Internet a brisé le monopole culturel et politique des vieux médias

Par les temps qui courent, il est de bon ton de critiquer les dérives du Web. Qu’il s’agisse de la désinformation, de l’intelligence artificielle qui volerait des emplois ou de la puissance des GAFAM, force est de constater que le Web tel que nous le connaissons aujourd’hui n’a pas très bonne presse. Et pourtant, il a permis à toute une génération d’entreprendre, de gagner sa vie grâce à sa passion, de créer du contenu de niche qui rejoint un large public. Il a ainsi brisé le monopole des médias traditionnels, et ce, pour le mieux.

Il n’y a pas si longtemps, réaliser ses propres films, lancer son journal ou diffuser une idée à grande échelle relevait de l’exploit, surtout si l’on s’intéressait à des sujets marginaux. Il fallait souvent se contenter de la télévision, des journaux officiels, des magazines ou, à défaut, de quelques films au club vidéo. Tout cela appartient désormais au passé.

Aujourd’hui, nous avons accès à ce que l’humanité sait produire de meilleur — et parfois de pire. Mieux encore : chacun peut devenir créateur et, avec un peu de chance, gagner sa vie grâce aux possibilités offertes par le Web 2.0. Ce Web a démocratisé la diffusion de contenu à grande échelle. Un intérêt apparemment anodin, comme la passion pour un pays tel que le Japon, a suffi à fédérer une communauté entière en ligne.

Ce nouveau paysage numérique a permis de rompre le monopole des médias traditionnels sur la culture et même sur la politique. Il n’est plus nécessaire d’espérer une apparition à la télévision pour se faire entendre. On peut désormais devenir viral avec une simple vidéo TikTok, ou lancer sa propre chaîne dédiée à l’actualité politique. L’exemple de nombreux balados à succès en témoigne : au Québec, il existe bel et bien un marché pour une parole politique non officielle, alternative, voire dissidente.

C’est pourquoi il faut éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain. Le Web regorge de possibilités pour diffuser ses idées, ses passions et ses connaissances. Il ébranle un peu plus chaque jour le monopole des sociétés d’État comme Radio-Canada, dont le biais foncièrement libéral et multiculturaliste est de plus en plus évident.

TVA, de son côté, peine à suivre. Sa clientèle vieillit, et le réseau s’adapte difficilement aux nouvelles habitudes numériques. Pourquoi se contenter de contenus sensationnalistes de faible qualité, quand d’autres proposent des analyses plus poussées en ligne ? Pourquoi écouter les mêmes opinions convenues alors que l’on peut accéder à l’ensemble du spectre politique québécois dans différents balados ?

Internet a libéré la parole. Il a réduit l’emprise de la bien-pensance et sérieusement secoué le politiquement correct. Hélas, le gouvernement canadien semble déterminé à reprendre le contrôle de cette liberté amplifiée par les réseaux sociaux. Il compte adopter la loi C-63, qui rendrait les plateformes responsables des contenus jugés « haineux » partagés par les utilisateurs.

Les GAFAM ne resteront pas inactifs. Ils disposent de moyens colossaux pour faire pression, y compris en menaçant de restreindre l’accès de leurs plateformes aux Canadiens. On en a eu un avant-goût avec Facebook, qui empêche désormais la diffusion de médias, traditionnels ou alternatifs, au Canada.

Le gouvernement restreint cette liberté de création, car il sait pertinemment que les citoyens sont désormais capables de s’organiser, de produire du contenu et de le diffuser sans passer par les médias traditionnels, largement subventionnés. Et comme toujours, celui qui paie finit par avoir le dernier mot. Ce n’est pas un hasard si Ottawa finance massivement les grands médias : c’est pour mieux en orienter le discours.

Ils n’apprécient guère les esprits entreprenants qui cherchent à tirer parti des possibilités infinies du Web — et désormais de l’intelligence artificielle générative. Une nouvelle bataille vient de s’ouvrir sur le front de la guerre culturelle. Le gouvernement canadien aura beau tenter de restreindre la parole, Internet aura toujours deux coups d’avance.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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