La Silicon Valley Bank [SVB] était une banque commerciale de l’état de Californie [par opposition à une banque nationale ou fédérale] basée à Santa Clara qui se spécialisait dans le financement des startups concentrées dans la Silicon Valley. Elle se classait dans le top 20 des plus grosses banques des États-Unis, en 16ème rang peu de temps avant de se faire brusquement fermer par le Département californien de la protection financière et de l’innovation.

Quelques jours après la faillite de la SVB,  les autorités de régulations de l’État de New York ont annoncé la fermeture de Signature Bank, basée à New York. Depuis le lancement de sa propre plateforme d’échange de cryptomonnaies [appelée « Signet »] en janvier 2018, les activités de la Signature Bank liées aux cryptomonnaies représentent environ 20% de son chiffre d’affaires. Bien qu’elle ne soit pas une banque spécialisée dans les crypto-monnaies, la SVB fournissait des services à nombre d’entreprises impliquées dans la crypto et la blockchain.

Les faillites en cascade la SVB et de la Signature Bank représentent les 2ème et 3ème plus importantes faillites bancaires de l’histoire des États-Unis.

La Silvergate Bank, une banque de moindre importance basée en Californie et connue pour ses services auprès des utilisateurs de cryptomonnaie avait parti le bal en annonçant, le mercredi 8 mars, qu’elle procédait à sa liquidation – soit deux jours avant la faillite de SVB. Phénomène un peu à part, la fin des opérations de la Silvergate Bank découle de la faillite de FTX [en novembre 2022], mais il faut la mentionner.

Pourquoi la SVB a-t-elle fait faillite?

Certains [à gauche] blâmeront le milliardaire et co-fondateur de PayPal Peter Thiel, qui est aussi un important donateur de candidats républicains MAGA, pour avoir causé une panique bancaire en retirant des millions de dollars de la SVB. En effet, Peter Thiel’s Founders Fund n’avait plus d’argent à la SVB à partir du jeudi 9 mars au matin. Le milliardaire Bill Ackman, fondateur et PDG du fonds d’investissement Pershing Square Capital, est également pointé du doigt, à moindre mesure, mais pour des raisons similaires. À noter qu’Ackman appuie Vivek Ramaswamy, un conservateur et nationaliste anti-woke, dans la course à l’investiture Républicaine.

Au lieu d’imputer la faillite à des milliardaires qui appuient des candidats qui « pensent mal », il faudrait peut-être quand même regarder du côté des causes économiques.

Les investisseurs n’ont pas retiré leur argent sans raison. Le 27 février, le PDG de la SVB et membre de classe A du conseil d’administration de la FED de San Francisco Greg Becker avait vendu 12,451 actions pour 3,6 millions de dollars, soit un prix moyen de 287,42 dollars chacune. La même journée, il a acheté exactement le même nombre d’actions en utilisant des options d’achat d’actions au prix de 105,18 $ chacune, selon un formulaire qu’il a déposé auprès de la Securities and Exchange Commission. Ces deux transactions ont été effectuées par le biais d’une fiducie qu’il contrôle, en utilisant un plan commercial qu’il avait mis en place un mois plus tôt. Indiquant le manque de confiance dans la performance future de la société par son propre dirigeant, cette manoeuvre a certainement été interprétée comme un signe négatif par les investisseurs.

Le coeur du problème est ailleurs. La Silicon Valley Bank avait investi la majorité de l’argent des dépôts de ses clients dans des bons du Trésor de longue durée émis par le gouvernement des États-Unis Bien qu’ils aient des rendements inférieurs à ceux des obligations émises par des émetteurs moins sûrs, les bons du Trésor sont un type d’obligations considérés comme ayant une solvabilité très élevée. Sauf qu’elle avait acheté ces obligations à une époque où les taux d’intérêts étaient très bas.

Lorsque la Banque centrale [ou FED] a augmenté considérablement les taux d’intérêt pour parer à l’inflation galopante de l’administration Biden, les obligations préexistantes ont perdu beaucoup de valeur, parce que les investisseurs ont alors pu acheter de nouvelles obligations offrant un rendement plus élevé. Quand la SVB a eu besoin de liquidités pour répondre aux demandes de retrait de ses clients et pour financer ses activités commerciales, elle a été contrainte de vendre ses obligations à un prix inférieur, subissant une perte de 1,8 milliard de dollars lors d’une vente incendiaire de 21 milliards de dollars de ses avoirs obligataires [les obligations détenues par une banque sont vendues sur le marché obligataire ou à des investisseurs comme d’autres banques ou des fonds d’investissement].

Interviewé sur le réseau FOX News, le fondateur de Home Depot Bernie Marcus a mis en cause l’inclinaison woke de la SVB: «Je pense que le système, que l’administration [Biden] a poussé nombre de ces banques à se préoccuper davantage du réchauffement climatique que du rendement des actionnaires. Et ces banques sont mal gérées parce que tout le monde se concentre sur la diversité et tous les problèmes wokes au lieu de se concentrer sur la seule chose qu’ils devraient, à savoir le rendement des actionnaires ».

Bernie Marcus ne lance pas des paroles en l’air. La SVB a fait des dons d’environ 74 millions de dollars au mouvement Black Lives Matter et à d’autres causes connexes. Jay Ersapah, qui occupait le poste de responsable de la gestion des risques à la SVB se décrit comme une « personne de couleur queer ». Elle a passé un temps considérable à élaborer des programmes wokes LGBTQ+, tel qu’un « safe space » pour que les employés puissent partager leurs sorties du garde-robe et le mois de célébration de la Fierté. De telles initiatives donnent peut-être une excellente notation ESG [qui à son tour, a contribué à l’attribution de la cote A par Moody’s] mais ne font rien pour la viabilité de l’entreprise. On peut arguer que l’application zélée des normes ESG n’a pas causé la faillite, mais on ne peut certainement pas dire qu’elle est essentielle aux intérêts économiques des actionnaires. Ce sont des distractions en marge de l’activité bancaire.

Quant à la Signature Bank, elle avait produit des vidéos promotionnelles aux relents woke mettant en scène sa propre équipe exécutive.

Anecdote amusante: le 8 février, dans son émission Mad Money sur le réseau CNBC, l’excentrique commentateur financier Jim Cramer avait conseillé à son auditoire d’investir dans SVB. Autre étrangeté, Moody’s a attendu le 10 mars pour rétrograder la cote A de la SVB.

Réassurance de Biden

Le 13 mars, dans la foulée de ces deux grosses faillites, Joe Biden a adressé un message aux Américains pour les rassurer quant à la stabilité du système bancaire. Les déposants de SVB et de la Signature Bank pourront avoir accès à leur argent pour payer leurs dépenses. Le Département du Trésor, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et la FED utiliseront le fonds d’assurance-dépôts pour les indemniser. Biden a assuré qu’aucune perte ne sera compensée par les contribuables car l’argent proviendra des frais que les banques versent au Fonds d’assurance-dépôts. Des Républicains ont toutefois rejeté les assurances de Biden selon lesquelles l’argent des contribuables ne serait pas utilisé pour renflouer les banques, vu que l’argent provient d’un fonds d’assurance bancaire.

En revanche, les actionnaires/ investisseurs ne seront pas renfloués, ce qui peut les inciter à délaisser les petites et moyennes banques régionales pour investir dans les banques plus stables, surtout si d’autres faillites sont anticipées.

Dans son allocution, Biden a vanté les « importants progrès économiques son administration »  réalisés au cours des deux dernières années. Il en a profité pour faire porter le blâme à l’administration Trump, dont l’Economic Growth, Regulatory Relief, and Consumer Protection Act [passé en 2018] a annulé certaines des provisions du Dodd-Frank Act adopté en 2010 alors que les Démocrates contrôlaient les deux chambres. L’inflation et la hausse des taux n’ont pas été évoquées dans ce point de presse.

Prenons un peu de recul et mettons de côté toute aversion envers le wokisme de ces banques. Ces banques avaient de drôles de priorités, mais n’ont pas fait faillite à cause d’initiatives financières risquées. Elles avaient d’ailleurs suivi les recommandations de la FED en faisant l’acquisition de bons du Trésor – ce qui relève de la plus haute prudence, pour autant que les taux n’augmentent pas. Ces faillites conduisent à la consolidation de leurs actifs au sein de banques plus grandes, notamment les envieuses qui reluquaient leurs clientèles, et qui sont tout autant assujetties aux critères ESG [même si leur signalement de vertu n’est pas aussi ostentatoire]. Il en résulte un resserrement du contrôle sur le Big Tech [et les crypto-monnaies], qui faciliterait l’implantation d’une monnaie digitale par la Banque Centrale ainsi que d’un système de crédit social. Sans dire qu’elles ont été délibérément orchestrées, ces faillites constituent-elles une forme de démolition contrôlée? Y en a-t-il qui s’en frottent les mains? On peut certainement se poser la question.

Ophélien Champlain

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