« En court, le film Civil War est un film d’action d’un budget de 50M$ qui, à part la thématique de guerre civile, ressemble à beaucoup de films d’actions hollywoodiens. Les gentils se battent contre les méchants et remportent la victoire à la fin.«

Avertissement : cet article pourrait contenir des divulgâcheurs!

L’action se déroule dans un futur proche. Une guerre civile a éclaté entre le gouvernement autoritaire des États-Unis et divers mouvements sécessionnistes: les Forces de l’Ouest [Western Forces] qui représentent la très improbable alliance du Texas et de la Californie, l’Alliance de Floride [Florida Alliance] un bloc d’états contigus allant de l’Oklahoma, au Tennessee et de la Louisiane à la Floride et enfin, l’Armée du Nouveau Peuple [New People’s Army] englobant le nord-ouest du pays, du Pacifique au Minnesota et incluant l’Utah. Les états loyalistes, pour leur part, constituent un groupe disparate complètement invraisemblable, incluant la Nouvelle Angleterre, New York, l’Arizona, les Carolines, le Kansas et le Nebraska.

Ceux qui espèrent une intrigue riche en politique fiction seront déçus. Ces alliances sont à peine mentionnées, et on n’en fournit pas le moindre motif. Tout ce qu’on apprend au spectateur, c’est que le Président a dissout le FBI, qu’il s’est maintenu au pouvoir pour un 3 mandat et que diverses régions ont déclaré la sécession – pour des raisons et dans un ordre qui ne sont jamais abordés.

Le script suit le voyage d’une équipe de 4 journalistes qui veulent se rendre à Washington DC pour interviewer le Président, qui n’a pas accordé d’entrevue depuis longtemps. Le groupe est constitué d’une photojournaliste de renom [Lee], de son collègue [Joël], de leur mentor [Sammy] qui est un journaliste chevronné du New York Times ainsi que d’une jeune aspirante photographe [Jessie] qui s’est invitée parmi eux. Ces journalistes sont clairement des opposants au Président, qu’ils considèrent comme un despote et un menteur, sans jamais toutefois fournir d’exemples pour détailler leurs affirmations.

Durant leur périple, les journalistes se retrouvent dans diverses situations de combat lors desquelles ils font la rencontre tantôt de braves milices qui s’opposent au gouvernement, tantôt d’abominables loyalistes qui soutiennent le Président. Faute d’avoir la moindre information sur les motivations politiques des uns et des autres, les gentils sont présentés comme des gens solidaires, vaillants et sympathiques; les méchants comme des individus cruellement sadiques.

Comme c’est le cas dans nombre de films d’action, la profondeur des personnages est réduite au strict nécessaire, et le script se résume à une suite de prétextes pour scènes de poursuites et de fusillades.

Trois des journalistes [car l’un d’entre eux s’est fait tuer durant le périple] parviennent à Washington au moment où les Forces de l’Ouest [Western Forces] préparent leur assaut final. Ils s’introduisent dans la Maison-Blanche où le Président est froidement abattu par des miliciens. Son exécution est présentée comme une bonne chose. Le spectateur doit s’en réjouir plutôt que de s’en indigner. Ceci dit, le personnage est absent de la quasi-totalité du film: on ne le voit qu’au tout début de la projection, alors qu’il invite les sécessionnistes à rendre les armes et à réintégrer le pays, puis de nouveau à la fin quand vient le temps de le tuer.

On ne comprend pas exactement pourquoi il faut le haïr à ce point. Un 3 mandat constitue une violation du 22ᵉ amendement, mais en situation de guerre civile, pourrait-ce être justifiable? Le script ne fournit aucun détail pour contextualiser son maintien en poste. L’arrestation du Président qui refuse de partir ne suffirait-elle pas? Faut-il absolument l’abattre?

Ce film survient sur fond de profondes divisions politiques. Selon une étude réalisée par The Economist et YouGov, 43% des Américains estiment qu’une guerre civile pourrait survenir durant les 10 prochaines années. La question d’un divorce national entre états rouges et états bleus est de plus en plus considérée: 20% des Américains se disent favorables à ce que leur État fasse sécession des États-Unis. Le mouvement pour l’indépendance est le plus fort au Texas, où 33% des répondants disent être favorables à ce que leur état devienne une république indépendante.

Brandissant le spectre de la guerre civile, le film s’adresse à une Amérique à laquelle on veut faire croire que la manifestation émeutière du 6 janvier 2021 était une véritable insurrection armée. Bien que les raisons de la guerre soient délibérément floues et qu’il ne soit jamais question de Démocrates ou de Républicains on peut percevoir une propagande sous-jacente bien voilée.

Le Président du film s’apparente davantage à Donald Trump qu’à Joe Biden. D’abord, il ne semble pas apprécier les médias. L’abolition du FBI fait écho à la promesse de Trump de purger des organisations renégates ou corrompues: «Drain the Swamp» [assainir le marais]. Le 3 mandat consécutif rappelle la campagne de peur des médias hostiles à Trump, qui continuent de le dépeindre comme un dictateur qui va tenter à tout prix de s’accrocher au pouvoir [il a pourtant cédé la place à Joe Biden].

Comme le Président reste un personnage secondaire, il se définit par rapport aux autres protagonistes. Sammy, qui est un journaliste de race noire en surpoids travaillant pour le New-York Times, le compare à Mussolini et à d’autres despotes. Quel Président reçoit ce type de comparaison dans les médias? Quel Président les médias tentent-ils de faire détester?

Les loyalistes qui se battent pour le Président représentent l’Amérique profonde, blanche et chrétienne, tandis que les miliciens qui le combattent constituent un groupe hétéroclite multiethnique. Un des loyalistes qui s’amuse à torturer très sadiquement deux résistants qu’il a capturés porte une croix chrétienne comme pendentif. Un autre loyaliste abat sur le champ un personnage secondaire lorsque celui-ci avoue être né à Hong-Kong.

Pour aller à l’encontre de cette analyse, et peut-être pour brouiller les cartes, on présente à la toute fin du film la Secrétaire de Presse de la Maison-Blanche, qui est une femme de race noire. C’est d’ailleurs le seul personnage loyal au Président qui n’est pas un homme de race blanche. La femme, qui n’offre aucun signe de belligérance et tente seulement de négocier une issue, se fait fusiller sans pitié par les Forces de l’Ouest [Western Forces] venues abattre le Président. Comme quoi, si on fait équipe avec un aussi mauvais Président, on ne mérite pas de vivre. C’est non négociable.

Nick Offerman, le comédien qui joue le rôle du Président des États-Unis, avait décrit Donald Trump comme raciste et sexiste durant l’élection de 2016. Lors des primaires Démocrates de 2020, il avait affiché son appui pour la Démocrate Elizabeth Warren sur Twitter. Le personnage principal est joué par Kirsten Dunst, une partisane Démocrate de longue date qui avait soutenu Bernie Sanders lors de l’élection présidentielle de 2020. Le choix de casting ne veut évidemment pas dire grand-chose, le milieu artistique étant majoritairement pro-Démocrate. N’empêche que le rôle du Président a été attribué à un acteur ayant publiquement révélé son aversion pour Trump.

Au cinéma, le Président des États-Unis se voit généralement attribué un rôle héroïque, du moins bienveillant. Mettant en scène le Président des États-Unis comme un personnage corrompu impliqué dans un meurtre, Absolute Power [Pouvoir d’Exécuter -avec Gene Hackman, 1997] fait figure d’exception. En demandant au spectateur d’applaudir la mise à mort du Président, Civil War marque une première.

On aurait pu redouter bien pire en termes de message. Le caractère insidieux de sa propagande pourrait passer bien au-dessus la tête du spectateur moyen, mais Civil War renforcera les préjugés des gens qui sont déjà endoctrinés par le dénigrement médiatique visant Trump et ses partisans. Et pour ceux qui ne sont pas adeptes de méga-productions dans le genre film d’action, Civil War risque essentiellement d’être 109 minutes mal investies.

Ophélien Champlain

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