu de Canadiens paient des montants aussi élevés en espèces. Mais une fois que cela devient criminel, il devient facile pour Ottawa de réduire le seuil à 5 000 $, puis 1 000 $, puis 100 $… et ensuite quoi ? Zéro ?

Restreindre l’usage de l’argent comptant est un pas dangereux vers la tyrannie. Le comptant nous offre la confidentialité, l’autonomie, et la liberté d’échapper à la surveillance des gouvernements, des banques, des émetteurs de cartes de crédit et des grandes entreprises. Si nous tenons à notre vie privée, nous devons défendre notre liberté de choisir le comptant — dans les montants que nous jugeons appropriés.

Cela inclut, par exemple, notre droit de payer 10 000 $ en liquide pour une voiture, ou de faire un don de même valeur à un organisme. Les forces de l’ordre disposent déjà des outils nécessaires pour lutter contre le crime. Peut-être leur faut-il plus de ressources humaines, ou une meilleure utilisation de ce qu’ils ont. Mais dans une société libre, violer notre droit d’utiliser le comptant n’est pas la solution.

Il est temps que les gouvernements fassent preuve d’imagination. Porter atteinte à la vie privée et à la sécurité de tous les citoyens n’est pas la bonne réponse face aux frontières poreuses, aux crimes financiers ou au fentanyl dans nos boîtes aux lettres.

Cet article fut originellement publié sur le site du Western Standard le 5 juin 2025.

John Carpay

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