Les manifestations d’appui au peuple palestinien prennent de l’ampleur sur les campus universitaires aux États-Unis alors que la guerre dans la bande de Gaza est entrée dans son 7ème mois.
Des campements pro-Palestiniens ont été érigés sur plusieurs campus, dont Yale au Connecticut, l’Université de Boston, Tufts, Emerson College et M.I.T. au Massachusetts, l’Université de Californie à Berkeley, l’Université du Michigan, l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill ainsi qu’à l’Université de Columbia dans Upper Manhattan, où plus de 100 étudiants ont été arrêtés la semaine dernière.
Le 22 avril, plus de 150 manifestants pro-palestiniens ont été arrêtés à l’Université de New York quand ils ont pénétré au-delà des barrières qui entourent Gould Plaza. À Yale, environ 45 manifestants ont été arrêtés et accusés de délit d’intrusion.
À l’Université polytechnique de Californie, des dizaines de manifestants pro-palestiniens ont barricadé l’entrée d’un bâtiment avec des bureaux, des canapés, des chaises et d’autres objets.
Le 24 avril en matinée des centaines d’étudiants ont quitté leurs classes pour tenter d’occuper la pelouse de l’Université du Texas à Austin, mais en ont été empêchés par un cortège de policiers comportant des agents anti-émeute et d’autres approchant à cheval.
À Los Angeles, des bouteilles et d’autres objets ont été lancés sur la police anti-émeute lors d’affrontements à l’intérieur du centre de l’Université de Californie du Sud, où des centaines d’étudiants pro-palestiniens s’étaient rassemblés.
Malgré les arrestations massives et les mesures disciplinaires, les manifestants de l’Université de Columbia se sont engagés à maintenir leur campement sur le terrain jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites. Un groupe nommé CUAD [Columbia University Apartheid Divest], qui est l’un des organisateurs des protestations, exige que l’université se retire entièrement de ses investissements financiers, y compris de son fonds de dotation, dans les entreprises et les institutions qui tirent profit de l’occupation israélienne. Il appelle également l’université à réclamer officiellement un cessez-le-feu à Gaza, à mettre fin à son affiliation avec l’université de Tel Aviv et à «rompre les liens» avec la police de New York. S’ajoute une demande d’amnistie pour les manifestants qui font face à des mesures disciplinaires de la part de l’université à cause de leurs activités.
On remarque le port du masque chirurgical à l’extérieur par beaucoup de ces manifestants. Est-ce un signalement de vertu ou un moyen de manifester à visage couvert?
Dans une vidéo filmée à l’Université Columbia, on peut entendre les manifestants scander: « Al-Qassam make us proud, take another soldier out. We want justice, we say how? Burn Tel Aviv to the ground. Hamas we love you, we support your rockets too » [Al-Qassam [la branche armée du Hamas] nous rend fiers, abattez un autre soldat. Nous voulons la justice, comment? Réduisez Tel-Aviv en cendres. Hamas, nous vous aimons, nous approuvons vos tirs de roquettes].
Certains étudiants du campus ont fait état d’intimidation ou de harcèlement antisémite de la part des manifestants.
Ces étudiants pro-Palestiniens des campus universitaires appartiennent à une gauche de la génération woke qui réduit tout à un rapport manichéen d’oppresseur et d’opprimés. Il ne s’agit pas d’un mouvement d’opposition à la guerre au sens large, mais celui d’un appui inconditionnel à la cause palestinienne. Il en résulte une banalisation des attaques du 7 octobre et un appui au Hamas. Il y aurait toutefois moyen d’être critique de la réponse d’Israël et de s’opposer à l’effort de guerre sur une base humanitaire sans servir d’idiots utiles pour la mouvance islamiste.
Le gauchisme anticolonial va de pair avec l’antisionisme. Dans l’esprit de beaucoup de ces manifestants, le sionisme est perçu comme un colonialisme au nom duquel les Arabes ont été dépossédés de leurs territoires, exactement de la même manière dont les Européens ont pris possession des terres des Amérindiens. Pourtant, bien que les Juifs aient été nombreux à quitter la Palestine suite à la destruction du second temple par les Romains en l’an 70, d’autres y sont toujours demeurés. Il y a une présence juive continue à Jérusalem depuis l’Antiquité. Le sionisme a entraîné un phénomène de remigration, mais ce peuple avait des racines dans la région – ce qui n’était pas le cas des Européens dans les Amériques.
« Sionisme = fascisme », peut-on lire sur des enseignes. L’antisionisme fait bonne figure dans ces cercles de militants. Mais qu’est-ce que le sionisme sinon la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple juif et à l’existence de l’État d’Israël en tant qu’expression de cette autodétermination? Il existe divers courants du sionisme. Certains d’entre eux, comme le sionisme politique et le sionisme socialiste, ont davantage mis l’accent sur l’aspect nationaliste que sur l’aspect religieux. Si on appuie par principe les mouvements de libération nationale visant à obtenir la reconnaissance et la souveraineté d’un territoire pour un peuple spécifique, comment justifier qu’on refuse de l’accorder à un autre?
Certains se justifieront en invoquant qu’Israël ne mérite pas d’exister parce que le régime sioniste se comporte comme celui des nazis. Si, pour les fins de la discussion, on admet que ce soit le cas, ça justifie de militer pour un changement de régime, pas pour l’annihilation de l’état. L’Allemagne et l’Italie n’ont pas cessé d’exister quand leurs épisodes fascistes ont périclité.
On peut désapprouver le traitement des Palestiniens dans les territoires occupés depuis 1967. On peut aussi condamner fermement le développement de colonies juives en Cisjordanie sans pour autant appeler à la destruction d’Israël. Il y a d’ailleurs des voix parmi les sympathisants d’Israël qui sont très critiques de la manière dont l’armée israélienne conduit les opérations dans la bande de Gaza. D’autres s’opposent à contribuer au financement de l’effort de guerre, sans devenir anti-Israël pour autant. Certains, comme le Colonel Douglas Macgregor estiment qu’il faudrait protéger Israël de lui-même. Le Hamas n’a jamais constitué une menace existentielle envers Israël, mais une riposte excessive de Netanyahu est susceptible d’en devenir une, dans la mesure où elle lui fait perdre toute autorité morale, qu’elle coalise le monde musulman contre lui, et rend réticents ses alliés traditionnels.
Ces militants de gauche adoptent une position aussi campée à l’extrême que celle qu’ils pressentent du côté israélien. Il serait naïf de croire que les pulsions génocidaires ne se retrouvent que de « l’autre côté ». Il y a au Moyen-Orient [et au-delà dans le monde musulman] un antisémitisme qui précède l’apparition du sionisme. Outre, le fondamentalisme islamique accepte difficilement qu’une terre d’Islam [ce qu’était la Palestine sous l’Empire ottoman] cesse d’en être une.
Les manifestants pro-Palestiniens se plaisent à répéter que le conflit n’a pas débuté le 7 octobre 2023, comme si cela justifiait les attaques meurtrières et les prises d’otages de civils survenues ce jour-là. Il s’agit du conflit le plus complexe et le plus envenimé de la planète. À ce titre, il est possible d’arguer que chacun des épisodes de violence répond à un affront du camp adverse. On peut remonter loin, jusqu’à ce qu’on désigne un point de départ qui conforte son opinion. Pourquoi pas la collaboration de Mohammed Amin al-Husseini, grand mufti de Jérusalem, avec les nazis? Quiconque ne perçoit des torts que d’un seul côté porte des œillères.
La complaisance envers le Hamas ne se limite pas aux manifestations sur les campus aux USA. Lors d’une marche qui passait devant le Parlement à Ottawa la fin de semaine dernière, on a pu entendre: « Longue vie au 7 octobre, longue vie à la résistance ». Ce sont quand même ces attaques qui ont suscité la réponse israélienne. La vie des Gazaouis n’était-elle pas plus paisible avant?
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