CBC/Radio-Canada : 84 % des nouvelles embauches issues de groupes racisés, autochtones ou en situation de handicap

Dans un contexte où les débats sur la diversité et la méritocratie s’intensifient au sein des institutions publiques canadiennes, un article de Graeme Gordon, publié le 29 octobre 2025 sur The Hub, révèle que la Société Radio-Canada (CBC/Radio-Canada) a largement dépassé ses objectifs d’« équité représentative » pour l’exercice 2024-2025. Selon le rapport corporatif annuel de la société d’État, 84,1 % des nouvelles embauches provenaient de trois catégories dites « d’équité » : les peuples autochtones, les personnes en situation de handicap et les personnes racisées, un résultat qui dépasse de près de vingt points la cible initiale fixée à 65 %.

Un virage radical dans la politique d’embauche

Dans la section du rapport intitulée « Reflecting Contemporary Canada », CBC affirme vouloir que son effectif reflète « la nature multiculturelle et multiraciale du pays ». Or, les chiffres rapportés par Graeme Gordon montrent une accélération spectaculaire de cette politique : l’objectif de 50 % en 2023-2024, déjà dépassé (60,2 %), a été relevé à 65 % l’année suivante, puis encore à 66 % pour 2025-2026, bien que la société ait déjà atteint 84,1 % à ce stade.

Le porte-parole corporatif Leon Mar a affirmé à The Hub que « dépasser ces cibles est la preuve que notre stratégie pour élargir nos bassins de talents fonctionne », ajoutant que le diffuseur public cherche à « combler les écarts de représentation au sein de sa main-d’œuvre » comparativement au marché du travail canadien.

Mais selon plusieurs juristes spécialisés en droit du travail, cette approche soulève des questions légales et éthiques. L’avocat torontois Puneet Tiwari, associé chez Levitt LLP, a déclaré à The Hub :

« S’éloigner d’une embauche fondée sur le mérite est un désastre, peu importe la composition d’une organisation. Si un employeur souhaite diversifier son milieu de travail, il doit offrir l’égalité des chances, mais toujours embaucher selon le mérite. »

Des proportions sans commune mesure avec la démographie canadienne

L’article souligne que la composition des embauches de CBC ne correspond pas à la démographie du Canada. Selon le recensement de 2021, environ 4,9 % des Canadiens sont autochtones, 26,5 % appartiennent à une minorité visible, 27 % ont une forme de handicap, et 67,4 % s’identifient comme blancs. Même en tenant compte de l’augmentation de la population depuis 2021 — passée de 38,1 à 41,7 millions d’habitants —, les chiffres de la CBC demeurent disproportionnés.

Au total, parmi les 7 000 employés de la société d’État (en date de juin 2025), 2,1 % s’identifient comme autochtones, 11,3 % comme personnes handicapées et 20,7 % comme minorités visibles. Ce décalage illustre, selon The Hub, la difficulté de concilier une stratégie d’embauche fondée sur des cibles idéologiques avec la réalité du bassin de talents qualifiés.

Discrimination inversée ou inclusion élargie ?

Interrogé par Graeme Gordon sur la possibilité que cette politique puisse constituer une forme de discrimination fondée sur la race, le porte-parole Leon Mar a répondu que les politiques de la CBC sont « pleinement conformes à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Loi sur l’équité en matière d’emploi ».

Les candidats aux postes de la CBC sont explicitement invités, dans le processus d’embauche, à s’auto-identifier comme Autochtone, personne en situation de handicap ou racisée. Chaque offre d’emploi inclut un passage indiquant que la société est « déterminée à être un chef de file dans la représentation de la diversité canadienne ».

Toutefois, pour plusieurs observateurs cités par The Hub, cette logique d’auto-identification et de quotas déplace le centre de gravité de la compétence vers l’identité. L’avocate Kathryn Marshall, représentant l’ex-animateur Travis Dhanraj, un journaliste issu d’une minorité visible ayant quitté CBC en juillet, affirme que cette politique relève du « branding performatif » :

« Avec CBC, tout est purement performatif. Ils ne se soucient pas d’embaucher les meilleurs journalistes, mais de cocher des cases. Ils ont tokenisé mon client. »

Crise du talent et recrutement paradoxal

Le même rapport corporatif reconnaît que la société d’État fait face à de graves difficultés de recrutement, notamment pour les postes de « top talent » dans un secteur médiatique en crise. CBC évoque une pénurie de talents spécialisés et un désintérêt croissant pour les carrières en journalisme, ce qui complique le recrutement et augmente les coûts.

Pour y remédier, l’entreprise a mis en place un programme « Accelerator », destiné aux diplômés de son programme interne On-Air Talent Development issu de la division Equity and Inclusion.

Graeme Gordon rappelle aussi que la CBC a suscité la controverse en août dernier, lorsqu’un article de Juno News a révélé que la société avait embauché au moins 20 travailleurs étrangers temporaires depuis 2015 via le programme fédéral LMIA, censé être réservé aux emplois où aucun Canadien n’est disponible.

Un débat sur la méritocratie dans les institutions publiques

L’avocat Puneet Tiwari conclut dans The Hub que ces politiques représentent « un glissement dangereux » :

« Ce n’est pas qu’ils veulent une représentation équitable ; ils fixent des chiffres arbitraires et orientent l’embauche sur autre chose que la compétence. C’est insultant pour tous ceux qui ont travaillé dur pour en arriver là. »

Pour Tiwari comme pour plusieurs voix citées, la CBC ne reflète plus le Canada réel, mais une version idéologique de celui-ci, où la représentation démographique devient une fin en soi, au détriment de la qualité journalistique et du mérite professionnel.

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