Itinérance au Québec : des idées innovantes, mais avec leurs limites

L’itinérance au Québec touche désormais toutes les régions. Autrefois concentrée principalement à Montréal et, dans une moindre mesure, à Québec, elle s’est transformée au fil des années. Nous sommes passés d’un phénomène souvent associé aux punks à chien jouant de la musique à une réalité beaucoup plus préoccupante, où une grande partie des sans-abri souffrent de troubles mentaux graves et de dépendances lourdes.

Face à cette crise, des villes et des partis politiques proposent différentes solutions. Mais sont-elles réellement efficaces ? Que penser des idées avancées par Québec solidaire, la ville de Drummondville et la Société de transport de Montréal (STM) ?

Québec solidaire, par la voix de sa co-porte-parole Ruba Ghazal, a suggéré d’utiliser les églises abandonnées comme refuges pour les sans-abri. L’idée peut sembler séduisante : de nombreuses églises sont délaissées partout sur le territoire québécois, et l’Église catholique a déjà manifesté son ouverture à ce type d’initiative.

Mais la gestion d’un tel projet pose problème. Ces bâtiments sont coûteux à chauffer et à entretenir, et il est peu probable que les municipalités puissent en assurer seules la prise en charge. De plus, cette solution soulève une question essentielle : quel accompagnement psychosocial sera offert aux personnes qui s’y réfugieront ? Loger temporairement des sans-abri ne résoudra rien si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes du problème.

L’une des situations les plus urgentes reste la consommation de drogues dures, en particulier du fentanyl, qui ravage les gens de la rue. Un plan de logement social ne suffira pas si l’on n’attaque pas en amont le trafic de cette drogue.

Réduire sa propagation pourrait sauver de nombreuses vies, mais cela nécessiterait une révision du Code criminel, contrôlé par le gouvernement fédéral. Les trafiquants doivent être sanctionnés plus sévèrement, et la possession de grandes quantités de fentanyl doit être traitée comme un crime grave.

D’autres initiatives, plus audacieuses, ont été mises en place dans certaines villes. À Drummondville, un projet pilote propose un travail payé comptant à la journée. L’idée est simple : redonner le goût du travail et de la discipline aux sans-abri, dont plusieurs ont perdu toute notion d’horaire et de structure.

Mais là encore, des balises devront être mises en place. Qui pourra bénéficier de ces emplois à la journée ? Drummondville attirera-t-elle des sans-abri d’autres régions désireux de profiter d’un programme de travail aussi accessible ? Et surtout, l’argent gagné servira-t-il à se loger et à se nourrir, ou sera-t-il directement réinjecté dans l’achat de drogue et d’alcool ?

Encadrer les dépenses des bénéficiaires d’un tel programme reviendrait à créer une autre machine bureaucratique, mais sans restrictions, ce projet pourrait simplement entretenir un cercle vicieux. Il n’existe pas de solution parfaite, mais Drummondville a raison d’expérimenter.

Pendant ce temps, la STM a cédé à la pression populaire et interdit officiellement le flânage dans ses installations. Une décision compréhensible, mais dont l’application reste floue. Est-ce que des exceptions seront accordées en période de grand froid ? Et surtout, cette interdiction ne risque-t-elle pas simplement de déplacer le problème ailleurs, notamment dans les restaurants rapides ?

Les restaurateurs, déjà éprouvés par l’économie actuelle, devront probablement composer avec des sans-abri expulsés du métro. Une fois de plus, on déplace le problème sans véritablement le résoudre.

Certaines solutions mises en place en Europe mériteraient d’être étudiées. Le tout-répressif ne fonctionne pas, mais on voit aussi clairement les limites de la politique de réduction des méfaits.

Des villes comme San Francisco et Portland sont devenues des exemples de ce qui ne fonctionne pas : des quartiers entiers occupés par des tentes de sans-abri, des rues insalubres et un sentiment d’impuissance généralisé.

Si les démocrates américains ont échoué à endiguer le problème, c’est en grande partie parce qu’ils ont adopté une approche trop laxiste, se concentrant uniquement sur la distribution de matériel stérile et d’hébergements temporaires, sans jamais imposer de vraies limites.

Il faudra bien un jour trouver une solution durable, qui ne repose ni sur une répression aveugle, ni sur des chèques en blanc permettant à certains de continuer à consommer.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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