Vers une réforme structurelle du service postal, selon Vincent Geloso
Alors que plane la menace d’une nouvelle grève à Postes Canada, Vincent Geloso, professeur d’économie à l’université George Mason et économiste senior à l’Institut économique de Montréal, relance dans Maclean’s un débat qu’on croyait éteint : faut-il enfin privatiser Postes Canada et libéraliser le marché postal canadien? Dans un article d’opinion percutant publié le 12 mai 2025, il estime que la situation actuelle est le fruit d’un système sclérosé par de mauvais incitatifs et un monopole injustifié.
Vincent Geloso raconte d’abord une anecdote personnelle : son beau-père, depuis le Canada, a posté des cartes de Noël à ses enfants vivant en Virginie en décembre dernier. Elles sont arrivées… à la fin janvier. Cette attente interminable n’est pas un cas isolé : des millions de Canadiens ont vécu des délais similaires en raison de la grève de 32 jours qui a paralysé Postes Canada pendant les Fêtes. Geloso souligne que cette énième interruption du service postal a été suivie, en janvier, d’un renflouement de plus d’un milliard de dollars de fonds publics — preuve, selon lui, de l’urgence d’un changement structurel durable.
Depuis une décennie, le volume de courrier a chuté de manière constante : de 9,7 milliards d’envois en 2012 à seulement 6,5 milliards en 2023. Mais, selon Vincent Geloso, cette diminution n’est qu’un symptôme. Le véritable mal réside dans les incitatifs pervers d’une société d’État à l’abri de la concurrence. « Si les contribuables renflouent Postes Canada, pourquoi l’entreprise contrôlerait-elle ses coûts? », demande-t-il. Et avec un monopole légal sur les lettres de moins de 50 grammes, pourquoi ne pas simplement refiler la facture aux consommateurs?
Dans les années 1980, Postes Canada a été transformée en société d’État avec l’intention d’introduire des principes de gestion plus efficaces. Or, comme l’explique Geloso, cette réforme n’a pas produit les résultats escomptés : les prix des timbres ont rapidement explosé, passant de 17 à 30 cents, et continuent de grimper plus vite que l’inflation (à 1,44 $ aujourd’hui).
Même si Postes Canada affirme financer ses opérations par ses propres revenus, Vincent Geloso nuance : entre 12 et 37 % de ses dépenses annuelles ont tout de même été indirectement ou directement subventionnées par les contribuables depuis sa transformation en société d’État. La promesse d’autonomie financière s’est donc avérée illusoire. L’introduction de nouveaux mandats, comme les services bancaires prévus cette année, ne changera rien à ce qu’il nomme le « problème d’incitatifs ».
Pour l’économiste, le meilleur — voire le seul — remède consiste à privatiser Postes Canada et à ouvrir le marché postal aux entreprises concurrentes, comme Amazon, UPS ou Deutsche Post. Il précise que de nombreuses études scientifiques soutiennent cette démarche, car les services postaux ne répondent pas aux critères classiques qui justifient une intervention de l’État : ils ne sont ni des biens publics, ni des monopoles naturels, ni des secteurs à fortes externalités.
Geloso note aussi que l’entrée dans le marché postal ne demande pas de coûts de démarrage prohibitifs : « Ce n’est pas une industrie où l’on a besoin de construire des barrages ou des pipelines. » Il cite les exemples de l’Autriche, des Pays-Bas et de l’Allemagne, où la libéralisation a conduit à une baisse réelle du prix des timbres (ajustée à l’inflation) de 11 à 17 % en dix ans.
Privatiser, oui, mais pas n’importe comment. Geloso avertit que les écueils sont nombreux. Une privatisation trop lente risque de mener à une capture réglementaire, où les intérêts établis influencent la réforme à leur avantage. À l’inverse, une réforme précipitée peut ouvrir la porte à un pillage des actifs publics par des initiés qui les rachètent à rabais.
Pour éviter ces pièges, Geloso propose un modèle inspiré des pays d’Europe de l’Est après la chute de l’URSS : la privatisation par bons ou « mass privatization ». Dans ce modèle, chaque citoyen recevrait des actions de Postes Canada à titre gracieux ou pour un prix symbolique (1 $). Les employés de l’entreprise obtiendraient un bloc de 40 % des actions. Cela ferait d’eux des régulateurs naturels, incités à améliorer les performances et à réduire le gaspillage.
Une fois la privatisation achevée, le marché serait ouvert à la concurrence selon un échéancier clair. Cela éviterait que le syndicat des travailleurs ou l’entreprise elle-même ne réclament de traitements de faveur auprès des autorités politiques. Les nouveaux entrants pourraient également diversifier leur offre en vendant des biens ou en fournissant certains services financiers, ce qui permettrait une réelle innovation dans un secteur figé depuis trop longtemps.
L’objection principale à la libéralisation du service postal concerne l’impact sur les régions rurales ou nordiques, où les coûts de livraison sont plus élevés. Geloso répond que cette inquiétude est légitime, mais qu’elle peut être résolue sans subventionner l’ensemble du système. Il propose, par exemple, d’exempter le courrier postal de la TPS, comme certains aliments de base. Il suggère aussi d’élargir le crédit d’impôt pour résidents du Nord, afin de compenser les coûts accrus dans les régions éloignées.
Vincent Geloso conclut que le statu quo n’est plus tenable. Les Canadiens paient plus cher pour un service qui se détériore, tout en assumant un fardeau fiscal croissant. L’expérience des autres pays démontre qu’il est possible d’améliorer la qualité des services postaux tout en réduisant les coûts pour l’État et les citoyens.
À l’aube d’une nouvelle grève, il pose la question qui fâche mais qui s’impose : voulons-nous continuer à répéter les erreurs du passé, ou sommes-nous prêts à sortir enfin du bourbier postal?
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