Inde-Canada : une longue histoire marquée par le respect, mais aussi de fortes tensions

Les relations entre le Canada et l’Inde sont une longue histoire d’amour-haine. Lors de l’indépendance de l’Inde en 1947, le Canada était vu par eux comme un modèle de réussite économique et politique au point d’en copier le système fédéral. Les échanges se sont bien déroulés jusqu’aux années 80, qui ont vu le Canada devenir un sanctuaire pour des groupes terroristes sikhs. Ce qui est une source de préoccupation majeure pour l’Inde, entre-temps devenu une puissance émergente qui demande du respect. Bien sûr, Trudeau n’a fait qu’enfoncer le clou après ses costumes, mais maintenant le meurtre d’un leader communautaire en Colombie-Britannique. Petit tour d’horizon des relations entre deux pays ayant une filiation trouble.

Nous avons assisté à une scène surréaliste entre le Canada et l’Inde au cours des derniers jours. Les relations allant au plus mal entre les deux anciens amis, il fallait en plus que les services secrets indiens assassinent un leader communautaire sikh en Colombie-Britannique. Trudeau a affirmé que l’Inde serait derrière un meurtre politique au Canada. Il s’agit d’une accusation très grave. Depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi après des décennies de pouvoir du parti du congrès (le parti des Nehru-Gandhi), l’Inde montre les muscles pour affirmer son hindutva, c’est-à-dire son attachement à l’hindouisme qui souhaite expurger l’ancien Raj britannique, ses influences coloniales et les religions minoritaires.

Un des principaux litiges entre l’Inde et le Canada, c’est que la diaspora sikhe est ici la plus importante au monde, et que le Canada sert de sanctuaire à des groupes radicaux militant pour l’indépendance du Khalistan, la province du Pendjab. Cela remonte au Canada aux années 80. Ainsi, selon le site Perspective Monde de l’Université de Sherbrooke : « Indira Gandhi a mené les destinées du gouvernement indien de 1967 à 1977 et de 1980 à 1984. Sa mort aux mains de deux extrémistes sikhs survient quelques mois après une intervention sanglante de l’armée indienne à l’intérieur d’un lieu sacré, le temple d’or d’Amritsar, au Pendjab (5 au 7 juin 1984). Des centaines de sikhs favorables à l’indépendance du Pendjab y trouvèrent la mort, dont leur leader Jarnail Singh Bhindranwale ».

Le chef du NPD Jagmeet Singh a fait mention de cette histoire en chambre. Par contre, il n’a pas fait mention de l’attentat commis par le groupe terroriste Babbar Khalsa en 1985, qui a tué plus de 300 passagers et membres d’équipage d’un vol d’Air India entre Montréal et Bombay au large des côtes irlandaises. Il s’agit du pire attentat terroriste de l’histoire canadienne.

Ainsi, l’Inde reproche depuis des décennies au Canada d’héberger et de protéger des terroristes. Jagmeet Singh est chef du parti ayant la balance du pouvoir à Ottawa, alors que ses liens profonds avec la partie radicale de la diaspora sikhe lui feraient échouer n’importe quelle enquête de sécurité pour travailler dans le renseignement ou la police. De plus, l’Inde a refusé de lui octroyer un visa étant donné ses liens publics avec ces groupes sikhs.

Pourtant, les relations n’ont pas toujours été aussi tendues entre le Canada et l’Inde. Même que le Canada a beaucoup inspiré le modèle indien, et inversement, pour le meilleur et pour le pire. Par exemple, la doctrine du multiculturalisme s’est développée dans l’Empire britannique avec l’expérience indienne, qui consistait à gérer une très grande diversité de religions et de cultures tout en permettant aux colons britanniques d’exploiter la main-d’œuvre ainsi que les ressources naturelles et agricoles de l’Inde. Le Québec ayant été dominé par le même empire, nous retrouvons des similitudes frappantes entre le Canada et l’Inde dans leur gestion de la «diversité».

De plus, il semblerait que le Canada fut une des principales inspirations pour la création de la république fédérale indienne en 1947. Le modèle fédéral canadien serait la base du système politique indien. Des provinces avec des compétences, et un gouvernement central qui aurait les siennes. Par contre, la constitution indienne est beaucoup plus restreinte que celle du Canada. Ainsi, New Delhi peut mettre sous tutelle une région. C’est arrivé souvent dans le cas du Cachemire. De plus, l’Inde se considère comme une et indivisible. C’est ainsi qu’elle réprime toutes les manifestations indépendantistes au Pendjab, mais aussi dans les provinces chrétiennes du nord-est, à la frontière avec le Bangladesh et le Myanmar.

Nous pourrions également parler des techniciens canadiens présents en Inde pour aider le développement après l’indépendance. Ceux-ci sont à l’origine du premier réacteur nucléaire indien, de modèle CANDU. Réacteur ayant été détourné de la production d’énergie pour fabriquer la première bombe indienne. Et bien sûr les religieuses québécoises qui sont présentes en Inde depuis plus d’un siècle. Nous connaissons mère Teresa, mais combien de sœurs québécoises ont passé leur vie en Inde à aider les plus pauvres, tout en restant dans l’anonymat ?

L’Inde et le Canada ont vraiment des problèmes à régler. Le Canada doit cesser d’être un sanctuaire pour des groupes terroristes au nom de la diversité et de l’inclusion. L’Inde n’est pas une puissance à négliger dans notre opposition face à la Chine. L’Inde n’accepte plus de se faire faire des leçons par les pays occidentaux. Canada en tête. Seul l’avenir nous dira si le Canada pourra enfin sortir de son angélisme et arrêter de considérer l’Inde comme un pays auquel il n’aura pas affaire.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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