Le dossier a été révélé à la mi-octobre par le site Blacklock’s Reporter, et relayé sur le site Juno News : Amira Elghawaby, la « tsar anti-islamophobie » nommée en 2023 par Justin Trudeau, aurait fait pression sur des gestionnaires fédéraux pour qu’ils aménagent des salles de prière musulmanes dans les immeubles de l’État. Selon un sondage réalisé en 2024, environ 6 350 des 279 000 employés de la fonction publique se déclarent musulmans, soit environ 2 %. On ignore toutefois combien d’entre eux pratiquent la prière quotidienne.
Dans des notes obtenues par la Loi sur l’accès à l’information, Elghawaby affirmait que le refus d’aménager de tels espaces équivalait à de « l’islamophobie au travail ». « Cela peut se manifester lorsque des employés musulmans font face à des obstacles pour leurs pratiques religieuses, comme les pauses pour la prière, le jeûne du Ramadan ou le port de certains vêtements », pouvait-on lire dans ses remarques préparées pour une vidéoconférence organisée en juin 2024 par le Muslim Federal Employees Network (MFEN), un groupe de 60 employés fédéraux revendiquant représenter les travailleurs musulmans de la fonction publique.
Son bureau aurait même interpellé des ministères, notamment l’Agence du revenu du Canada, pour connaître leurs plans concernant la création d’espaces de contemplation. D’autres lettres destinées aux sous-ministres ont été préparées mais demeurent caviardées dans les documents officiels.
Le Managers’ Guide to Supporting Muslim Employees, diffusé par le MFEN, stipule que des lieux de prière sont « obligatoires » pour permettre aux employés d’accomplir leurs cinq prières quotidiennes. Le guide suggère également d’éviter les poignées de main entre personnes de sexe opposé, et rappelle que l’islam « enseigne qu’il n’existe qu’un seul Dieu ».
Un plan stratégique interne, associé au bureau d’Elghawaby, propose en outre que le MFEN reçoive un financement public et que les gestionnaires fédéraux diffusent des messages pour souligner les grandes fêtes islamiques. Il suggère même d’amender la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’y inclure les musulmans comme « groupe désigné » au même titre que les peuples autochtones, et de recueillir des données sur les employés musulmans pour mieux cerner leurs « obstacles systémiques ».
Les documents montrent également que le bureau d’Elghawaby a organisé plusieurs rencontres sur la question du racisme anti-palestinien, dans lesquelles elle affirmait que ce phénomène s’était intensifié depuis la guerre Israël-Hamas de 2023. Elle y dénonçait une « montée de la peur et des menaces » au sein des communautés musulmanes, tout en accusant certains employeurs d’« escorter des employés hors du lieu de travail pour des propos pro-palestiniens ».
Dans un texte d’opinion publié le 18 octobre 2025, Hymie Rubenstein, anthropologue à la retraite et éditeur du REAL Indigenous Report, revient sur ces révélations et en propose une lecture critique. Selon lui, les interventions d’Amira Elghawaby dépassent largement son mandat de lutte contre la discrimination et glissent vers un militantisme politique et religieux incompatible avec la neutralité de l’État. Il souligne également les tensions que ses prises de position ont suscitées au Québec, où le premier ministre François Legault et la ministre Pascale Déry s’étaient déjà opposés à ses appels pour embaucher davantage de professeurs d’origine musulmane ou palestinienne dans les universités.
Rubenstein rappelle qu’Amira Elghawaby a été nommée pour un mandat de quatre ans avec un budget de 5,6 millions de dollars et que ses détracteurs, tant au Québec qu’à Ottawa, n’ont jamais cessé de réclamer sa démission. Pour eux, son rôle est devenu trop partisan pour servir de pont entre les communautés. Pour ses défenseurs, au contraire, son action incarne la nécessité d’une fonction publique plus inclusive face aux discriminations persistantes.



