Daniel Rogers admet une crise de confiance au SCRS : «L’organisation est malade»

Longtemps perçu comme une forteresse de silence et de discipline hiérarchique, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) n’a que rarement laissé transparaître ses failles internes. Pourtant, un vent de lucidité semble souffler au sommet de l’agence. Un article de Christopher Nardi, publié le 30 octobre 2025 dans le National Post, révèle qu’un rare moment de franchise a provoqué un véritable électrochoc en son sein. Son directeur, Daniel Rogers, a envoyé en juin dernier un mémo interne d’une transparence inhabituelle, reconnaissant la crise de confiance et les dysfonctionnements systémiques qui minent l’organisation depuis des années. L’effet a été immédiat : plusieurs employés, dont certains comptent près de vingt ans de service, ont exprimé leur soulagement devant ce qu’ils perçoivent comme un « aveu enfin honnête » de la maladie interne du Service.

Un mémo sans détour sur un climat interne délétère

Selon le National Post, Rogers a adressé en juin un message à l’ensemble du personnel du SCRS après les résultats du plus récent Public Service Employee Survey (PSES), qui révélaient une démoralisation généralisée et une profonde défiance envers la direction.
« Les résultats sont décevants et inacceptables », écrivait-il dans une note au ton inhabituellement direct, ajoutant que la faible confiance envers les dirigeants nuisait à la mission du Service et à la confiance du public.

Rogers, nommé à la tête du SCRS en octobre 2024, a promis de faire de la transformation culturelle « la priorité absolue » de son mandat. Il a aussi indiqué que les cadres seraient désormais évalués — et rémunérés — selon leurs progrès dans l’amélioration du climat de travail et du leadership.

Une libération de la parole au sein du Service

Les courriels obtenus par Christopher Nardi grâce à une demande d’accès à l’information montrent un phénomène rare : une adhésion quasi unanime au message du directeur.
« Je ne me souviens pas, en presque 18 ans de service, d’avoir jamais entendu un membre de la direction reconnaître l’existence d’un problème systémique », a écrit un agent. « On a l’impression que l’organisation est malade et que les médecins refusaient de l’admettre. Ce mémo m’a tiré des larmes. »

Un autre employé a salué la fin des communications trop positives :
« Les employés aiment l’honnêteté du message. Pas de “pompage de soleil” cette fois-ci », écrivait-il, en référence au jargon interne.

Certains ont même évoqué un tournant : « Vous avez hérité d’un gâchis », notait un agent à l’adresse de Rogers. « Des messages comme celui-ci montrent que le temps est venu de remettre de l’ordre. »

Des chiffres inquiétants sur la gouvernance interne

Le sondage de 2024, cité par le National Post, plaçait le SCRS parmi les pires organismes fédéraux en matière de confiance et de moral.
Seuls 40 % des employés disaient avoir confiance en la haute direction, et 29 % estimaient que les cadres prenaient des décisions « efficaces et rapides ». À peine la moitié jugeaient que les dirigeants donnaient l’exemple en matière d’éthique.

Certains employés ont dénoncé une « paralysie décisionnelle » chronique : des gestionnaires incapables de trancher, déclarant tout projet prioritaire sans réelle hiérarchie, au point que « rien n’avance ». D’autres ont évoqué le départ d’un « nombre sans précédent » d’agents expérimentés au cours des huit dernières années, symptôme d’une direction déconnectée.

Des réformes promises, un passé lourd à assumer

La porte-parole du SCRS, Magali Hébert, a indiqué à Nardi que le Service avait déjà entrepris plusieurs changements en réponse aux critiques : nouveau cadre de gestion des talents, révision des règles de nomination des cadres, et renouvellement des postes de « champions » responsables des valeurs, de la reconnaissance et de la santé organisationnelle.

Ces mesures, souligne le National Post, s’inscrivent dans une longue série de promesses de « réforme culturelle » formulées par des directeurs successifs, rarement suivies d’effets durables. Rogers semble toutefois déterminé à rompre avec cette inertie.

Une quête de confiance et de crédibilité

L’intervention de Daniel Rogers marque un tournant symbolique pour le SCRS, souvent accusé d’opacité et de hiérarchisme. Le nouveau directeur mise sur la transparence interne pour restaurer la confiance, à la fois parmi les employés et dans l’opinion publique.

À en juger par les témoignages recueillis par le National Post, cette rare introspection a déjà eu un effet thérapeutique. L’expression « le SCRS est malade » — autrefois impensable dans un mémo officiel — est devenue le cœur d’un diagnostic que l’agence semble enfin prête à affronter.

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