La visite du pape au Canada active les passions de chacun. Un an après la découverte choquante de tombes anonyme sur le terrain d’un pensionnat autochtone de Kamloops en Colombie Britannique, le besoin de repentance de l’Église catholique s’exprime par sa voix la plus puissante. Or ce n’est pas tout le monde qui trouve son compte dans cette tournée d’excuses ; certains n’y voient que des mots creux et attendent de vraies actions alors que d’autres se questionnent carrément sur la légitimité de tout ça, n’y voyant qu’un grand théâtre de signalement de vertu woke.

Que veut-on exactement?

La première réaction au pow wow d’Edmonton chez beaucoup de gens et d’analystes fut qu’il ne s’agissait que « de mots et de belles phrases ». Autrement dit, le pape aura beau s’excuser et faire du verbiage, mais ce qu’on veut, c’est autre chose.

Cette analyse est étrangement partagée par les deux côtés du spectre idéologique. Gauche comme droite s’entendent pour dire qu’il s’agit de signalement de vertu, d’un grand spectacle pour laver l’image de l’Église catholique qui n’a au bout du compte à peu près aucune conséquence réelle pour les autochtones.

Mais c’est justement là où le bât blesse : on semble ne pas avoir d’idée claire sur ce qu’on souhaite exactement. S’attend-t-on à des réparations sous forme d’argent, dans les lignes des militants woke afro-américains? S’attend-t-on à de grands procès des styles de Nuremberg? Il faudrait d’abord documenter et prouver les affirmations à l’emporte-pièce de « génocide » et de « charniers » avant d’oser formuler de telles demandes.

Glissement sémantique grave

En effet, vu la gravité du glissement sémantique ayant cours dans ce dossier, il est normal qu’on puisse trouver de simples excuses un peu tiède… Les termes frappent l’imaginaire : « Génocide culturel », « survivants », « charnier », etc. On prend simplement pour acquis que le Canada aurait développé sa mouture de « la solution finale » pour les peuples autochtones, de connivence avec l’Église, sans aucun égard à la réalité de la chose.

L’idée n’est pas ici de diminuer le vécu de ces gens, mais d’avertir aussi du risque d’un trop grand relativisme moral dans nos comparaisons. Le concept de « génocide culturel » est tout à fait malhonnête ; l’assimilation forcée, quoique regrettable, n’a rien à voir avec la volonté de détruire un patrimoine génétique entier – c’est-à-dire tuer tous les individus d’un peuple. Et le concept de « survivants » appliqué aux gens ayant fréquenté les pensionnats, comme s’ils sortaient de camps de concentrations, frôle le déraisonnable et le manque de respect (à noter que ce changement sémantique s’est majoritairement opéré dans le mouvement féministe pour décrire les victimes de viol, « survivants » étant devenu un terme fourre-tout pour toute victime s’affirmant comme tel).

En employant ce champ sémantique de la Shoah, et sans aucune vérification réelle des allégations, on crée une déception chronique à l’égard de toute tentative d’excuse ou de réparation. Tout devient une demi-mesure pour celui qui exagère. L’évènement est tellement gonflé qu’il devient impossible de passer à autre chose et d’en guérir.

Documenter la tragédie ou s’excuser sans savoir?

Ce qui est le plus étrange dans toute cette histoire n’est probablement pas la formulation des excuses du pape – il en aurait beaucoup d’autres à faire, d’ailleurs – mais le fait que ce scandale des pensionnats autochtones ne repose au bout du compte que sur très peu de preuves vérifiables.

Effectivement, le 27 mai dernier, le New York Post rapportait qu’aucun corps n’avait à ce jour réellement été exhumés et qu’il n’y avait aucune fouille ou étude plus approfondie en cours depuis un an[1]. Les corps « trouvés » dont on parlait ne venait en fait que d’une interprétation de scans opérés sur le terrain, mais rien n’a été déterré pour vérifier si c’était bien le cas. En bref, suite à l’éclosion du scandale, tout est allégué, rien n’est vérifié.

Dans l’article, des professeurs d’université affirment qu’une ambiance de peur règne sur tout ce qui touche la cause autochtone ; on ne questionne pas ce qui est dit, et on n’ose pas contester les affirmations des chefs de bande.

Avant les excuses, ne serait-il pas sain de fournir de véritables réponses sur ce qui s’y est passé? Vous réalisez que tout charnier découvert en Europe, qu’il soit nazi, soviétique, médiéval ou ancien, est scrupuleusement fouillé et étudié? Que c’est avec ces preuves qu’on peut solidement et légitimement accuser tel ou tel régime ou institutions de crimes contre l’humanité?

Pourquoi diable y a-t-il si peu d’intéressés à lever le voile sur ce supposé « génocide » au Canada? Pourquoi les canadiens sont-ils si prompts à s’excuser mais si indifférents à la modalité réelle des conditions de vie dans ces pensionnats autochtones?

Serait-ce parce que ces conditions étaient au bout du compte assez semblables à celles des autres pensionnats, tels que ceux des orphelins de Duplessis, où les maltraitances et les viols étaient tout aussi courants. Serait-ce parce que l’affaire des pensionnats autochtones est l’arbre qui cache la forêt, et que François sait très bien que les excuses, l’Église les doit en premier lieu aux Chrétiens partout sur terre qui ont été abusés et floués en toute impunité par un clergé vicieux?

« Réconcili-action »?

Ainsi que doit-on penser de cette tournée d’excuse du pape au Canada? Que veut-il dire lorsqu’il affirme que ce n’est « qu’une première étape »? Tout ça laisse songeur, mais à tout le moins, le pape a l’excuse d’être un chef spirituel ; ce n’est pas véritablement de lui que viendra d’initiatives politiques. On se rappelle alors la tournée d’excuses d’Obama en Afrique, et les incessantes excuses de Trudeau… Et on se demande quand viendra vraiment l’heure de l’action.

C’est un peu cet esprit qui anime le concept de « réconcili-action », promu par de nombreuses entreprises et communautés autochtones qui n’attendent pas d’excuses pour faire advenir la prospérité chez eux et qui savent que la méthode d’émancipation la plus éprouvée pour un peuple, c’est son développement économique.

Malheureusement à ce jour, les Canadiens de la bien-pensance préfèrent faire la promotion de la cause autochtone dans ses aspects les plus ésotériques et new-age, et n’acceptent que cette figure du bon sauvage qui sied à leurs idéaux environnementaux, mais taisent bien vite et répriment tout projet de développement scientifique et technologique qui bénéficierait réellement à ces communautés.


[1]https://quebecnouvelles.info/pensionnats-autochtones-de-kamloops-la-plus-grosse-fake-news-de-lhistoire-du-canada/

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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