Économie 101 : Pourquoi le plan de Trudeau qui vise à taxer le carbone sur l’énergie est inutile

Traduit de l’anglais. Article du Père Raymond J. de Souza publié le 5 novembre 2023 sur le site du National Post.

Le sénateur Keith Davey, stratège de campagne et négociant en coulisse sous le règne de Trudeau le Grand, était surnommé le « faiseur de pluie ». Aujourd’hui, le sénateur Percy Downe, ancien chef de cabinet du premier ministre Jean Chrétien, veut être le « faiseur de neige ».

La semaine dernière, cet éminent libéral a demandé à Trudeau le Petit de renoncer à la direction du parti. Pierre Trudeau a fait sa « marche dans la neige » mélodramatique le 28 février 1984, afin de pouvoir démissionner le lendemain, le 29 février, en cette année bissextile. L’année prochaine, nous célébrerons le 40e anniversaire de ce 29 février, dans une autre année bissextile. La symétrie, le drame et la dévotion filiale pourraient inciter le premier ministre flocon de neige à faire comme son père. Sen. Downe le recommande vivement. Laissons tomber les flocons de neige.

Tout cela a été provoqué par la spectaculaire volte-face de Justin Trudeau sur ce qu’il a longtemps professé être le désir le plus profond de son cœur, la taxe carbone. L’abandon de ses principes au profit d’un avantage politique partisan a porté un coup sévère à sa propre crédibilité.

Laissons de côté l’analyse politique et la question de savoir si les libéraux devraient suivre ou suivront les conseils de M. Downe. La décision de M. Trudeau d’exempter le mazout domestique – mais pas le gaz naturel ou le propane – de la taxe sur le carbone invite à se pencher sur les aspects économiques de la mesure elle-même.

Cela fait plus de quatre ans que j’ai examiné les taxes pigouviennes dans cette rubrique, et j’espère ne pas mettre à l’épreuve la patience des lecteurs en me remettant en mode « cours ».

Une taxe pigouvienne vise à modifier les comportements en augmentant le prix d’un bien. La raison en est que l’offre et la demande d’équilibre ne tiennent pas compte d’un autre coût externe. La pollution est l’exemple habituel d’une « externalité » qui n’est pas prise en compte par les acteurs privés concernés. Le gouvernement qualifie le dioxyde de carbone de « pollution », ce qu’il n’est certainement pas – quelqu’un respire-t-il aujourd’hui ? – mais le principe reste le même. La taxe sur le carbone vise à encourager une moindre utilisation des combustibles carbonés.

Mais comme je le dis à mes étudiants en économie, la taxe ne fonctionne que si la demande du produit est « élastique », c’est-à-dire sensible aux augmentations de prix. Si l’on taxe fortement le café, il est probable que les gens en boiront moins ou passeront à autre chose. Une taxe élevée sur les cigarettes a moins d’effet. Les comportements addictifs sont moins susceptibles de changer. Une taxe élevée sur les traitements anticancéreux pourrait n’avoir aucun effet sur la demande. Les gens emprunteront pour faire face à des dépenses de santé catastrophiques – c’est la raison pour laquelle ce secteur est axé sur l’assurance.

Si l’objectif du gouvernement est de réduire les émissions de carbone au moyen d’une taxe sur le carbone, la demande de combustibles fossiles doit être élastique. Mais comme le carbone est de l’énergie, et que l’énergie est la vie – maison, transport, travail – l’énergie n’est pas aussi élastique que d’autres biens.

Prenons l’exemple de l’essence : son prix augmente et diminue plus que celui de nombreux autres biens, indépendamment des taxes. Les conducteurs adaptent leurs décisions, mais dans quelle mesure ? Ne pas se rendre au travail en voiture n’est peut-être pas une option. Il est possible qu’il doive sacrifier ses vacances en voiture.

Le cas du chauffage domestique est similaire. L’augmentation des prix des combustibles de chauffage peut modifier les comportements, en abaissant la température la nuit ou en dehors de la maison. Mais il y a des limites : la maison doit être chauffée. Et les alternatives ne sont ni faciles ni peu coûteuses. Convertir un système de chauffage au fioul en système au gaz naturel ou au propane, ou remplacer ce dernier par des pompes à chaleur, est coûteux. Dans certains endroits, ce n’est pas possible. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas comme conduire moins. Il est difficile d’adapter les comportements. C’est pourquoi les taxes sur le carbone appliquées aux combustibles de chauffage domestique – pétrole, gaz naturel, propane – ont toujours été limitées dans leur justification. La demande de chauffage dans le froid de l’hiver canadien est tout simplement inélastique.

Les arguments des libéraux en faveur de l’exemption du fioul domestique sont donc encore plus faibles. Pour le chauffage domestique, l’abandon du pétrole au profit du gaz naturel ou du propane constitue une amélioration majeure en termes de réduction des émissions de carbone. Cela devrait être encouragé. Même dans le Canada atlantique, seuls 30 % des foyers utilisent encore le mazout. Du point de vue des émissions de carbone, le pétrole devrait être plus lourdement taxé, ce qui inciterait certains à passer au gaz naturel, lorsqu’il est disponible, ou au propane. C’est le gaz naturel ou le propane qui devraient être moins taxés, car une fois qu’un foyer utilise l’un ou l’autre, les options abordables pour changer de combustible sont limitées. Le gouvernement a choisi de faire exactement le contraire.

[…]

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