Cheval de Troie progressiste : comment la gauche actuelle attaque les compétences du Québec

Une chose frappe lorsque l’on voit des Québécois associés au camp progressiste rendre hommage au travail du futur ex-chef du NPD, Jagmeet Singh. Et c’est cet aveuglement face à l’importance de respecter les compétences partagées. Car, oui, malgré ce que certains aimeraient bien croire, au Canada, les champs de compétence sont partagés entre les provinces et le fédéral. Au grand désespoir d’une certaine gauche centralisatrice tentée par l’autoritarisme.

Jagmeet Singh aura été l’homme d’un agenda politique très précis : celui de l’assurance-médicaments par le gouvernement fédéral, ainsi qu’un programme de remboursement de soins dentaires pour certaines catégories de la population. Pourtant, malgré de bonnes intentions, il faut dire que le fait que cela provienne d’un parti fédéral est profondément pervers.

Pourquoi ? Parce que la santé, l’éducation sont censées être des compétences exclusives des provinces. Le fédéral s’arrogeant quant à lui la défense, la monnaie, la politique étrangère, ainsi que les pouvoirs résiduels issus du développement technique, par exemple les télécommunications. Or, ces compétences visent, pour le Québec notamment, à protéger son identité.

L’éducation est probablement le secteur le plus vital afin de transmettre une culture commune aux habitants d’un endroit. Au Québec, l’éducation a été maintes fois attaquée par les intrusions du fédéral, qui ont, sous Jean Chrétien, introduit les bourses du millénaire. De nos jours, cette ingérence se manifeste par l’influence d’Ottawa dans les programmes universitaires : la recherche, l’innovation, le recrutement — qui s’effectue désormais non pas selon des bases méritocratiques, mais idéologiques.

Le NPD, par le biais de la santé, permet une plus grande emprise du gouvernement fédéral sur nos vies. Ce précédent est dangereux, et rien n’indique que le prochain gouvernement de Mark Carney cessera ses intrusions dans les compétences des provinces. Sous couvert de bonnes intentions, c’est faire rentrer le loup dans la bergerie.

Qu’arrivera-t-il si un jour le gouvernement canadien souhaite subventionner certains groupes ethniques ou religieux par le biais de programmes sociaux ? Alors que le Québec aspire à une forme d’universalisme ? Qu’est-ce qui empêchera un jour le fédéral de créer des réseaux parallèles à ceux des provinces dans la délivrance de services aux citoyens ?

Le Canada, contrairement aux États-Unis, tend au fil des années vers davantage de centralisation. Et cela est dangereux, considérant les idéologues toujours en poste à Ottawa. Des employés du gouvernement fédéral se plaignent en privé d’être contraints de suivre des séances de rééducation idéologique sur les territoires autochtones non cédés.

Souhaitons-nous vraiment cela dans d’autres secteurs de la société civile ? Bien sûr, il n’est pas nécessaire de penser à la pente glissante. Mais cette centralisation, au nom de belles valeurs, aura un jour ou l’autre son coût pour l’autonomie du Québec. La gauche, jadis indépendantiste ou du moins favorable au français, tend à relativiser les attaques contre le Québec, vu comme rétrograde et xénophobe.

Ce qui serait un retour aux années de jeunesse d’un Pierre Elliott Trudeau, alors auteur chez Cité libre, d’où il estimait que le progrès ne pouvait venir que d’Ottawa, face au gouvernement autocratique et autoritaire de Maurice Duplessis. Nous en sommes toujours là, sauf que les figures ont changé. Pourtant, cette gauche ne gesticule jamais lorsque le Québec réclame sa juste part des transferts en santé, ou encore du coût qu’engendre l’arrivée massive de migrants à la frontière depuis le chemin Roxham.

Comme quoi, il y a toujours un double standard pour la gauche québécoise. Les programmes d’assurance-médicaments et de soins dentaires existent déjà chez nous. Si Québec solidaire veut pousser cet agenda, qu’il le fasse, puisqu’il s’agit de compétences déléguées au gouvernement du Québec. Sinon, que le NPD se mêle de ses affaires.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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