Fin de la censure sur Facebook, Dana White sur le CA de Meta ; Zuckerberg surprend tout le monde

Dans une courte vidéo publiée sur son compte Facebook, Mark Zuckerberg, créateur de la plateforme et dirigeant de Meta, a créé la surprise en annonçant la fin des processus de « fact checkings » sur la plateforme et, à la place, l’adoption de « notes de communautés » comme celles qui se trouvent sur X. Cette décision a été saluée par de nombreuses personnes qui, dans les dernières années, déploraient la censure hors de contrôle sur les réseaux sociaux.

Zuckerberg est-il sincère ou simplement sous pression?

C’est en effet une nouvelle majeure en ce début d’année que cette annonce par Zuckerberg de la fin de la censure sur Facebook. Certains prennent la chose avec humour, déclarant que cette nouvelle approche par celui qui a été maintes fois comparé à un lézard reptilien constitue une admission que Facebook faisait de la censure illégitime durant toutes ces années. Certains, aussi, remettent en question sa sincérité dans l’initiative, arguant que l’élection de Trump lui force la main. Mais il y a tout de même des éléments permettant de croire en sa bonne foi. Et, de toute façon, les nouvelles politiques annoncées semblent tout à fait justifiées et seront assurément bénéfiques.

On se rappelle que dans les derniers mois, de nombreux observateurs soupçonnaient un virage à droite chez Mark Zuckerberg. J’avais d’ailleurs écrit un article intitulé « Mark Zuckerberg serait-il silencieusement devenu conservateur? » en août dernier. Cette réflexion provenait du commentateur politique Brandon Tatum, qui avait fait une vidéo sur le sujet et analysait comment, dans les derniers temps, Zuckerberg s’entraînait avec des gens aux allégeances républicaines, comment ses prises de positions semblaient plus pragmatiques et conciliantes avec la droite. Il en concluait que : « Basé sur son comportement, basé sur les gens avec qui il se tient, basé sur ses positions par rapport à certaines choses, la manière qu’il s’habille, etc. Je sais que ça semble fou à dire, mais je le regardais à un combat de la UFC et j’étais comme « il se tient avec Dana White? – qui est le plus gros supporteur de Donald Trump sur la planète terre?! -, il se tient avec des gens de la UFC, il fait du jiu jitsu, il challenge Elon Musk à un combat de boxe : il a l’air de se diriger vers le conservatisme. »

Eh bien, soulignons ici qu’en parallèle de ces annonces de changement dans les politiques de modération de Facebook, il fut aussi annoncé que ce même Dana White – « le plus gros supporteur de Donald Trump sur la planète terre » et président de la UFC – rejoindra aussi le CA de Meta! Ce n’est pas rien : ça signifie l’arrivée d’une personne de droite extrêmement influente dans l’organisation. Et ça consolide cette impression que Zuckerberg est tout à fait sincère et est bel et bien devenu plus conservateur.

Faisons l’avocat du Diable…

Il faut d’abord comprendre une chose : bien que les médias sociaux soient le fait d’entreprises californiennes dont les biais de gauche sont assez connus, il ne faut pas oublier que la censure et les processus de modération abusifs sont largement le résultat de pressions médiatiques et politiques contre les réseaux sociaux. Dans la majorité des cas, ce sont les gouvernements et les médias grand public qui ont forcé les plateformes à conclure des ententes avec des médias de vérification.

On peut même y déceler un conflit d’intérêt évident : au même moment où les médias traditionnels perdaient massivement leurs revenus publicitaires au profit des plateformes web, ils se lançaient dans des campagnes acharnées contre la « désinformation » en ligne, arguant carrément qu’elle présentait des risques à la démocratie, et que les réseaux sociaux étaient trop laxistes et irresponsables sur le sujet. C’était un argument qui était plutôt de convenance…

Mais les gouvernements mondiaux ont pris la chose au sérieux et ont bel et bien forcé les réseaux sociaux à se doter de processus de modération de plus en plus complexe et, éventuellement, des « fact-checking » par des médias de vérification. Ça a surtout commencé autour de 2014-2015, avec de nouveaux algorithmes de détection de contenu haineux en raison de la propagande de l’État islamique sur les plateformes. Ça s’est perpétué dans l’acharnement anti-trump et anti-droite populiste, et ça s’est imposé de la manière la plus sévère lors de la crise de Covid-19, où les fact-checkings se sont généralisés.

Ainsi, à la défense de Mark Zuckerberg, de Jack Dorsey (Twitter) et de Susan Wojcicki (YouTube), ils étaient tous à l’époque pris entre leur diabolisation par les médias traditionnels et les pressions politiques énormes de gouvernements interventionnistes.

Dans sa vidéo, Zuckerberg évoque brièvement cette dynamique : « Beaucoup de choses se sont passées dans les dernières années. Il y a eu un énorme débat à propos des problèmes potentiels liés à certains contenus en ligne. Les gouvernements et les médias traditionnels ont poussé pour censurer de plus en plus. Une bonne partie de tout ça est clairement politique. » Il reconnaît cependant qu’il existe bel et bien du contenu nocif qui nécessite d’être contrôlé en ligne, mais juge que la censure est allée trop loin, et qu’il est temps d’en finir avec ces politiques mur à mur.

Quels sont les changements?

Ainsi, dans l’intention de limiter les censures abusives et arbitraires qui affectaient de trop nombreux utilisateurs de manière erronée, Zuckerberg annonce de nombreux assouplissements et changements.

D’abord, la nouvelle la plus relayée est cet abandon des « fact-checkings » par les médias de vérification et l’adoption des « notes de communauté » comme celles se trouvant déjà sur X. Notons que ces « médias de vérification » étaient souvent des filiales de grands médias avec qui les plateformes avaient été forcées de conclure des ententes par les gouvernements. Par exemple, de nombreux fact-checkers français étaient contrôlés par le journal Le Monde, l’agence France-Presse, etc. Mais bien souvent, le caractère automatique des algorithmes rendait ces fact-checkings extrêmement douteux, voir carrément erronés.

Zuckerberg le dit sans détours : « ces « fact-checkers » étaient trop biaisés politiquement, et ont au contraire ruiné la confiance du public plutôt que de la restaurer ».

Désormais, ce seront donc l’ensemble des utilisateurs de la plateforme qui pourront, de manière collective et démocratique, ajouter des précisions ou corrections à des publications. La méthode fonctionne déjà très bien sur X, et il était désormais clair que le « fact-checking » de Facebook ne fonctionnait pas.

Mais aussi, Zuckerberg a annoncé une « ‘simplification » de ses politiques de modération, allant même jusqu’à dire d’entrée de jeu qu’il se débarrassera des politiques concernant l’immigration et les identités de genre, arguant que c’était une grande préoccupation des dernières années, mais que c’est désormais « déconnecté du débat public ». Selon lui, nous sommes désormais dans une nouvelle époque, et la frilosité à l’égard de ces sujets n’a plus sa place.

D’un point de vue plus technique, il indique aussi la fin des scans du contenu et des décisions de censure automatique. Jusqu’ici, tout le contenu était « scanné » par l’algorithme de Facebook pour y déceler du contenu non conforme, ce qui entraînait beaucoup d’erreurs. Selon Zuckerberg : « Même s’ils ne censurent accidentellement que 1% des publications, ça représente des millions de personnes. Et nous avons atteint un point où c’est juste trop d’erreurs et trop de censure ».

Évidemment, il confirme que les contenus réellement problématiques, c’est-à-dire criminels ou violents, continueront d’être scannés et supprimés rapidement. Mais l’algorithme ne se limitera qu’à ce type de contenu extrême et arrêtera de policer le contenu régulier des utilisateurs. Facebook n’agira désormais qu’en cas de signalement sérieux et crédible par d’autres utilisateurs.

Une autre décision surprenante : le retour du contenu socio-politique. En effet, alors que dans les dernières années, Facebook avait beaucoup réduit les contenus politiques ou sociaux sous prétexte qu’ils « stressaient » les utilisateurs et apportaient de la négativité, Zuckerberg affirme, encore une fois, que le monde a changé et que désormais, les gens veulent voir plus de ce genre de contenu. Les algorithmes recommenceront donc à proposer du contenu socio-politique sur les fils d’actualité, ce qui, évidemment, ne règle pas le problème canadien du blocage des nouvelles…

Un autre mesure, qui tient probablement plus de l’image mais pourrait s’avérer une bonne chose, est le déplacement des bureaux de l’équipe de modération de Facebook de la Californie au Texas. En effet, conscient des biais de gauche associés à la Californie et aux gens travaillant dans la « tech-industry », cette relocalisation permettra un nouveau départ dans un milieu plus neutre.

Les États-Unis de Trump partent-ils « en guerre » sur le sujet?

Enfin, la dernière mesure annoncée concerne la volonté de Mark Zuckerberg de travailler avec Trump pour défendre la liberté d’expression dans le monde : « Nous allons travailler avec le président Trump pour répliquer aux gouvernements qui, partout dans le monde, s’en prennent aux entreprises américaines et poussent pour plus de censure ».

Selon le journaliste Matt Taibi, ce point semble indiquer une possible « guerre » entre les États-Unis et d’autres pays sur la question de la liberté d’expression. En effet, il souligne ce passage de la vidéo de Zuckerberg, où il précise sa pensée et pointe directement certains pays ou région du monde :

« Les États-Unis disposent des protections constitutionnelles les plus solides au monde en matière de liberté d’expression. L’Europe dispose d’un nombre croissant de lois institutionnalisant la censure et rendant difficile la construction de projets innovants. Les pays d’Amérique latine ont des tribunaux secrets qui peuvent ordonner aux entreprises de retirer discrètement des choses. La Chine a censuré nos applications, les empêchant même de fonctionner dans le pays. La seule façon de contrer cette tendance mondiale est d’obtenir le soutien du gouvernement américain, et c’est pourquoi cela a été si difficile au cours des quatre dernières années, lorsque même le gouvernement américain a poussé à la censure en s’en prenant à nous et à d’autres entreprises américaines. »

Zuckerberg s’en prend donc carrément à l’administration Biden, dévoilant au passage à quel point ce gouvernement rendait plus difficile de faire respecter la liberté d’expression sur le web. Matt Taibi en rajoute, expliquant la direction que prenaient les États-Unis dans les dernières années :

« Ces dernières années, les États-Unis ont participé à des discussions sur de tels accords, parfois avec l’idée de créer des analogues aux systèmes de règles européens ou mondiaux qui pourraient être appliqués par l’autorité exécutive (par exemple, par le biais de la FTC). J’ai personnellement paniqué lorsque j’ai appris que les États-Unis envisageaient d’adhérer à de tels codes internationaux concernant la liberté d’expression sans avoir à consulter le Congrès. »

Bref, c’est tout un virage pour Zuckerberg. Après Twitter, devenu X sous la direction de Musk, ouvertement pro-Trump, voilà que Meta et Facebook semblent rejoindre le camp trumpien afin de défendre la liberté d’expression et vaincre la censure dans le monde. Pour le Canada, évidemment, ça implique de potentielles tensions : le gouvernement Trudeau ayant, tout comme l’Europe, adopté de nombreuses lois en faveur de la censure et planifiant d’en adopter d’autres encore récemment (C-63).

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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