L’écrivain et biologiste évolutionniste Colin Wright, aujourd’hui chercheur associé au Manhattan Institute, revient dans le Wall Street Journal sur un débat brûlant : l’explosion des identifications « trans » parmi les jeunes serait-elle le fruit d’un phénomène social plutôt que d’une réalité biologique ?
Wright, ancien professeur à l’Université Penn State, raconte d’abord comment sa carrière universitaire a été brisée après qu’il eut osé, en 2020, évoquer sur les réseaux sociaux le concept de « contagion sociale » pour décrire l’essor des diagnostics de dysphorie de genre chez les adolescentes suédoises entre 2008 et 2018. Une augmentation de 1 500 % en dix ans, selon les chiffres officiels cités par le Guardian.
Ce qui aurait pu être une hypothèse de recherche s’est transformé en anathème. Wright explique qu’il s’appuyait sur les travaux de Lisa Littman, chercheuse autrefois affiliée à l’Université Brown, qui introduisait en 2018 la notion de « rapid-onset gender dysphoria » : l’apparition soudaine d’un mal-être de genre chez des adolescentes sans antécédent d’inconformité sexuelle, mais dont plusieurs amies se disaient désormais trans. Littman parlait de « contagion sociale » au sens sociologique — comme pour les troubles alimentaires ou les suicides en série — et non d’une insulte.
Or, dans le climat idéologique des années 2020, évoquer un facteur social revenait à nier une vérité jugée intangible : que l’identité de genre serait innée et immuable, à l’instar du sexe biologique. Cette prémisse soutient tout l’édifice médical (puberté bloquée, hormonothérapie, chirurgie) et juridique (protection des « identités » comme catégorie de droits civiques).
Les données changent de cap
Wright observe que, si cette théorie d’une identité « naturelle » était juste, la proportion de personnes trans aurait dû croître avant de se stabiliser à un niveau fixe — comme pour la gaucherie lorsque la stigmatisation a disparu. Or, plusieurs études récentes suggèrent un reflux marqué :
– Eric Kaufmann, de l’Université de Buckingham, a constaté une baisse de 50 % du nombre d’étudiants américains se disant trans entre 2023 et 2025.
– La psychologue Jean Twenge, à partir de l’enquête annuelle Cooperative Election Study (YouGov), note une chute similaire chez les 18-22 ans entre 2022 et 2024 : « le pic de l’identification trans semble déjà passé », écrit-elle.
Un autre rapport, publié par la Society for Evidence-Based Gender Medicine, nuance toutefois cette tendance : selon la vaste National College Health Assessment, la proportion d’étudiants s’identifiant comme trans ou non binaires atteint entre 4,7 % et 6,7 %, un record — mais peut-être un plateau.
Les identités « non binaires » : une construction culturelle ?
Pour Wright, ces chiffres renforcent l’idée de contagion sociale. Il note que la majorité des nouveaux identifiés appartiennent à la catégorie « non binaire », une désignation sans correspondance biologique : ni homme ni femme, ou les deux à la fois. Ces identités — « demiboy », « genderfluid », « two-spirit » — relèvent, selon lui, d’un langage culturel et politique plus que de réalités physiologiques.
La bataille juridique sur « l’immuabilité »
Le biologiste évoque également l’affaire Talbott c. Trump (2025), où des plaignants ont contesté un décret présidentiel interdisant aux personnes adoptant « une identité de genre inconciliable avec leur sexe » de servir dans l’armée. Les avocats des plaignants soutenaient que l’identité de genre est « innée » et « imperméable aux influences externes ». Wright considère cette argumentation comme scientifiquement fragile : les recherches neuroanatomiques ou hormonales avancées comme preuves reposeraient sur des échantillons faibles, des résultats non reproduits et des biais liés à l’orientation sexuelle ou à la prise d’hormones.
Selon lui, aucune donnée robuste ne démontre l’existence d’une « identité de genre » biologique. L’explosion statistique — plus de vingt fois plus de jeunes se disant trans qu’en 2010 — ne peut être expliquée par la biologie seule.
Vers la fin d’un cycle idéologique ?
Colin Wright ne nie pas la souffrance de ceux qui se sentent en décalage avec leur sexe, mais il estime que l’industrie médicale et militante a redéfini la notion de « transgenre » pour englober la moindre non-conformité aux stéréotypes sexuels. Une fille masculine ou un garçon efféminé se voient désormais catalogués comme trans, ce qui brouille la frontière entre comportement et identité.
L’auteur conclut que la vague transgenre récente fut d’abord un phénomène social, soutenu par l’imitation, la valorisation institutionnelle et les réseaux numériques. Comme d’autres modes culturelles, elle pourrait se résorber avec le temps, laissant place à un débat plus rationnel sur la diversité du genre et les limites de la médecine identitaire.



