Je l’ai toujours dit : on ne peut bloquer les sentiments populaires, on ne peut que les canaliser et relâcher de la pression avec des soupapes. Et c’est particulièrement vrai en ce qui a trait aux enjeux qui touchent les jeunes hommes en ce moment. On parle beaucoup de cette « crise de la masculinité », mais il faudra comprendre que ce n’est pas à coup de moralisation et d’annulation qu’on parviendra à offrir de meilleurs modèles à nos jeunes, c’est justement en leur présentant des modèles appropriés.
Et par cela, je ne veux pas dire un modèle fantasmé et sorti tout droit de l’imagination d’une féministe de l’UQAM ; d’une sorte « d’homme déconstruit » à coup de postmodernisme intersectionnel. Non, je parle de vrais modèles masculins positifs, qui existent, ont toujours existé et s’ancrent dans une tradition légitime.
Une crise de la masculinité?
Si certains, comme Francis Dupuis-Déri dans le reportage Alphas, peuvent prétendre que ces discours de crise de la masculinité ont toujours existé et ne sont qu’une illusion entretenue par des mâles attaqués dans leur virilité, ils semblent tous faire l’erreur de ne pas reconnaître la différence fondamentale du contexte actuel : la multiplication des divorces et des foyers sans pères, depuis quelques décennies, dans une société véritablement féministe.
De facto, une part beaucoup plus élevée des jeunes hommes grandissent sans modèle masculin chez eux, et ça a certainement des répercussions.
Les statistiques démontrent en effet que les jeunes hommes élevés seulement par leurs mères ont un risque beaucoup plus élevé de tomber dans les comportements destructeurs : décrochage scolaire, délinquance, addictions, violence, suicides, etc. Nous savons, chiffres à l’appui, que l’absence d’un père dans un foyer augmente radicalement l’occurrence de tels problèmes et que ces conditions sont de plus en plus répandues.
Ce n’est évidemment rien contre les mères monoparentales, qui se donnent corps et âme, mais manifestement, les jeunes hommes ont besoin de pères et de discipline masculine.
Bref, non, ces conditions ne sont pas du tout semblables aux occurrences communes de masculinisme et de machisme dans l’histoire ; Dupuis-Déri fait preuve d’une grave malhonnêteté intellectuelle d’oser pareille comparaison.
Simplement les taux de décrochages et la proportion sans cesse plus petite de diplômés universitaires masculins devrait allumer une lumière. Le problème, c’est qu’on nous interdit d’en parler.
L’intransigeance destructrice des wokes
En effet, toute mention des problèmes masculins est vertement critiquée et associée à une position nécessairement réactionnaire et anti-féministe.
Il n’y a qu’à voir le traitement qui fut réservé à Jordan Peterson, psychologue clinicien et professeur émérite à l’Université de Toronto : s’il a été connu pour s’être opposé à une législation pour forcer l’usage des pronoms de préférence pour les trans, l’essentiel de son travail constituait simplement à offrir de bons conseils aux individus en difficultés… conseils qui, très vite, se sont avérés particulièrement populaires chez les jeunes hommes.
Dans son livre 12 règles pour une vie, il expliquait en 12 points les bénéfices associés à une bonne discipline, une bonne éthique de vie et la recherche d’une vocation. Des positions qui ne seraient considérées que comme « du gros bon sens », mais qui, expliqué de manière si concise, offraient un bon modèle pour les hommes en quête de sens et d’utilité.
Or, avant même sa publication, les militants intersectionnels ont tout fait pour diaboliser le personnage, l’associant à l’extrême-droite, au fascisme, etc. En gros, on affirmait que cet encouragement à la discipline et à la droiture était équivalent aux valeurs des jeunesses hitlériennes…
Cette vision de la masculinité ne cadrait pas avec les discours féministes de « l’homme déconstruit », sentimental et doux. En fait, il est assez ironique de réaliser que les féministes se sont approprié le monopole du discours sur la masculinité : tous les modèles masculins « positifs » devraient nécessairement passer par leur lecture.
Mais la diabolisation de Jordan Peterson n’a pas poussé les jeunes hommes dans les bras de l’homme déconstruit : elle les a poussés à une sécession encore plus sévère de la doxa féministe.
Jordan Peterson vs Andrew Tate
En effet, Peterson « cancellé » par la société bien-pensante, une forme de vide s’est créée. Depuis quelques années, ce vide de modèles masculins positifs a été rempli par un nouveau mouvement « red pill » dont la figure de proue et désormais Andrew Tate.
Face à l’intransigeance féministe, et au constant discrédit de l’homme dans tous nos médias, les jeunes hommes se sont rabattus sur un modèle plus frondeur, plus choquant, plus malicieux. Un peu à l’image de Trump, qui constitue un rejet frontal du wokisme, Andrew Tate a offert un modèle de rejet frontal du féminisme.
Alors que Peterson promouvait la recherche d’une vocation et d’un sens à sa vie, Tate s’est mis à promouvoir le succès matériel et la richesse. Alors que Peterson promouvait une droiture éthique, Tate s’est mis à promouvoir l’opportunisme immoral. Alors que Peterson promouvait la discipline et la tempérance, Tate a mis la discipline au service des désirs de domination.
Autrement dit, en voulant bloquer Jordan Peterson, un psychologue clinicien et professeur émérite, les féministes se sont retrouvé avec une option encore pire, et sont désormais choquées par la « vulgarité » de ces brutes masculinistes. On récolte ce que l’on sème…
On récolte ce que l’on sème
Pourtant, encore dimanche dernier, Tout le monde en parle annulait la participation à son émission de Joël McGuirk, animateur du Lucide Podcast interviewé dans le cadre du documentaire Alphas. L’émission a justifié sa décision par le fait qu’il suscitait « beaucoup d’adversité ». En effet, une pétition initiée par une femme outrée avait circulé pour le bannir. Encore une fois, loin d’apprendre de leurs erreurs, les médias s’adonnaient à la culture d’annulation et privilégiaient une voix féministe aux dépens d’une perspective masculine.
Loin de diminuer la portée de McGuirk, cette annulation lui donnera assurément un statut de martyr, et attirera probablement de nombreux jeunes hommes à le suivre. Loin de « bloquer » le masculinisme, encore une fois, on le force à utiliser des chemins plus dangereux et clandestins.
Cette question concerne donc probablement moins les relations hommes-femmes que le droit pour les hommes de parler de leurs problèmes et de tenter de les régler avec leurs propres solutions. Et un consensus semble émerger chez les hommes : le besoin de discipline.
Les féministes ont raison sur un point : les hommes sont dangereux. Or, elles se trompent complètement quant aux solutions. Elles veulent des hommes « sensibles », « ouverts sur leurs sentiments », « doux », qui « assument leur féminité ». Or, il y a une raison pourquoi on insiste sur la discipline et le contrôle de ses émotions : il n’y a rien de plus dangereux que des hommes qui ne les contrôlent pas.
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