Charles Castonguay a passé une partie de sa vie à scruter les données statistiques portant sur la dynamique des langues au Québec.
Il vient de publier un livre sur cette question qui ne comporte que 85 pages, mais dont la substance est tellement lourde de conséquences qu’il n’est nul besoin d’en rajouter.
Et si vous le jumelez avec le livre choc de Jacques Houle, «Disparaitre», sur les flux migratoires au Québec, ça fait peur, et c’est assez désespérant pour en arriver à croire que la nation québécoise est en perdition.
En fait, ces deux livres devraient être lus par tous les députés de l’Assemblée Nationale et si une forte majorité d’élus ne parvient pas à mettre en branle des mesures substantielles, il sera trop tard et l’anglicisation deviendra irréversible.
Charles Castonguay dans sa conclusion est à la fois lucide et désespérant.
«Depuis l’échec du deuxième référendum sur l’indépendance en 1995, la promotion de l’utilisation du français dans la vie publique n’a été une priorité pour aucun gouvernement québécois. D’où l’anglicisation renaissante de la majorité francophone elle-même. En définitive, le caractère français de la société n’est plus assuré.» Un tel verdict ne vient pas d’un ignare, mais d’un expert en la matière.
M. Castonguay a raison d’évoquer le référendum de 1995, car la défaite ne fut pas sans conséquence.
D’abord, la déclaration de M. Parizeau a fait bien des remous. «Nous avons été battus par qui? L’argent et les votes ethniques, essentiellement!»
Je suis de ceux qui n’ont jamais trouvé que cette déclaration était indigne et méprisable. Elle mettait au rancart la «langue de bois» et ne mettait en relief que des faits, rien que des faits.
Malheureusement, le Parti Québécois a voulu prendre ses distances face cette déclaration et il s’est enlisé dans le nationalisme dit civique, insignifiant et sans consistance et surtout volontairement déconnecté du nationalisme dit de souche. Comme si c’était honteux d’être attaché (c’est mon cas) à nos racines françaises et fier de notre patrie.
C’est ce nationalisme dont le français est la quintessence qui doit retrouver sa vigueur. M. Castonguay est catégorique : «l’évolution de la langue d’usage entre 2001 à 2016 représente une première historique, le français a baissé de 2,5 points passant de 83,1% à 80,6% soit une chute d’une vitesse record»
Pire encore, «la projection de statistique Canada pour la période 2011-2036 indique que la majorité francophone du Québec pourrait perdre quelque neuf points de pourcentage. Au cours de la même période, le français en tant que langue d’usage pourrait perdre environ sept points».
Il convient de signaler que les inscrits francophones dans les CEGEP anglophones sont passés de 7% en 2006 à 12% en 2018. Mais à Montréal ils sont 49% à s’inscrire dans les CEGEP anglophones.
«Pareille ruée vers les CEGEP anglais, écrit M. Castonguay, rappelle singulièrement la situation qui prévalait dans les écoles québécoises avant la loi 101.»
Le Gouvernement ne peut pas tergiverser sur la question linguistique. Il a très bien fait les choses en matière de signes religieux. Mais concernant notre langue maternelle, le plus important marqueur identitaire de la nation québécoise, lui, son gouvernement, sa députation et le Parti Québécois (il va sans dire) doivent redonner à notre loi linguistique toute sa consistance.
Le ministre responsable, Simon Jolin-Barrette, est sûrement prêt à enclencher le processus. Et il a sûrement hâte que le Premier Ministre donne le feu vert.
À moins que l’unanimité ne soit pas atteinte. Si par malheur c’était le cas, et je n’ose pas y croire, car ce serait une catastrophe nationale.
Et n’oublions jamais que si nous n’avions voté NON en 1995, nous ne serions pas à affronter cette périlleuse dégradation linguistique. C’est notre existence nationale qui est en jeu.
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