On dit souvent de la France qu’elle est le « pays des Lumières » et on en fait un modèle exemplaire des idéaux démocratiques. Ce qu’on sait moins, c’est que son système démocratique est loin d’être à point, et ce, malgré de nombreuses tentatives de le réparer. C’est pourquoi nous en sommes à la 5ième République et malheureusement, les résultats des législatives d’hier semblent confirmer qu’encore aujourd’hui, elle ne fonctionne pas très bien. Les analystes parlent d’une « République fatiguée » et comparent l’impasse actuelle à l’instabilité ministérielle de la fin de la 4ième république, qui avait forcé la création de la 5ième en premier lieu.
D’abord, retournons aux bases. La majorité de nos systèmes politiques actuels en Occident sont issus des révolutions libérales de la fin du XVIIIe siècle. Or, si tous ces systèmes visent ultimement la démocratie, leur fonctionnement diffère grandement. Par exemple, le système parlementaire britannique est complètement différent du système républicain à l’Américaine, où le Président fait contrepoids au Congrès.
Mais les deux exemples révolutionnaires et républicains principaux sont les États-Unis et la France, et lorsqu’on les compare, on réalise que les États-Unis n’ont pratiquement rien changé à leur constitution depuis 1789, alors que la France en est à sa cinquième république – la dernière datant de 1958! Dans un sens, on peut dire que la République américaine est une réussite, tandis que pour la France, c’est plus compliqué…
Évidemment, il faut savoir qu’il n’y a pas eu une Révolution française, mais plusieurs. Ainsi, la France a constamment eu à réinstaurer de nouvelles républiques au gré des contre-révolutions et des guerres. La Première République fait suite à la Révolution de 1789 et se termine avec Napoléon et le Consulat. Ensuite, la monarchie est réinstaurée sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, pour être destituée une fois de plus en 1848 suite au « Printemps des peuples », où est créée la Deuxième République, qui dure jusqu’en 1852, c’est-à-dire le sacre de Napoléon III. Ensuite, ce nouvel empereur est vaincu par la Prusse en 1870 et une Troisième République est proclamée. Elle durera jusqu’en 1940, date à laquelle les Allemands envahissent la France. De Gaulle met ensuite en place la Quatrième République après la libération de la France en 1946, mais elle se heurte à de nombreux problèmes dans les années suivantes.
De manière notable, la Quatrième République ne parvient pas à réinstaurer l’union qui prévalait sous l’empire français de la Troisième république. Les mouvements décoloniaux sont en pleine ascension et, on le sait, la France perdra de nombreuses colonies africaines telles que l’Algérie.
Ensuite, il faut comprendre qu’au gré de toutes ces Républiques, les Français ont expérimenté de nombreux équilibrages de pouvoir sans jamais parvenir à un réel équilibre. Dans le cas de la Quatrième République, on s’aperçoit vite que l’Assemblée Nationale dispose pratiquement des pleins pouvoirs sans être convenablement limitée par la présidence. De la sorte, de nombreuses factions s’y affrontent sans jamais parvenir à des majorités. On parle alors d’instabilité parlementaire grave. Les gouvernements s’enchaînent à une vitesse folle, ne durant parfois que quelques mois.
Cette instabilité parlementaire chronique et les difficultés de la France en Algérie pousse en 1958 le président de la République d’alors, René Coty, à sortir De Gaulle de sa retraite et le mandater de réécrire une nouvelle constitution. Ce qu’il fait.
Pour tenter de mieux équilibrer la toute-puissance de l’Assemblée-Nationale, De Gaulle renforce considérablement le pouvoir présidentiel. On parle alors d’un « régime parlementaire à exécutif fort » ou de régime « semi-présidentiel ». Cette nouvelle république est soumise à un référendum gagnant en 1962. C’est la Cinquième République que nous avons aujourd’hui.
Tout ça est évidemment un peu compliqué, mais dit simplement, ce régime politique est un assemblage de plusieurs régimes différents ; une sorte d’œuvre à la Frankenstein. C’est toujours l’Assemblée-Nationale qui forme un gouvernement comme dans un régime parlementaire, mais le président dispose de vastes pouvoirs comme dans un régime présidentiel.
Ainsi, tout va bien lorsque le président parvient à faire élire une majorité de sa propre formation politique à l’Assemblée, mais la cohabitation peut être très difficile si le président et le gouvernement ne sont pas issus de la même formation politique, ce qui est le cas aujourd’hui. Mais pire encore, ça peut devenir très compliqué si l’Assemblée elle-même ne parvient pas à former une majorité et un gouvernement. Le pays se retrouve dans une impasse : il a un président élu ainsi que des représentants élus, mais aucun ne parvient à mettre en place un gouvernement pour diriger le pays.
Évidemment, ce n’est pas, en soi, une situation insurmontable ; comme tout régime parlementaire, il y a bel et bien possibilité de faire un gouvernement de coalition, ou bien carrément d’accepter un gouvernement minoritaire qui devra trouver des majorités ponctuelles à chaque loi qu’il veut passer. Les Canadiens sont d’ailleurs assez habitués à ça… Mais pas les Français, et c’est ce qui cause problème.
Déjà, les différents partis composant le Front Populaire affirment ouvertement ne pas vouloir faire de coalition, mais plutôt une « cohabitation ». On peut donc s’attendre à un gouvernement minoritaire, mais puisque ce n’est pas dans la culture française, il lui sera très difficile de ne pas être battu dans un vote de confiance. De la sorte, les Français pourraient se retrouver à retomber en élections dans seulement quelques mois et aux vues de la polarisation extrême en ce moment, il n’est pas irréaliste de penser qu’ils se retrouvent avec le même problème à ce moment-là. Si c’est le cas, on sera retombé dans une instabilité parlementaire digne de la Quatrième République, et qui a causé sa chute en premier lieu.
De la sorte, la gauche française criait victoire, hier, dans les rues, mais la situation est loin d’être claire. Dans les faits, ce second tour où toutes les forces de gauche ont fait barrage au RN a toutes les chances de faire en sorte que la gauche sera pointée du doigt pour avoir paralysé le pays. L’insatisfaction, loin d’être résolue, augmentera probablement encore de manière considérable dans les prochains mois, bénéficiant ultimement au RN.
Bref, voilà pourquoi on parle d’une Ve République « fatiguée ». Malgré un fonctionnement raisonnable dans les dernières décennies, ces dernières élections en France semblent la rapprocher de plus en plus de ses limites. Et la question se pose à savoir si son fonctionnement particulier et son équilibre fragile pourra survivre à cette polarisation qui mène la classe politique française dans une impasse.
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