Pendant des mois, le cycle des nouvelles était saturé par les révélations explosives d’ingérences chinoises dans la politique canadienne, et particulièrement lors des élections de 2019 et 2021. L’apparente passivité du gouvernement libéral de Justin Trudeau, qui n’avait pas cru bon informer les députés visés par des menaces de la Chine communiste, entre autres choses, avait choqué les partis d’oppositions, qui ont alors commencé à réclamer une commission d’enquête publique et indépendante. Mais voilà que depuis quelques semaines, avec la remise d’un rapport par le « rapporteur spécial » David Johnston, nommé à ce poste exceptionnel pour l’occasion, le débat est passé des ingérences chinoises à David Johnston lui-même, que l’opposition considère un mauvais choix en raison de ses liens avec les Trudeau et la Chine.
Lors de sa nomination au poste de rapporteur spécial par Trudeau, de nombreux commentateurs affirmaient que Johnston, dont la feuille de route est impeccable, avait tout à perdre. Apprécié tant par les libéraux que les conservateurs – qui l’avaient nommé gouverneur général sous Harper – on spéculait que l’exercice de ce poste et ses liens avec la fondation Trudeau, justement touchée par le scandale, ne ferait que ternir sa réputation et le mettre dans une situation délicate.
Thomas Mulcair, notamment, écrivait à l’époque : « Justin Trudeau continue de défendre la nomination de M. Johnston, qualifiant ce dernier d’homme «irréprochable». Trudeau a raison de le décrire ainsi, mais là n’est plus la question. On peut nommer un avocat «irréprochable» à titre de juge. Ce juge ne peut cependant pas entendre une cause impliquant sa propre famille. […] Johnston ne peut regarder de manière indépendante tout ce qui s’est passé à la Fondation Trudeau ni ce qu’elle a fait à propos de l’argent provenant du gouvernement chinois. Il était là pendant une bonne partie de la période qui devrait être étudiée, peu importe s’il y était au moment de recevoir les chèques. »
L’ex-chef du NPD concluait alors dans un autre billet que cette nomination n’était qu’une manœuvre du gouvernement Trudeau pour gagner du temps jusqu’aux élections, qu’il chercherait à repousser à l’automne : « Si Johnston met un ou deux mois pour lui faire un rapport, même s’il recommande la tenue d’une commission d’enquête, ça prendra plusieurs mois de plus avant que cette commission puisse amorcer ses travaux. Le but des libéraux est de balayer sous le tapis la question de l’ingérence du gouvernement chinois assez longtemps pour que les travaux et les témoignages d’une éventuelle commission d’enquête ne puissent gêner la tenue d’une élection à l’automne. »
Il semble que ces prédictions de Mulcair soient désormais avérées. Depuis la remise de son rapport, qui ne recommande pas la tenue d’une commission d’enquête publique et indépendante, la défense de sa réputation par Johnston semble avoir pris le devant de la scène aux dépens des allégations d’ingérences. Ses arguments selon lesquels une telle commission d’enquête publique serait trop délicate à mettre en place en raison du caractère confidentiel des documents et des potentiels risques pour la sécurité nationale sont loin de convaincre l’opposition, qui demande désormais sa démission.
Pierre Poilievre, notamment, affirmait récemment que Johnston devait « se tasser du chemin » pour permettre aux Canadiens de faire la lumière sur ces allégations d’ingérences.
Entendu par un comité parlementaire ce mardi, Johnston s’est même montré défiant face à l’opposition, l’accusant de propager de « fausses allégations ». S’accrochant de la sorte à son poste de rapporteur spécial, la respectabilité de l’ancien gouverneur général semble s’éroder à vitesse grand v, laissant tout de même le temps à Justin Trudeau de ventiler.
«J’ai entendu clairement le désaccord avec mes recommandations de ne pas déclencher d’enquête publique, ainsi que les allégations concernant mon intégrité et mon indépendance. Ces allégations sont simplement fausses», a-t-il déclaré à l’issue de cette audience.
Le rapporteur spécial a ainsi dû défendre son indépendance et sa réputation pendant 3 heures, essuyant les questions et commentaires des députés qui soulignaient à grands traits ses liens avec la Chine et la Fondation Trudeau. Il a aussi dû défendre sa conseillère Sheila Block, qui a donné 7500$ à la fondation Trudeau entre 2006 et 2022, arguant qu’elle l’avait beaucoup aidé dans une autre enquête quelques années auparavant. Mais c’est particulièrement son admission de ne pas avoir communiqué avec Élections Canada, qui enquête pourtant aussi sur la question, qui a choqué le député bloquiste Alain Therrien, qui s’est alors empressé de qualifier ce rapport de « bâclé ».
Bref, la « diversion » de Justin Trudeau, qui avait surpris tout le monde en mettant en place un tout nouveau poste de rapporteur spécial et en y nommant l’un de ses amis, semble fonctionner à merveille. Johnston, qui sert de bouclier au gouvernement et voit sa réputation entachée dans le processus, se sacrifie tristement pour faire gagner du temps au gouvernement jusqu’aux élections. Et dans cette ambiance de scandale à Ottawa, il a réussi à attirer sur lui les foudres de l’opposition, déviant le débat initial et ajoutant de nouvelles étapes tout à fait superflues dans la résolution du problème.
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