En cette Saint-Jean Baptiste, peut-on arrêter le niaisage pour une fois ?

Ça revient chaque année. Il y aura toujours une controverse autour de la fête nationale du Québec, ou la Saint-Jean-Baptiste si vous préférez. Un peu comme à chaque Bye Bye. Il y a toujours quelque chose qui ne marche pas alors que c’est la journée pour exprimer collectivement sa fierté d’être Québécois. Tour d’horizon des controverses des dernières années et une réflexion sur l’édition 2023.

Cela ne date pas d’hier qu’il y a du mécontentement lors de notre manifestationsfête nationale. Déjà, nous pouvons remonter en 1964 contre la présence du gouverneur général du Canada Georges Vanier. Cet ardent défenseur du fédéralisme canadien est accueilli par des manifestants au son de « Vanier fou de la reine » ou « Vanier vendu ». En 1968, c’était cette fois-ci la présence lors du défilé de Pierre Elliott Trudeau qui dérangera plusieurs militants indépendantistes, qui seront impitoyablement matraqués par la police. On se rappelle de ce triste épisode de notre histoire récente sous le nom de Lundi de la matraque. Les graines d’Octobre 70 seront plantées à ce moment-là.

De plus, de jeunes manifestants s’en prennent à Jean le Baptiste et son mouton lors du défilé. Dans l’esprit anticolonial de l’époque, le mouton est vu comme un animal soumis au bon vouloir de son maître. Qui accepte de se laisser tondre la laine sur le dos. Il sera décapité de façon impitoyable. Il fallait que tombent les anciennes idoles du catholicisme qui avait trop longtemps gardé le Québec sous une chape de plomb. Du moins c’est ce que pensaient les révolutionnaires tranquilles.

En 1977, dans un souci de rendre les célébrations plus « modernes », René Lévesque, alors premier ministre, décide que ça en est fini de la Saint-Jean-Baptiste et de notre vieux fond catholique. Ce sera désormais la fête nationale du Québec. Nous connaissons la suite. Pendant longtemps, ça sera les grandes messes sur le Mont-Royal. Mais il s’est passé quelque chose en 1990.

Lors de l’échec de l’entente du lac Meech, qui était censé reconnaître le caractère distinct du Québec, les Québécois ont pour une rare fois fait front commun contre le Canada anglais et Ottawa. Lors des célébrations de la fête nationale (l’accord a été refusé quelques jours avant par des provinces anglaises), plus de 250 000 personnes ont célébré dans les rues de Montréal. Le comédien Jean Duceppe fera un discours historique. Robert Bourassa y ira de sa déclaration légendaire, et Jacques Parizeau tendra la main à « son » premier ministre.

Cependant, cette unité ne durera que trop brièvement. Pour la première fois dans l’histoire du Québec, nous étions une écrasante majorité en faveur de l’indépendance. Nous constations que le Québec était notre seul pays, qu’Ottawa serait toujours la capitale des « autres ». Bourassa magouillera pour étioler ce momentum et le Québec connaîtra lentement un déclin douloureux, précipité par la défaite (ou le vol) du référendum de 1995.

Durant les années 2000, les Québécois essaieront de faire comme s’il ne s’était rien passé. On commence à se chicaner sur la question des langues représentées à la fête. Déjà, les inclusifs anglophiles nous proposent « l’autre Saint-Jean ». Le Québec se perd dans un inclusivisme qui exclut sa propre identité. Régis Labeaume rétrécit de beaucoup la taille de la foule par son contrôle de l’alcool.

Les budgets sont coupés par les libéraux, si bien que pour plusieurs villes, le gros événement sera la fête du Canada, qui bénéficie au Québec d’un budget tout à fait disproportionné par rapport aux autres provinces. On remet des petits écussons de l’unifolié, on sert du gâteau rouge feuille d’érable, on mange des hot dogs et on assiste à une comédie humiliante de bêtises où les artistes invités sont tout aussi gênés de chanter à cet événement que les spectateurs qui y assistent.

En 2017, lorsque le wokisme commencera à plomber l’atmosphère dans les médias, on accuse les instigateurs du défilé à Montréal d’avoir fait preuve de racisme, car de jeunes noirs poussent un char allégorique avec la chanteuse Annie Villeneuve. Évidemment, nos militants « inclusifs » et « antiracistes » comme Émilie Nicolas vont crier au scandale et au manque de « sensibilité » des organisateurs. Alors que les pousseurs sont de jeunes sportifs d’une école secondaire de Montréal qui se sont portés volontaires.

En 2020, c’est l’absence du drapeau qui fera polémique. Les organisateurs évidemment ont voulu représenter toute la « diversité » au sein de la nation québécoise, mais ils ont oublié un détail : il n’y a pas de fleurdelisé sur la scène. Tout ça pour dire que des polémiques, il y en a toujours eu.

Et maintenant, quelques mots sur la controverse avec Émile Bilodeau. Le Mouvement national des Québécois (MNQ) a obtenu le mandat par le gouvernement d’organiser notre fête. Ils étaient probablement conscients du fait qu’Émile Bilodeau est une personnalité qui dérange dans certains milieux nationalistes.

Par ses déclarations passées sur Facebook, où il souhaite la mort du Parti Québécois, fait preuve d’un parti-pris affiché pour Québec solidaire, et porte un macaron pour s’opposer à la loi 21 lors d’un précédent spectacle.

Émile Bilodeau a parfaitement le droit de s’exprimer sur la politique. Par contre, dénigrer un parti ou une partie de la population pour ses opinions expose évidemment à la critique. Le PQ a tout à fait le droit de refuser de se joindre officiellement aux célébrations. Pourquoi Paul St-Pierre Plamondon devrait accepter que « l’idole » des jeunes déverse son fiel sur son parti qu’il essaie de reconstruire? Et qui est l’ennemi politique numéro un de tous les autres partis au Québec?

Des qsistes aux libéraux, en passant par la CAQ, le Parti Québécois est le parti le plus dérangeant pour une certaine élite médiatique, culturelle et politique. Émile Bilodeau a ainsi affirmé :

« Pendant que PSPP pleurait, impuissant, parce qu’il ne pouvait pas entrer à l’Assemblée nationale, mon ami Sol Zanetti déposait le projet de loi historique pour abolir l’obligation de prêter serment à la Couronne ».

Or, peut-on rappeler à Émile Bilodeau que c’est grâce au coup de force des trois mousquetaires que le gouvernement s’est ramassé avec une patate chaude qu’il fallait régler ? Que les députés qsistes n’ont fait qu’ajouter leur voix à une loi votée par l’ensemble des députés caquistes (90 personnes quand même). Donc, que Sol ait voté pour ou contre l’abolition du serment au roi ne changeait absolument rien. Comble du ridicule, Sol Zanetti lui a prêté serment au roi.

Beaucoup de détours pour en venir à l’essentiel : la fête des Québécois est une fête politique, qu’on le veuille ou non. C’est politique, car c’est notre manifestation collective pour montrer au monde notre existence. Ce qu’on constate par toutes ces controverses, c’est le manque de solidarité entre les Québécois. Par contre, être unis comme peuple ne signifie pas cautionner le manque de respect. Nous aurions aimé plus de modestie de la part des organisateurs de cet événement qui devrait représenter notre dignité comme peuple.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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