Cet article fut originellement publié le 11 novembre 2023.
Je ne peux compter le nombre de fois où j’ai entendu cette question. En ce Jour du souvenir, je trouvais pertinent de la remettre en avant-plan. Comment se fait-il que nous ayons dans notre histoire l’un des plus grands héros de guerre de tous les temps, avec un parcours à peine croyable tant ses actes paraissent invraisemblables et « hollywoodiens » – et qui lui ont valu l’appellation affectueuse de « Rambo québécois » – et qu’on n’ait pas, à ce jour, d’œuvre cinématographique à la hauteur du personnage?
Malgré une apparente indifférence des sphères culturelles québécoises pour le sujet, les faits d’armes de Léo Major sont devenus viraux sur Youtube depuis quelques années, avec des centaines de Youtubeurs de partout qui réagissent à des résumés de sa vie militaire et se retrouvent ébahis par le côté « badass » du personnage. Autrement dit, Léo Major semble pratiquement plus populaire à l’étranger qu’au Québec!
Et à raison. Ce que Léo Major a accompli pendant la deuxième guerre mondiale et la guerre de Corée dépasse les limites du possible.
Une vie héroïque
Il y a évidemment certains débats sur la véracité de certains évènements ; comme tout héros, l’histoire flirt avec le mythe, mais le narratif principal va comme suit :
Né d’une famille franco-américaine retournée à Montréal en 1921, il est le premier enfant d’une fratrie de 12, typique des familles canadiennes française. Il connaît des violences physiques de la part de son père qui lui dit qu’il n’est « qu’un paresseux, une mauviette et un peureux qui ne pourra jamais réussir dans le monde compétitif d’aujourd’hui ». Après avoir quitté le foyer familial, il travail pour un temps sur la construction de la gare centrale de Montréal, où il est remarqué pour son côté téméraire et affecté au dynamitage du site.
En 1940, à l’âge de 19 ans, il s’enrôle d’abord dans le Royal 22e Régiment, mais demande à être transféré dans le Régiment de la Chaudière lorsqu’il apprend que son envoi pour l’Europe est imminent. Après un entraînement de près de 4 ans, d’abord à la base de Valcartier et ensuite en Écosse, il est fin prêt pour le Débarquement de Normandie, auquel il participe le 6 juin 1944. S’enchaîne alors une suite de faits d’armes plus valeureux les uns que les autres et qui passeront à l’histoire.
Cloué au sol avec son régiment sur la plage de Juno, il parvient à détruire un mur de bunker à l’aide d’explosifs, aidé de cinq autres soldats et d’un Bulldozer qui finit le travail. Ils font alors une douzaine de prisonniers allemands. Dans l’après-midi, il est assigné à une mission de reconnaissance avec un autre soldat canadien et ils parviennent à capturer un véhicule blindé semi-chenillé allemand muni d’un canon de 75 mm qu’ils tentent de rapporter au quartier général des forces canadiennes à 5 km de là. Ils sont interceptés par un bataillon anglo-canadien, parviennent à leur faire comprendre que le véhicule a été capturé et sont accueillis en véritables héros.
Le commandant en chef de ce bataillon tente de saisir le véhicule capturé, mais Léo refuse et insiste qu’on le remette au Régiment de la Chaudière. Quelques jours plus tard, on découvre que le véhicule contenait des transmetteurs sans-fils et des livres-codes servant aux communications cryptées. Un butin extrêmement précieux pour les forces alliées.
Lors d’une mission de reconnaissance dans la Bataille de Caen, il perd un œil à cause d’une grenade au phosphore lancée par une patrouille allemande de 5 soldats. Le médecin qui le soigne l’informe qu’il s’agit de son ticket de retour, mais Léo refuse, affirme qu’il n’a besoin que d’un œil pour viser, et exige qu’on le renvoie sur le front. Il y retourne avec un cache-œil qui lui donne l’apparence d’un pirate et participe davantage à sa légende.
Plus tard, il détruit un Panzer dans le village de Rots et élimine quelques éléments SS.
Pendant la Bataille de l’Escaut aux Pays-Bas, frustré par la pluie et le froid, il se venge et parvient à faire prisonnier 93 soldats allemands après en avoir tué 3 et avoir usé de manipulation psychologique. Alors que sa colonne de prisonnier est attaquée par l’artillerie allemande, il indique sa position à un char Sherman qui parvient à la neutraliser et ramène sa centaine de prisonniers au camp canadien.
On lui offre alors la Distinguished Conduct Medal, la plus haute décoration canadienne, mais il la refuse puisqu’elle doit lui être remise par le Général Montgomery, qu’il juge incompétent…
Le 27 février 1945, en Allemagne, le véhicule dans lequel il prend place roule sur une mine antichar. Son dos est brisé en trois endroits, il a des entorses au deux chevilles et quatre côtes cassées. Encore une fois, on l’informe que la guerre est finie pour lui, mais il parvient à s’enfuir après une semaine, se fait héberger un mois dans une famille hollandaise qu’il a rencontré précédemment et rejoint finalement son unité le 29 mars.
En avril, alors que les Canadiens perdent 50 hommes par jour aux abords de la ville hollandaise de Zwolle, constituée d’environ 50 000 habitants, Léo Major et son camarade Willy Arsenault se portent volontaires pour une mission de reconnaissance. En raison d’un malentendu sur les positions allemandes, ils sont débusqués et Willy est tué dans l’échauffourée. Major ne le supporte pas et veut alors faire payer les Allemands. Ainsi commence son plus haut fait d’arme.
Il entre alors dans la ville, parvient à capturer un officier alsacien parlant français et lui fait croire qu’une attaque de grande envergure est imminente et que l’artillerie canadienne s’apprête à raser la ville. Il prend le risque de le laisser partir, espérant qu’il transmette ce message à l’État-Major allemand. Pendant toute la nuit, Léo Major mitraille et lance des grenades partout dans la ville pour faire croire à une attaque majeure et à une dizaine de reprises, il capture des soldats allemands et les ramène aux forces canadiennes avant de retourner faire son grabuge. Il parvient même à attaquer le quartier général des SS et incendier le QG de la Gestapo…
Le lendemain matin, les troupes allemandes ont définitivement quitté la ville et l’armée canadienne y pénètre sans aucun coup de feu.
Vous avez bien lu : Léo Major a libéré une ville de 50 000 habitants à lui-seul, ce qui lui vaut, encore une fois, la Distinguished Conduct Medal, qu’il accepte cette fois-ci.
Je n’entrerai pas dans les détails, mais Léo Major renouvelle ses actes de courage pendant la guerre de Corée, où il tient tête à 14 000 soldats chinois sur une colline avec seulement 18 hommes qu’il a spécialement sélectionnés… Ce qui lui vaut une deuxième Dinstinguished Conduct Medal et fait de lui le seul Canadien à avoir reçu deux de ces médailles dans deux conflits différents.
Pourquoi cette frilosité?
Comme je le disais précédemment, comment se fait-il que nos réalisateurs d’ici n’aient pas sauté sur l’occasion de faire un film sur ce Québécois hors du commun? Le scénario hollywoodien est déjà écrit et à peine croyable. Tous les éléments sont là pour faire un film de guerre culte. Les gens se bousculeraient pour aller le voir. Littéralement.
Écoutez, je n’ai rien contre Louis Cyr, qui a été l’objet d’une grosse production à succès, mais il y a quelque chose d’un peu étrange pour les Québécois de constamment contourner Léo Major et ressortir des histoires de moindre envergure pour leurs productions cinématographiques. Comme une sorte de méfiance vis-à-vis de l’exubérance triomphaliste et militariste à l’américaine que pourrait occasionner une production sur ce héros. Comme si au Québec, nos sphères culturelles préfèrent les histoires larmoyantes de notre peuple colonisé et discriminé.
On ne compte plus les films psychologiques déprimants au Québec, les drames qui semblent tenter de nous convaincre du cynisme désespéré de notre époque et de notre histoire. Les histoires de junky de fond de ruelles, de problèmes de fonctionnaires blasés, de bûcherons nés pour un petit pain, de mineurs maltraités par les Anglâs… Je ne dis pas qu’on doit ignorer tout ça, mais serait-il possible de se gonfler un peu le torse pour une fois?
D’autant plus qu’on s’inquiète constamment de l’attractivité du cinéma québécois et de sa capacité à se financer!
Le fait que personne ne semble intéressé à produire un film sur Léo Major n’a rien d’un enjeu de rentabilité ; son succès pourrait être mondial. On a d’ailleurs eu de magnifiques productions canado-néérlandaises ces dernières années, comme La Bataille de L’Escaut, sur Netflix. Mais on suivait l’histoire d’un soldat sans histoire! C’est tout de même curieux. C’est comme si toutes les raisons étaient valables pour éviter de se mouiller.
Ou bien peut-être est-ce la peur de ne pas faire honneur au personnage? La peur de ne pas être à la hauteur de ce mandat colossal? Eh bien, si c’est le cas, il est probablement temps qu’on lui fasse honneur, justement, et qu’on ait le même courage à le célébrer que lui en a eu pour assurer nos droits et libertés.
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