Engouement ou illusion ? La chefferie libérale entre propagande et réalité

La course à la chefferie du Parti libéral du Canada bat son plein. Quatre candidats s’affrontent pour succéder à Justin Trudeau. Malgré un bilan catastrophique, les libéraux semblent rattraper leur retard face aux conservateurs, jusqu’à présent grands favoris pour former le prochain gouvernement. Mais que peut-on dire de cette course somme toute banale et ennuyeuse, où les dés semblent pipés d’avance ?

Mark Carney est le grand favori des médias pour succéder à Justin Trudeau. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada, mais aussi de la Banque d’Angleterre, doit regagner la confiance des électeurs canadiens, passablement ébranlée. Le bilan de Justin Trudeau à la tête du pays est désastreux, et le défi pour les libéraux est immense.

C’est là qu’entrent en jeu les médias traditionnels. Ceux-ci semblent avoir fait leur choix : ils préfèrent Mark Carney, malgré son absence totale de charisme et son manque de volonté de rompre avec l’héritage de Justin Trudeau, à Pierre Poilievre, le chef conservateur. Radio-Canada, mais aussi TVA et plusieurs journaux, semblent privilégier une version plus modérée de Justin Trudeau, plutôt que Pierre Poilievre, trop souvent associé à Donald Trump.

Il faut dire que les menaces de Donald Trump à l’égard du Canada ont réveillé un sentiment ancestral de méfiance vis-à-vis des poussées expansionnistes de l’oncle Sam. Pierre Poilievre, qui partage avec Trump une critique du mouvement woke, est associé, à tort ou à raison, à ce dernier dans l’imaginaire des électeurs qui ne sont pas déjà acquis aux conservateurs.

Quoi qu’il en soit, les libéraux ont encore beaucoup de croûtes à manger avant d’espérer reprendre le pouvoir pour quatre autres longues années. Mark Carney devra prouver qu’il peut rompre avec l’héritage de Justin Trudeau, ce qui est loin d’être une évidence. Il devra aussi s’adresser aux électeurs québécois, une nation rebelle au sein du Canada qui a sa propre culture politique et ses aspirations particulières.

Les candidats en lice pour succéder à Justin Trudeau sont d’accord sur l’essentiel, soit le programme libéral que nous connaissons trop bien. La seule différence réside dans quelques nuances. La qualité du débat en français laissait à désirer, et celui en anglais n’était guère plus concluant. Pourtant, les médias en ont parlé comme s’il s’agissait d’un événement incontournable pour l’avenir du pays.

Le Québec n’obtiendra pas grand-chose de cette course, malgré le fait qu’il envoie un fort contingent de députés libéraux à Ottawa. Qu’est-ce que les électeurs peuvent bien trouver à Mark Carney ? Peut-être que les gens ne votent pas tant pour un parti ou une idéologie, mais plutôt en fonction de peurs parfois exagérées. Non, Pierre Poilievre ne restreindra pas l’avortement ni les transitions de genre.

Il est légitime, en tant que société, de se poser des questions sur certaines politiques progressistes que certains voudraient voir intouchables. Mais voir un Trump canadien en la personne de Pierre Poilievre relève d’une exagération, largement nourrie par les médias, qui jouent un rôle clé dans la fabrication de l’opinion publique.

Rien n’est gagné d’avance pour Mark Carney, qui doit d’abord asseoir sa légitimité comme successeur de Justin Trudeau. Et avec des élections qui approchent, le véritable défi sera de convaincre un électorat sceptique. Pourtant, les médias semblent déjà avoir trouvé en lui le patriote anti-Trump capable de protéger le « vrai Nord » contre la menace, réelle ou supposée, de nos voisins du Sud.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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