Du Bixi l’hiver? Ou le sens des priorités de Valérie Plante

Après de copieux repas arrosés de vin lors de voyages à l’étranger, voilà que Valérie Plante annonce en grande pompe que le 15 novembre 2023 ne sera plus une journée « noire » pour le Bixi. En effet, ce service sera maintenant disponible à l’année. On peut se demander : est-ce que la mairie de Montréal a vraiment le sens des priorités? Les travaux exaspèrent les commerçants et automobilistes qui ont de plus en plus de mal à circuler dans la ville, sans compter les problèmes criants de toxicomanie et d’itinérance, mais voilà que les citoyens pourront faire du vélo l’hiver. Faisons le tour de la question.

Oui, maintenant, vous pourrez faire du vélo l’hiver, selon le nouveau projet pilote de l’administration Plante. Il coûtera 1,3 million de dollars, et les vélos seront adaptés à la « conduite » hivernale : pédales plus grandes et antidérapantes, pneus à clous et stations qui seront dégelés au chalumeau. Montréal sera la première ville nord-américaine avec un hiver froid à permettre à ses citoyens de bénéficier des joies du Bixi à l’année.

Or, pendant ce temps, Valérie Plante et ses proches conseillers continueront à boire et à manger aux frais du contribuable. Même si la facture de 500$ pour du vin sera payée par la mairesse, il faut s’attendre à une absence toujours aussi grande de transparence. En effet, nous apprenons que Guy Grenier, secrétaire général de l’OCPM, l’Office de consultation publique de Montréal, avait lourdement caviardé son contrat de travail. Il est ainsi impossible de connaître son salaire, ses avantages sociaux, les modalités en cas de démission ou de renvoi. Selon un professeur d’éthique de l’UQAM, il est problématique dans ce cas que monsieur Grenier soit juge et partie dans cette affaire de dévoiler ou non des informations sur son travail, pourtant financé par de l’argent public.

Mais non, il ne faut pas s’en faire, car vous pourrez quand même bénéficier de l’abonnement mensuel pour le Bixi d’hiver pour 20$ par mois! Nous faisons souvent des blagues sur les pistes cyclables de la mairesse Plante, mais le vélo semble la grande priorité des administrations municipales libérales libertaires, que ce soit à Montréal, à Sherbrooke ou de l’autre côté de l’Atlantique, à Paris. Le vélo n’est vraiment pas la priorité des travailleurs qui tiennent à bout de bras ces villes, en évitant qu’elles ne s’effondrent totalement. C’est pour cela que le vélo est surtout un marqueur social fort, d’une classe sociale que sont les bourgeois bohèmes.

Ceux-ci habitent souvent dans les quartiers centraux et votent pour des partis de gauche ou écologistes. Ici c’est Québec Solidaire, et en France c’est Europe Écologie Les Verts. Ils ont un rapport ambigu avec l’auto. D’un côté, ils ont parfois besoin d’une auto ou vont demander un « lift » à de la famille ou des amis pour aller à l’extérieur, mais le plus clair de leur temps, ils vont utiliser le vélo dans des quartiers qu’ils ont eux-mêmes gentrifiés.

À Montréal, de nombreuses maisons de chambres ou immeubles abordables ont été convertis en Airbnb. Ainsi plusieurs ont été rénovés pour être loués beaucoup plus cher. La misère ne fait que grossir dans nos villes. Les drogues n’ont jamais été aussi peu chères, et plus mortelles. Et il est difficile pour plusieurs de se loger dans un tel contexte. Dans ce qu’on appelle désormais « l’allée du crack », des consommateurs intimident les habitants. Ils s’injectent dans les cages d’escaliers, vont jeter leurs seringues sales sur le plancher ou même y déféquer.

La ville prétend ne pas avoir de solution pour ça. Bien sûr. Pour le vélo l’hiver, ils mettent des gens sur le dossier, mais la ville manque sérieusement de leadership sur ces questions d’itinérance et de consommation. Le maire Drapeau avait peut-être ses défauts, mais celui-ci n’hésitait pas à prendre l’initiative sur des questions essentielles pour la ville de Montréal. C’est faux qu’un gouvernement, qu’il soit municipal ou provincial, n’a aucun pouvoir. C’est qu’il ne souhaite pas prendre ce pouvoir. Et surtout assumer les responsabilités qui viennent avec. Peut-être que la mairesse Plante proposera aux toxicomanes et aux itinérants de se changer les idées avec un tour à vélo. Il ne faut pas trop en demander à la ville…

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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