De Jean Chrétien à Justin Trudeau : le Canada est-il une puissance en déclin?

Le Canada a cette réputation d’un pays où il fait bon vivre. Du moins, c’était le cas avant. Durant les années 90, Jean Chrétien parlait du « plusse meilleur pays du monde ». Qu’en est-il maintenant, 25 ans plus tard? Il y a tant à dire sur le déclin du Canada comme puissance économique, politique et diplomatique. Mais par où commencer?

Jean Chrétien avait le don des formulations étranges. Il a déjà qualifié le Canada de « plusse meilleur pays du monde ». Il faut savoir qu’il se référait aux classements internationaux dont faisait partie le Canada. Classements établis par des agences des Nations Unies, la Banque mondiale, et bien d’autres acteurs internationaux de premier plan. À quelque part, il avait raison.

Les années 90 étaient une période de stagnation économique pour tout l’Occident. La Chine commençait à tirer son épingle du jeu, mais n’était pas la puissance (relative) d’aujourd’hui. On parlait très peu des pays du Golfe, sinon que pour de mauvaises raisons. Dans ce contexte, ce n’était pas surprenant qu’une puissance moyenne comme le Canada soit au sommet des classements.

Mais depuis l’eau a coulé sous les ponts. Basons-nous sur l’Indice de développement humain des Nations Unies. Nous sommes passés de la première place, à la 18e en seulement quelques décennies. Depuis 2015, c’est même de cinq places que le Canada a reculé. Soit l’arrivée de Justin Trudeau. Pas de quoi être fier. Et nous pourrions multiplier les mesures pour voir la même constante : le déclin.

Le Canada n’est pas pour autant devenu un pays du tiers-monde, même si l’on maintenant dans nos villes des scènes choquantes que nous aurions cru possibles seulement dans des pays d’Amérique du Sud. Par exemple, des campements d’itinérants, des gens qui font la manche aux feux de circulation. De même, la qualité de nos infrastructures s’est beaucoup dégradée.

Parlons spécifiquement du Québec. Le réseau des services sociaux est tellement affecté que nous mettons l’avenir des enfants en péril. La Direction de la protection de la jeunesse, ou DPJ, s’est fait une très mauvaise réputation. Les centres dits de réadaptation sont des prisons pour jeunes. Alors que ceux-ci n’ont rien fait pour mériter un tel sort. Sans pour autant être comparable à l’Afrique, c’est inquiétant.

Le Canada a aussi perdu de sa légitimité dans le monde. Il y a bien plus d’acteurs maintenant en 2024 qu’en 1994. Plusieurs pays à l’époque venaient à peine de naître, sur les cendres de l’Union soviétique. Les pays du Golfe existaient à peine sur la carte de la finance mondiale, de même que l’Inde et la Chine. L’Occident croyait, à tort, avoir remporté la dernière manche et vivre la fin de l’Histoire.

Or, les régimes autoritaires ont remporté de nombreux succès, et ont su concilier une politique dirigiste, voire tyrannique, et économie de marché. Le Canada n’a donc pas pu jouer à armes égales face aux pays du Golfe, ou la Russie, au niveau de l’exploitation des ressources naturelles. Le Canada est contraint de respecter de nombreuses normes, totalement ignorées par ses concurrents.

C’est la même chose au plan diplomatique. Le Canada est incapable d’utiliser la force, et se garde bien de faire du chantage. La Chine ne sent pas le besoin de jouer selon les règles du jeu. Nous jouons à armes inégales. Ni l’Inde d’ailleurs. On le constate maintenant : le Canada est un nain dans un monde de gros joueurs intimidants.

Nous pourrions blâmer à juste titre Justin Trudeau pour ce déclin, mais il n’est pas la seule cause du déclin de la puissance canadienne. De nouveaux acteurs internationaux ont émergé, et les puissances illibérales ne jouent pas selon les règles du droit international. Alors, comment composer avec des acteurs qui sont de mauvaise foi? Devons-nous nous rabaisser à leur niveau?

Les historiens du futur pourront déterminer les causes et les conséquences de la puissance canadienne dans le monde. Pays satellite des États-Unis, mais qui sait quand même faire preuve d’indépendance à l’occasion. Dans un monde de plus en plus instable, avec des acteurs plus nombreux, et l’absence de règles communes. Seul l’avenir nous dira si le Canada a pu survivre dans un contexte aussi tendu.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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