Pour la première fois depuis 1984, il y aura une investiture pour la candidature conservatrice de Pontiac-Kitigan-Zibi. La date reste à déterminer, mais déjà cinq candidats devraient se présenter afin de représenter le Parti conservateur du Canada aux prochaines élections. Parmi eux, Mark Buzan, impliqué dans la politique québécoise depuis au moins 1998 au sein de l’ADQ, de l’Alliance canadienne aux côtés de Jason Kenney, des conservateurs de Stephen Harper et, jusqu’à tout récemment, du Parti Conservateur du Québec, aspire à se démarquer comme le candidat conservateur « bleu », c’est-à-dire faisant preuve d’un conservatisme plus assumé, à l’image de Pierre Poilievre, qu’il connaît bien.
La circonscription de Pontiac Kitigan-Zibi se situe au nord-ouest de Gatineau, dans l’Outaouais, et comme le mentionne M. Buzan, c’était autrefois l’une des circonscriptions les plus prospères du Québec. Cependant, en 2024, elle fait désormais partie des moins prospères ; une situation qui s’expliquerait largement par le fardeau réglementaire et fiscal qui se serait abattu sur les citoyens de la région au fil des décennies. Pour cette raison, le candidat souhaite aider les entreprises locales en allégeant les réglementations et les impôts.
Les libéraux tenaient assez fermement la circonscription depuis 2015, mais elle attire désormais l’attention, puisqu’un redécoupage de la carte électorale ainsi que des évolutions encourageantes dans les intentions de votes ouvrent la porte à l’élection possible d’un conservateur. Parmi les adversaires de M. Buzan : Michel Gauthier, qui était candidat sous O’Tool et qui avait appuyé Jean Charest lors de la course à la chefferie qui a porté Poilievre au pouvoir. Selon M. Buzan, il incarnerait un peu plus ce conservatisme « rouge », parfois qualifié de « néo-conservatisme » aux États-Unis, qui serait plus libéral sur le plan social et plus interventionniste dans l’économie. Les autres candidats sont Brian Goodman, le conseiller municipal de Cantley Jean-Nicolas Bellefeuille et Terrence Watters, du Parti conservateur du Québec. M. Buzan affirme que s’il n’était pas candidat, ce dernier aurait son appui, mais déplore cependant que monsieur Watters ne semble pas réellement faire campagne en ce moment.
Nous nous sommes donc entretenus avec M. Buzan pour en apprendre davantage sur la vision qu’il a à offrir aux citoyens de Pontiac ainsi que sur son opinion au sujet des actualités politiques canadiennes et québécoises :
PSCM : Bonjour M. Buzan, vous parlez souvent de « conservateurs bleus » qui s’opposeraient à des « conservateurs rouges ». C’est une chose qui a été soulevée souvent dans les dernières années ; une sorte de schisme idéologique à droite. On sait que les américains parlent de « néoconservateurs » contre une droite plus populiste ; comment croyez-vous que ça s’applique à la politique canadienne? Croyez-vous que nous avons les mêmes genres de dynamiques au sein du Parti conservateur du Canada?
Mark Buzan : La question, c’est qu’on est tous confondus, ça je dois l’admettre. Il y a certainement une différence dans le style, mais ce que je retiendrais, c’est que moi, je me considère plus comme un conservateur traditionnel qui priorise le consensus fiscal, les gouvernements plus petits, moins d’impôts, plus de libre-marché et plus de libertés individuelles. Personnellement, je suis plus de l’ordre sceptique par rapport à l’intervention gouvernementale dans l’économie, et je suis beaucoup plus en faveur des privatisations. En tant que « conservateur bleu », je mets plus d’accent sur la loi et l’ordre, la défense nationale et le respect, aussi, de nos valeurs traditionnelles.
Alors que, peut-être, pour des conservateurs « rouges », ils sont peut-être plus à gauche, plus de centre, ils plaident pour un plus grand partage des responsabilités sociales et une plus grande ouverture aux interventions gouvernementales. Alors, je pense que c’est assez différent.
Le Canada est rendu tellement à gauche, alors c’est sûr que ça peut être tentant de viser le centre, mais en même temps, je me présente comme un conservateur bleu parce qu’on entend tellement de candidats dire des choses semblables d’un parti à l’autre que moi, je pense qu’il faut marquer un contraste clair. Et c’est ce que je veux faire.
PSCM : Et est-ce que vous croyez que Pierre Poilievre représente ce « conservatisme bleu »? On le sait, dans les dernières années, sous Andrew Scheer et Erin O’Tool, certains étaient préoccupés par le fait qu’il s’agissait peut-être d’un conservatisme moins affirmé. Est-ce ce qu’il représente, et est-ce que ça peut lui nuire au Québec?
Mark Buzan : Ben non, pas du tout! D’abord, pour répondre à ta première question, je crois que oui, Poilievre – et je le connais ; ça fait plus de 25 ans que je le connais – représente cette tendance bleue. Il est clairement dedans, et on le constate ailleurs au Canada. Mais même au Québec : le monde respecte ça lorsqu’il y a une affirmation claire, que le monde s’assume. Et on le voit avec le temps, et le monde se rallie. Peut-être qu’on ne peut pas être d’accord avec tous les points, mais on sait toujours exactement où la personne se positionne. Je pense que c’est ça que les Québécois respectent, et c’est ce que les Canadiens respectent : une personne qui n’a pas peur de s’afficher.
PSCM : Il y a beaucoup de rumeurs d’élections en ce moment à cause de la fin de l’alliance entre Trudeau et Jagmeet Singh, mais vous me disiez que l’investiture dans Pontiac ne se déroulerait que dans quelques mois. Pourriez-vous être pris de cours? Le processus va-t-il être accéléré pour être prêt pour les élections?
Mark Buzan : On n’a pas de date encore, j’aimerais avoir la date. On essaie d’encourager le Parti conservateur du Canada à appeler l’investiture le plus tôt possible, surtout avec l’annonce de Jagmeet Singh la semaine passée. Ce que je crois en ce moment, c’est que le parti attend qu’une personne se positionne comme le candidat qui a vendu le plus de cartes de membres. C’est ce que j’essaie de faire. Depuis 2 ou 3 semaines, j’ai fait un effort beaucoup plus musclé pour aller chercher des nouveaux membres. J’ai réussi à convaincre des anciens membres du PCC, des membres du PCQ, beaucoup de monde qui partagent cette tendance comme moi, qui partagent des valeurs plus traditionnelles, plus bleues dans le mouvement conservateur, de m’appuyer.
Et j’encourage les autres ; s’ils veulent vraiment voir une vraie course : embarquez le plus tôt possible pour encourager le parti à appeler l’investiture.
PSCM : C’est sûr qu’il y a un parfum d’élections dans l’air, alors il faut être prêt! D’ailleurs, un gros élément qui va déterminer si on tombe en élection, c’est d’abord la fin de l’alliance entre Trudeau et Singh, mais aussi, on a appris dans les derniers jours que le Bloc Québécois serait peut-être intéressé de maintenir Trudeau au pouvoir contre des « gains pour le Québec »…
Mark Buzan : Ça, je trouve ça incroyable. Jamais de ma vie j’aurais pu penser que le Bloc appuierait ouvertement un gouvernement pour le maintenir en poste… Mais on est rendu là, sincèrement, c’est ça l’enjeu que nous avons devant nous.
PSCM : Eh bien, justement, je voulais vous demander : quel est votre opinion sur le Bloc Québécois? Ça a toujours été un parti controversé, et les Québécois ont tendance à l’utiliser comme alternative, mais dans cette élection-ci, les intentions de vote montrent quand même un intérêt pour le Parti conservateur alors on ne sait pas trop pour quel parti les Québécois vont opter. Que pensez-vous de la situation?
Mark Buzan : Eh bien, tout ça, ça démontre c’est quoi, au fond, les intérêts du Bloc. Malgré le fait que de tout temps leur idéologie a censée être la défense du Québec, en réalité, c’est la défense de leur idéologie d’extrême-gauche. Alors ici, nous aurons un vote, clairement, de contrastes, comme je l’ai mentionné auparavant. Et c’est ça qui est important.
Ce que vous voyez en ce moment au Parti conservateur, c’est un parti politique qui voudrait former un gouvernement du gros bon sens, qui va essayer de minimiser l’impact de l’État dans la société, de réduire les impôts, de réduire la dette, etc.
Et c’est ça que je ne comprends pas ; dans un souffle, le Bloc dit qu’il veut défendre les intérêts du Québec et contrer les interventions du fédéral dans les affaires du Québec, mais en même temps, ils vont appuyer un gouvernement qui a pratiquement doublé la taille de la fonction publique fédérale…
PSCM : Alors êtes-vous en train de dire que l’axe gauche-droite a en quelque sorte pris le dessus sur l’axe nationaliste-fédéraliste au Bloc Québécois?
Mark Buzan : Eh bien, ça, à mon avis, c’est l’un des grands débats, mais là, il faut expliquer à la population du Québec que si le Bloc embarque là-dedans, ce n’est plus une question de défendre les intérêts du Québec. Ils veulent s’allier avec les pires centralisateurs. Et puis c’est le fils même du roi des centralisateurs qu’ils sont partis pour appuyer là… Il y a quelque chose de… Il va vraiment falloir qu’ils m’expliquent la logique dans tout ça là parce que moi, je ne les suis pas.
PSCM : Ouais, je pense que vous n’êtes pas seul. Beaucoup de gens reprochent au Bloc Québécois le fait que son jupon de gauche dépasse… Maintenant, je voulais vous demander ; sur votre site internet, vous mentionnez que « la circonscription de Pontiac Kitigan Zibi (PKZ) a déjà été une des régions les plus prospères du Québec et aujourd’hui, elle se trouve classée parmi les plus basses. » Pour ceux qui habitent en dehors de l’Outaouais, pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé pour que votre circonscription décline de la sorte?
Mark Buzan : Ce déclin, ça n’a pas été un évènement ponctuel, ça a été graduel au cours des 60 – 70 dernières années. À l’époque de l’Union nationale, avant l’arrivée du PQ, il y avait beaucoup de prospérité dans le comté.
Juste pour donner un exemple, souvent, quand je suis dans le coin de Shawville, les gens de ce coin là sont très fiers du fait que c’est la communauté qui a bâti l’hopital et qui la gérait. Mais maintenant que c’est le gouvernement qui s’occupe de l’hopital, ils ont des difficultés à recruter des radiologistes, des urgentologues, des gynécologues, et donc ils ont dû fermer ça. Jamais ça n’aurait été possible auparavant quand la communauté s’en occupait elle-même.
Ce sont vraiment des gens, comme Éric Duhaime disait l’an passé lorsque j’étais avec lui, ce sont vraiment « des beaucerons anglophones » là!
Donc vraiment, ce sont des gens avec une attitude comme ça, mais à force d’intervention gouvernementale continuelle, on voit que c’est impossible d’ouvrir une mine, c’est très difficile de démarrer des projets de foresterie… Donc tout cela a rendu une région autrefois fière de ses racines en une région qui, malheureusement, se retrouve à être une de celles ayant le plus de difficultés économiques.
PSCM : Donc c’est une région avec un fort esprit entrepreunarial, mais qui est accâblée par trop d’interventionnisme gouvernemental, c’est bien ça?
Mark Buzan : Tout à fait.
PSCM : Et donc, quelles sont vos propositions, ou plutôt, quels sont les points de la plateforme de Pierre Poilievre qui, selon vous, répondrons le mieux aux intérêts de votre circonscription?
Mark Buzan : Eh bien, c’est vraiment de ramener du gros bon sens ; il faut alléger le fardeau fiscal de un. Ça c’est une chose, parce qu’il y a plein de monde qui voudrait partir une entreprise, mais c’est impossible de partir des projets, impossible de démarrer une entreprise.
Deux : il faut aussi rendre la vie plus abordable. Notre circonscription est collée sur la capitale fédérale ; beaucoup de gens pourraient être intéressés de s’y installer, mais avec le coût de la vie, des logements, de l’essence, du transport, etc, ça en dissuade plus que je le souhaiterais.
Il faut investir aussi beaucoup dans nos infrastructures et nos routes. Ça fait du sens pour transporter des biens agricoles mais aussi des ressources forestières, etc.
Il faut alléger, aussi, les réglementations. Par exemple, la moyenne nationale pour approuver la construction d’une mine est 19 ans! 19 ans! Tabarouette, qu’est que vous pouvez bien apprendre de plus en 19 ans qu’en 3 ou 4 ans? C’est très difficile.
Moi, je ne nie pas qu’on doit avoir des règles et des standards environnementaux ; bien sûr qu »il en faut! Mais il faut aussi que ce soit bien balancé et ne nuise pas au développement économique quand des gens – du bon monde – ont besoin de job!
Il y en avait des mines dans le coin dans le passé… mais il faut se questionner sur ce qui s’est passé. J’ai entendu une histoire, je ne sais pas exactement comment ça s’est passé, mais un monsieur voulait démarrer un mine […] et a travaillé là-dessus pendant 15 ans… eh bien quand ça a abouti, il tombait à la retraite. T’sais, vous démarrez un projet, et quand c’est le temps de le faire, c’est déjà l’heure de prendre votre retraite… C’est une grande opportunité de perdue.
Il y avait un autre projet, si je me souviens bien, d’une grande installation d’une ferme de saumons sur terre, à côté de la rivière Outaouais. Le monsieur, ça fait 5 ans déjà qu’il est en attente d’approbation des permis…
Donc toutes ces genres de choses là – mettre des millions à attendre et attendre de voir si tu va faire un profit – ce sont le genre de choses sur lesquelles je veux travailler pour tasser le gouvernement du développement économique qu’on a besoin en ce moment.
PSCM : M. Buzan, merci. Ce fut un plaisir.
Mark Buzan : Merci à vous.
Pour suivre la campagne de Mark Buzan, rendez-vous sur son site web : https://markbuzan.ca/
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