Donald Trump et Justin Trudeau sont diamétralement opposés, autant en fonction de leurs personnalités que leurs politiques. En 2017, une semaine après l’entrée en fonction du président américain, Justin Trudeau en faisait la démonstration au moyen d’un signalement de vertu sur Twitter: « À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera indépendamment de votre foi. La diversité fait notre force. #BienvenueAuCanada ». D’un côté, il y a Trump qui veut mettre un terme à l’arrivée non contrôlée de migrants non documentés sur son territoire; de l’autre, son antithèse qui lance une invitation à la planète toute entière, sous le couvert d’accueil de demandeurs d’asile – car c’est ainsi qu’on désigne l’immigration illégale quand on la cautionne ou qu’on ferme volontairement les yeux.
La réélection de Trump annonce un profond bouleversement pour l’establishment politique, et ce, malgré le maintien en poste de certains Républicains hostiles à Trump qui tenteront de saborder ses initiatives à l’interne. D’après les nominations annoncées, il est clair que son administration 2.0 sera plus musclée que la précédente. Elle sera porteuse d’une forte volonté d’assainissement institutionnel, qu’il ne faut pas confondre avec une quelconque « menace pour la démocratie » – bien qu’elle constitue une menace pour le régime corrompu arrivé au bout de son cycle et pour les politiciens de carrière qui en sont les sangsues.
Le dénigrement propagandiste des agences de presse et des acteurs médiatiques indique que le retour de Trump fait trembler l’appareil politique à la grandeur de l’Occident. On redoute de voir surgir un pareil sursaut populiste, nationaliste et conservateur ailleurs, et les efforts sont déployés pour tenter de le neutraliser. L’épouvantail Trump sera encore déployé, peut-être avec moindre efficacité. Aux États-Unis, l’acharnement a fini par générer l’effet inverse, faisant augmenter le capital de sympathie du principal intéressé.
Au Canada, il faut s’attendre à ce que l’actualité politique américaine soit instrumentalisée lors de la prochaine campagne électorale fédérale. La classe médiatique tentera d’associer des candidats de la droite à Trump, en s’imaginant que cela suffise à les discréditer aux yeux de l’électeur moyen. Mais, il y aura là aussi une lame à double tranchant, car une partie croissante des électeurs de droite se font une impression positive de Trump [surtout à partir de l’Ontario en allant vers l’ouest]. Ceux-ci percevront tout désaveu de Trump comme un manque d’intégrité.
La fermeté de l’administration Trump dans sa gestion de l’immigration illégale exposera, par comparaison, le laxisme du gouvernement canadien. Considérant que la vaste opération de déportations annoncée par Trump sera enclenchée dès le mois de janvier, faut-il s’attendre à ce que des migrants affluent au Canada pour éviter d’être reconduits dans leurs pays d’origine? Difficile d’imaginer qu’une pareille situation ne soit pas nuisible à un impopulaire gouvernement Trudeau dont les jours sont comptés – car il restera vraisemblablement en poste jusqu’à l’assermentation du président.
Trump a indiqué qu’il mettra en place des tarifs douaniers pour limiter la concurrence de biens étrangers. Comment se débrouillera Trudeau face à un négociateur commercial aussi expérimenté? Le retour de Trump ne doit pas obligatoirement être catastrophique pour l’économie canadienne, à condition qu’il y ait quelqu’un de qualifié qui fasse le poids pour entreprendre les négociations. De plus, Trump ne se cache pas d’avoir peu d’estime pour Trudeau. Le restant du règne du premier ministre s’annonce de mal en pis.
Trump représente aussi la répudiation de la climato-anxiété. Si le pays voisin, avec 10 fois plus de population, se dissocie des accords climatiques et qu’il réfute les politiques et restrictions imposées au nom du réchauffement climatique, on questionnera la pertinence de continuer sur la voie tracée par Trudeau. On peut espérer qu’en vue de se rapprocher d’une autosuffisance énergétique, l’exploitation des hydrocarbures devienne moins tabou et obtienne davantage d’adhésion.
Tandis que Trump symbolise une défiance au wokisme, sa réélection marque une victoire dans la guerre culturelle [et au-delà du cadre américain], parce qu’elle constitue aussi une victoire pour la liberté d’expression. Le pouvoir d’intimidation des militants wokes s’en trouve dévalué. Parce que le phénomène Trump n’est pas seulement politique, mais culturel. Il s’alimente de la culture du mème Internet et en génère davantage à son tour. Le conservatisme populiste s’est imposé comme nouvelle contre-culture. C’est par celui-ci que s’exprime la révolte contre l’ordre moral de l’époque actuelle. En 1974, porter un t-shirt des Doors avait une connotation subversive. Or, il n’y a plus rien d’anticonformiste, en 2024, à arborer la marchandise d’un groupe comme Rage Against The Machine, qui appuie le wokisme LGBTQ+. La casquette MAGA de Trump par contre…
Le clivage Trump/wokisme est très nettement polarisé aux États-Unis. Par contre, on n’observe pas les mêmes vases communicants au Québec. On retrouve dans l’univers médiatique des commentateurs très opposés au wokisme et à l’immigration massive, mais qui sont également farouchement anti-Trump – une posture intellectuellement inconséquente, mais courante chez les chroniqueurs de Québécor.
Selon une étude réalisée par Environics Institute, 73% des Québécois auraient souhaité la victoire de Kamala Harris [davantage que 72% qui espéraient la victoire de Joe Biden en 2020]. Seulement 12% des répondants du Québec ont dit souhaiter une victoire de Trump. Au niveau Canadien [incluant le Québec], 60% favorisait Harris [moins que 67% pour Biden en 2020] tandis que 21% prenait pour Trump. C’est dans les prairies que l’appui à Trump culmine, atteignant 33%. La statistique la plus consternante concerne les électeurs du Bloc Québécois, qui ont favorisé Harris dans les plus amples proportions, soit à 89% [davantage que le 84% d’appuis à Biden en 2020]. L’appui dépasse même celui des électeurs du Parti Libéral [85%] ou du NPD [82%]. 7% des partisans du Bloc auraient voté pour Trump, comparativement à 6% des partisans du NPD et 8% des Libéraux.
Ces données sont révélatrices de l’impasse intellectuelle dans laquelle s’est engouffré le mouvement nationaliste/souverainiste québécois en restant accroché aux idéaux progressistes des années 1970, et qui ne sont plus en phase avec les réalités du XIème siècle. Face à l’avènement du mondialisme et de la déconstruction des repères civilisationnels, même une nation de 300 millions comme l’Amérique doit réaffirmer sa pulsion de vie. Cette affirmation nationale va de paire avec la préservation de son héritage, ce qui implique un conservatisme du moins pragmatique. Le mouvement nationaliste/souverainiste est voué à sa perte s’il s’obstine à percevoir toute chose conservatrice comme étant péjorative.
La mouvance populiste nationaliste et conservatrice mène la charge contre le projet mondialiste qui menace existentiellement la souveraineté de l’État-nation et la survie de son identité. Trump fait figure de « nationaliste en chef ». On peut encore ne pas apprécier le personnage, mais que des nationalistes ou des indépendantistes lui préfèrent Kamala Harris est un non-sens: elle se situe sur la même ligne idéologique que Justin Trudeau. Tant que la société québécoise reste enfermée dans une chambre à écho inclinée idéologiquement, il est difficile d’imaginer cette forme de national populisme dans l’offre politique.
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