On croyait qu’elle avait disparu pour ne pas revenir dans l’actualité, mais voilà que Catherine Dorion fait son grand retour sur la scène québécoise. Et elle n’est pas là pour se repentir, bien au contraire. Ce qu’on a vu ces derniers jours, avec le lancement de son livre, c’est encore des blâmes, des reproches. Mais les gens de son ancien parti ne tendent pas l’autre joue et répliquent. En quoi Catherine Dorion a-t-elle fait « avancer » le Québec, sauf pour institutionnaliser une rébellion adolescente? Et qu’est-ce que son retour dit sur l’avenir de Québec Solidaire? C’est ce que nous allons voir.
Se présentant comme une « sorcière hopepunk », Catherine Dorion est en fait issue de la haute bourgeoisie de la ville de Québec. Son grand-père Noël Dorion fut député progressiste-conservateur et son père Louis Dorion est un avocat réputé de la ville. Lors du décès d’André Arthur, Catherine Dorion a raconté que c’était grâce à l’argent gagné par son père suite à un procès contre Arthur qu’elle a pu étudier dans une des plus grandes universités du monde : le King’s College de Londres. Donc pas vraiment un milieu habituel pour une « sorcière hopepunk ».
Nous nous souvenons des frasques de la nouvelle députée vedette de Québec Solidaire, de son entrevue malaisante avec Safia Nolin qui attaque les chroniqueurs de Québecor. Mais aussi du fait qu’elle détestait le travail parlementaire, qu’elle voyait comme une pure perte de temps. Pourtant, au risque de se faire lancer des tomates, il faut dire que madame Dorion a bénéficié de deux années de pandémie qui a mis un arrêt aux travaux parlementaires, en plus d’avoir bénéficié d’un congé de maternité. Il est donc peu probable qu’elle en ait fait plus que ses autres collègues députés lors de la même période.
Dans son livre qui revient sur son expérience de députée, elle attaque tout particulièrement un individu en particulier : Gabriel Nadeau-Dubois. Qu’elle accuse de misogynie et d’avoir voulu la faire taire. « GND » est vu en effet par une partie de la gauche radicale québécoise comme l’homme qui a voulu faire de Québec Solidaire un parti sérieux et présentable, qui rentre dans l’institution. Une trahison pour les tenants de la ligne dure, celle de la « rue ».
Par contre, ce qu’elle présente comme dynamique dans les coulisses de son parti, c’est très intéressant d’observer les guerres intestines entre « GND », l’aile plus radicale du parti et les modérés comme Manon Massé qui « s’écrasent » devant la « tyrannie » du chef actuel de l’aile parlementaire. Nous connaissions déjà les tensions entre la direction du parti et le collectif antiraciste décolonial, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler sur Québec Nouvelles, mais on sent qu’il se passe des choses qui remettent en question l’avenir du parti pour les prochaines élections.
Déjà, la course au « porte-parolat » entre Christine Labrie, Ruba Ghazal et Émilise Lessard-Therrien fait couler beaucoup d’encre. Christine Labrie, qui représente l’aile idéologique du parti, a pourtant fait part d’un reproche pertinent à l’égard de son parti : si Québec Solidaire n’accepterait jamais que plus de 50% des membres et électeurs ne soient pas féministes, cela devrait être accepté qu’ils refusent l’indépendance du Québec?
De plus, Labrie reproche au parti de noyer le projet indépendantiste sous le couvert d’un hypothétique projet d’assemblée constituante. Manon Massé n’a visiblement pas apprécié la sortie de sa collègue de Sherbrooke. Elle dit qu’elle croit profondément au projet de constituante, car elle a perdu deux référendums. Cela se défend. Mais elle n’a pas adressé le fond du problème qu’une constituante, par principe ouverte à tous, peut dévier vers un projet qui ne remettra pas en question l’unité canadienne.
Mais pour en revenir à Catherine Dorion, c’est toujours aux autres qu’elle fait des reproches. Et elle ne semble pas donner de crédit à ceux qui l’ont soutenue pour sa victoire dans Taschereau. Dans une lettre ouverte cinglante, Louis-Philippe Boulianne, qui fut coordonnateur des communications durant la campagne de 2018, et son premier attaché politique, semble la trouver pas mal « cheap ». En effet, il affirme dans son texte publié sur Facebook et Twitter : «Après 5 ans, je suis enfin prêt à le dire: Catherine n’a pas tiré notre mouvement vers le haut. Au contraire, elle s’est appuyée sur les épaules de notre parti pour se hisser elle-même plus haut».
Pour Dorion, la politique à l’Assemblée nationale étant une platitude pas assez bien pour elle, elle est passée d’une présence forcée à tout simplement s’absenter des murs du salon bleu. Il affirme à propos du niveau de maturité de la future députée de Tachereau que durant un de ses « élans artistiques », lui, Manon Massé, « GND » et d’autres ont tenté de la décourager de faire «un projet de vidéo dont le scénario consistait à la voir détruire un mannequin représentant Justin Trudeau à coup de pelle».
C’est l’heure des bilans pour Québec Solidaire. Catherine Dorion n’aurait proposé qu’un seul amendement en quatre ans concernant un projet de loi sur le patrimoine. Mais elle a rendu la politique encore plus immature, à grands coups de tenue vestimentaire négligée. Mais aussi en blâmant les « médias de droite » de parler d’elle, alors que tout était fait pour que justement nous parlions d’elle.
L’avenir de Québec Solidaire est précaire. Le parti sait que déjà, il a atteint son plafond en termes d’appuis. Il est peu probable qu’il obtienne plus de députés lors des prochaines élections. Il pourrait même en perdre au profit d’un Parti Québécois gonflé à bloc. Un parti social-démocrate plus modéré, qui présentera à coup sûr une image plus adulte que celle des frasques de Sol Zanetti et Catherine Dorion. Elle n’aura que contribué à nuire à l’image publique d’un parti qui s’en serait bien passé. Et ça n’augure rien de bon que cette guerre sur la place publique entre elle, « GND » ou la course au « porte-parolat » qui laissera des traces dans un parti qui ne sait toujours pas s’il doit être un parti des « urnes » ou de la « rue ».
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