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Guy Millière | Entretien sur le nouveau gouvernement Israélien et les élections régionales françaises

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Guy Millière est geopoliticologue, senior fellow du Gatestone Institute et au American Freedom Alliance a Los Angeles et est également professeur à l’université de Paris VIII. Il est l’ancien président de l’Institut Turgot à Paris et économiste à la Banque de France. Il a publié 40 livres sur la France, l’Europe, les États-Unis, Israël et le Moyen-Orient. Il est l’auteur de milliers d’articles publiés en France, en Israël et aux États-Unis.

Q : Le premier ministre Netanyahou a été chassé du pouvoir après 12 ans de règne sans interruption. Qu’est-ce que cela veut dire pour Israël?

Cela crée une situation très dangereuse pour Israël. Donald Trump a été le président des États-Unis le plus favorable à Israël depuis la naissance du pays en 1948. Il avait créé, en synergie avec Binyamin Netanyahou, une recomposition du Proche-Orient, enclenchée en juin 2017 lors d’une visite à Riyad.

Donald Trump savait qu’Israël et les pays du monde arabe sunnite avaient un ennemi commun, la république islamique d’Iran, qui avait des visées hégémoniques sur la région et dont l’administration Obama avait voulu faire la puissance majeure du Proche-Orient. Il savait que des pourparlers discrets s’étaient enclenchés entre Israël et plusieurs Etats arabes sunnites. Il savait aussi que le monde arabe sunnite était lassé de la “cause palestinienne”, et voulait trouver un moyen de prendre ses distances avec elle, et trouver une solution à cette fin. Il a dit aux chefs d’Etat sunnites réunis à Riyad que les États-Unis, qui les avaient lâchés sous Obama, allaient les défendre à nouveau, asphyxier l’Iran, et trouver un moyen de régler le “problème palestinien”.

Il leur a posé une double condition: poursuivre les rapprochements enclenchés avec Israël et combattre le terrorisme islamique. Ils ont respecté la double condition. Donald Trump est sorti de l’accord de juillet 2015 avec l’Iran et a mis en place une politique d’asphyxie du régime qui a rendu celui-ci exsangue et l’a empêché de continuer à financer les groupes islamiques qu’il finançait, Hamas, Hezbollah, milices Houthi au Yémen. Il a rompu les relations des États-Unis avec l’Autorité Palestinienne, après avoir dénoncé les activités terroristes de celle-ci.

Il a proposé un plan de paix pour le Proche-Orient, qui offrait une autonomie aux populations palestiniennes. Il a mis en place avec Netanyahou les accords d’Abraham, qui devaient devenir des accords de paix régionaux entre les pays arabes sunnites et Israël. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden est venue briser tout cela, et l’administration Biden renoue avec la politique de l’administration Obama. Elle a commencé à lever les sanctions contre l’Iran des mollahs, et elle veut signer avec lui un accord qui permettrait à nouveau au régime iranien d’avancer vers l’hégémonie régionale. Elle a lâché, comme Obama en son temps, les pays du monde arabe sunnite et les incite à se soumettre à l’Iran.

Elle renoue des liens avec l’Autorité Palestinienne, sans lui demander de renoncer au terrorisme. Elle envisage de nouer des relations avec le Hamas. Ce nouveau contexte a permis à l’Iran de livrer des missiles au Hamas, qui a pu se livrer à une attaque massive contre Israël au mois de mai. L’administration Biden était hostile à Netanyahou, dont elle connait l’intransigeance, la fermeté et l’habileté diplomatique. Elle voulait un gouvernement israélien faible et malléable. Elle l’a.

Que Binyamin Netanyahou n’ait pu former un gouvernement et soit remplacé par un gouvernement faible et malléable est, dans le contexte que je viens de décrire, tragique. Israël se trouve confronté à des ennemis qui relèvent la tête et sont plus haineux que jamais. Les relations d’Israël avec les pays signataires des accords d’Abraham et avec l’Arabie Saoudite sont en danger, et Binyamin Netanyahou n’est plus là pour gérer la situation. Le départ de Binyamin Netanyahou est une victoire pour l’administration Biden et pour tous les ennemis d’Israël, à commencer par les mollahs iraniens.  

Q : Comment définir le nouveau gouvernement de coalition?

Ce gouvernement est le plus lamentable de toute l’histoire d’Israël. Il n’est uni que par la haine de Netanyahou. Il comprend des gens de droite, du centre, de gauche, de l’extrême gauche, et même des islamistes hostiles à l’existence d’Israël. Il est dominé par la gauche, l’extrême gauche et les islamistes, et les gens de droite y sont minoritaires et y jouent le rôle d’idiots utiles. Les différents courants qui le composent ont des objectifs contradictoires et incompatibles. Les gens de droite y sont minoritaires, et Naftali Bennett n’est pas un véritable premier ministre car il est soumis au droit de véto de Yair Lapid, un homme de centre gauche qui est le concepteur de ce gouvernement.

Les gens de droite participant à ce gouvernement ne pourront pas faire avancer leurs éventuels projets (on peut se demander s’ils ont encore des projets en ayant accepté d’entrer dans cette coalition). La gauche et l’extrême gauche pourront difficilement eux-mêmes avancer leurs propres projets, car la droite s’opposera à ceux-ci. Les islamistes ont droit de véto sur tout ce qui pourra être décidé. Ce qui se profile est une paralysie politique. Des lois mineures pourront être votées, et concerneront surtout la politique intérieure. En politique étrangère, le gouvernement sera très vulnérable. Il ne pourra prendre des positions fermes face aux projets de l’administration Biden.

Il lui sera ainsi difficile de s’opposer à l’accord que l’administration Biden veut passer avec l’Iran des mollahs. Il lui sera difficile aussi de s’opposer aux négociations pour un retour à la solution à deux États que l’administration Biden veut remettre sur la table, et à laquelle une majorité d’Israéliens sont opposés, car ils ont compris depuis longtemps que les mouvements palestiniens ne veulent pas un État à côté d’Israël, mais la destruction d’Israël.

Ce gouvernement ne devrait, logiquement, pas durer, mais ses membres feront tout pour qu’il dure: les gens de droite qui y participent savent qu’en cas de nouvelles élections, ils seraient éliminés de la vie politique, car les électeurs de droite les considèrent comme des traitres. Les autres membres du gouvernement savent que le fait d’être ministres est inespéré pour eux, et est uniquement dû au fait que des gens de droite ont trahi la droite, et ils savent que la droite est très majoritaire en Israël.

Ce gouvernement, par son existence et sa composition, montre qu’Israël devrait revoir son système électoral. Un système de scrutin proportionnel donne un pouvoir démesuré à des petits partis, permet des manœuvres sordides d’opportunistes, et nuit à la possibilité de constituer des majorités et des gouvernements solides. Ce gouvernement montre tout cela de manière flagrante.

Q : Quel bilan faites-vous du règne de Benjamin Netanyahou?

Binyamin Netanyahou a un bilan extraordinaire. Il est l’un des plus grands premiers ministres de l’histoire d’Israël ; certains commentateurs disent même qu’il est le plus grand premier ministre qu’Israël n’ait jamais eu, et cela rend ce qui vient de se passer plus consternant encore. Binyamin Netanyahou a été premier ministre une première fois pendant trois ans, de 1996 à 1999, puis à nouveau pendant douze ans, de 2009 à 2021.

Sur un plan intérieur, il a largement libéralisé l’économie israélienne, et lui a permis de passer du statut d’économie encore largement socialiste au statut d’économie capitaliste dynamique, et Israël est le pays qui compte le plus grand nombre d’entreprises de haute technologie par tête d’habitant sur la planète entière, et les technologies créées en Israël sont indispensables au reste du monde dans tous les secteurs de l’électronique, parmi lesquels internet, l’informatique et la téléphonie mobile. Les technologies militaires israéliennes sont aussi les plus avancées au monde, avec celles dont dispose l’armée américaine. Israël est aussi le pays le plus avancé au monde dans le domaine de l’agriculture en milieu désertique, et je pourrais allonger la liste des accomplissements israéliens.

Le produit intérieur brut par tête israélien est désormais plus élevé que celui de la plupart des pays européens, et il est plus élevé, par exemple, que celui de la France. Sur un plan extérieur, Binyamin Netanahou a su nouer des relations avec des pays situés sur les cinq continents, et l’époque ou Israël était un petit pays isolé ayant quasiment pour seul allié fiable les États Unis est loin. Face aux manœuvres anti-israéliennes de la France et de l’Allemagne, Binyamin Netanyahou a su nouer des liens avec les pays d’Europe centrale. Il a su contrer pour partie la nocivité de l’Iran des mollahs en nouant des liens privilégiés avec Vladimir Poutine et en comptant sur le fait qu’Israël a une importante population russe. Il a noué des liens avec le Brésil, avec six pays importants d’Afrique subsaharienne, avec l’Inde, la Chine et la Corée du Sud.

Il a enfin, en synergie avec Donald Trump, contribué au plan de paix Trump et aux accords d’Abraham. Il a obtenu des États-Unis la reconnaissance de Jérusalem capitale d’Israël, le déménagement rapide de l’ambassade des États Unis en Israël à Jérusalem, et la reconnaissance du Golan comme territoire israélien. Il faut souhaiter que ce bilan sans égal ne soit pas détérioré par le gouvernement de politiciens médiocres présentement au pouvoir à Jérusalem.

Q : Des élections régionales viennent d’avoir lieu en France. Quel bilan en tirer?

Ces élections ont montré un rejet par les électeurs français de tous les partis politiques et une forme de désintérêt pour la vie politique. Aucun parti ne suscite l’adhésion des électeurs. La vie politique n’intéresse plus les Français. Il en est ainsi, je pense, parce que la démocratie est confisquée en France. Macron est arrivé au pouvoir par défaut, après que François Fillon ait été éliminé par une campagne médiatique et judiciaire honteuse, et face à une adversaire de deuxième tour présentée comme l’incarnation d’un péril « fasciste” inexistant.  Il n’a pas été choisi par le peuple français.

Il a vite, ensuite, montré son mépris pour le peuple français, au point qu’il a suscité le soulèvement des gilets jaunes, soulèvement qu’il a traité par la répression extrême. Il a ensuite provoqué une longue grève, puis il a géré la pandémie sur un mode catastrophique. Son parti, La République en marche, est largement rejeté, et il est lui-même largement rejeté. La gauche et l’extrême gauche sont aussi largement rejetées. Le Rassemblement national perd du terrain et ne suscite absolument pas une adhésion massive. Les Républicains connaissent un léger mieux par rapport aux élections récentes, mais ne suscitent eux-mêmes aucun élan d’adhésion.

La situation est ce qu’elle est aussi parce que la vie intellectuelle française est largement stérilisée, et parce que les grands médias français sont des agents de cette stérilisation. Aucun parti français ne prône une vraie libéralisation de l’économie, et les débats économiques français sont absolument navrants: les électeurs voient que la France décline économiquement, mais ils ne discernent aucune proposition susceptible de leur donner un espoir: si quelqu’un proposait une solution, les grands médias la rendraient inaudible, et l’inculture économique résultant de la stérilisation la rendrait inacceptable. Les débats géopolitiques sont tout aussi navrants: la guerre menée par la Chine pour parvenir à l’hégémonie mondiale n’est nulle part expliquée de manière pertinente, ce qu’est vraiment le régime iranien n’est jamais expliqué non plus, ce qui est dit sur les États-Unis en France relève de la désinformation: je vis depuis des années aux États-Unis, mais quand je lis la presse française sur ce pays, j’ai l’impression que les auteurs d’articles parlent d’un pays que je ne connais pas et où je ne suis jamais allé.

Les Français sont sans repères, dans un monde qu’ils ne comprennent pas. Ils se placent en retrait. Une seule chaine de télévision essaie d’offrir un peu de pluralisme, CNews, et elle est traitée de “chaine d’extrême droite”. Un seul intellectuel dit des choses pertinentes sur l’islam et sur l’islamisation du pays, le journaliste Eric Zemmour, et s’il représente un espoir pour certains, il est très largement diabolisé par les autres. Cela crée une situation très délétère et l’élection présidentielle de 2022 risque de tourner au désastre. Les chances de Marine Le Pen d’être au deuxième tour sont amoindries, mais si elle est au deuxième tour face à Macron, Macron repassera sans doute, de justesse, et sera à nouveau élu par défaut, tout en restant rejeté par la population.

Un candidat des Républicains parviendra peut-être à se hisser jusqu’au deuxième tour, mais ce qu’il incarnerait serait peu différent de ce qu’incarne Macron et s’il était élu, il le serait lui aussi par défaut, pas par adhésion à son programme, mais par rejet de Macron. Ceux qui soutiennent Eric Zemmour voudraient le pousser à se présenter. Je ne pense pas qu’il le fera, mais s’il le fait, il ne gagnera pas. Il n’a pas de parti, pas d’appuis massifs dans les médias, et il sera plus diabolisé encore qu’il l’est aujourd’hui. La situation est consternante. La France est un pays en voie de délitement.

Q: Le RN a fait une contre performance. Quelle signification cela a-t-il?

Marine Le Pen a voulu dédiaboliser le Rassemblement National. C’est un échec. Elle n’a pas gagné d’électeurs de la droite traditionnelle. Elle a perdu des électeurs qui attendaient du Rassemblement national un discours plus tranché sur l’immigration, sur l’islam et sur l’islamisation du pays, sur la défense de l’identité française et des valeurs de la civilisation occidentale, sur l’insécurité croissante dans le pays.

Le Rassemblement national a tenu un discours plus aseptisé. Ce qui arrive au Rassemblement national est une illustration parfaite de ce que je viens de dire. Le fait que la vie intellectuelle française est stérilisée et que les médias sont les agents de cette stérilisation implique qu’un discours tranché conduit à la diabolisation, et ne permet pas de gagner. Tenter de se dédiaboliser conduit à ressembler à ceux qui sont acceptés par la stérilisation et à ne pas susciter davantage d’adhésion qu’eux en suscitent, et donc à échouer. C’est, je le crains, une situation sans issue.

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