Traduit de l’anglais. Article de James Yan publié le 16 mars 2023 sur le site du National Post.
En tant qu’utilisateur régulier de WeChat, une application chinoise de médias sociaux, j’ai été déconcerté par le contenu qui a fait surface sur mon fil d’actualité à l’approche des élections fédérales de 2021. À partir de la fin du mois d’août de cette année-là, un flux constant d’articles provenant d’organes obscurs a dirigé ses tirs vers les conservateurs, en faisant des affirmations fausses ou exagérées sur ce que le parti ferait s’il était élu.
L’un de ces articles, publié sous le compte « yorkbbs », apparemment une organisation non partisane dédiée aux informations locales à Toronto, affirmait que les conservateurs d’Erin O’Toole rompraient les relations diplomatiques avec la Chine, tandis qu’un autre affirmait qu’il interdirait WeChat au Canada. Un article publié sous le pseudonyme « VanPeople », qui dessert la communauté sinophone du Grand Vancouver où je vis, avertissait que M. O’Toole interdirait aux immigrants chinois d’acheter des biens immobiliers au Canada.
Une enquête réalisée par Innovative Research en 2019 a révélé qu’un peu moins d’un tiers des Canadiens d’origine chinoise consomment des médias « principalement » ou « uniquement en chinois ». Les immigrants de première génération sont particulièrement sensibles à la désinformation. Un registre des influences étrangères, que le gouvernement a indiqué la semaine dernière qu’il introduirait prochainement, est une étape louable dans la quête tardive du Canada pour lutter contre la propagande étrangère.
Il est impossible de savoir combien de Canadiens d’origine chinoise ont été dissuadés de voter pour les conservateurs en 2021 par la campagne de désinformation présumée qui, de l’avis de nombreux conservateurs, a été parrainée par Pékin. De nombreux autres facteurs, tels que la qualité des candidats, ont pu contribuer à la défaite des conservateurs dans plusieurs circonscriptions autour de Vancouver et de Toronto.
Un registre tel que celui adopté par les États-Unis et l’Australie serait néanmoins le bienvenu. Tout d’abord, il obligerait les médias agissant pour le compte d’un donneur d’ordre étranger à le mentionner clairement dans leurs émissions destinées aux téléspectateurs canadiens. L’idée est de rappeler aux lecteurs, téléspectateurs et auditeurs de prendre ce qui est diffusé avec plusieurs grains de sel.
Dans le cas de la Chine, tout média d’État opérant dans ce pays doit s’enregistrer en tant qu’agent étranger. Cette liste comprend la Télévision centrale de Chine et le Quotidien du peuple, la publication phare du Parti communiste chinois. Cette mesure ne devrait pas être controversée. Les deux entités sont déjà enregistrées en tant qu’agents étrangers aux États-Unis.
Il est vrai que très peu de Canadiens d’origine chinoise consomment régulièrement la production turgide des entreprises d’État chinoises. Les publications privées en langue chinoise et WeChat – qui compte plus d’un million d’utilisateurs au Canada – sont des sources d’information plus populaires. Dans quelle mesure ces sources d’information apparemment indépendantes agissent-elles pour le compte ou sous la direction d’un acteur étranger ?
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Dans le même temps, les responsables canadiens ne devraient pas accepter toutes les affirmations d’indépendance des médias pour argent comptant. Prenons l’exemple du Sing Tao, peut-être le journal de langue chinoise le plus influent du Canada (qui, depuis l’année dernière, n’est disponible qu’en ligne). Ses rédacteurs canadiens insistent sur le fait qu’ils jouissent d’une totale indépendance éditoriale.
Pourtant, la couverture de la Chine par le Sing Tao, en particulier depuis 2019, est devenue étonnamment molle. Sur les questions essentielles du moment, y compris les manifestations en faveur de la démocratie qui ont éclaté à Hong Kong en 2019, le journal a été inhabituellement silencieux. En 2021, les États-Unis ont demandé à Sing Tao de s’enregistrer en tant qu’agent étranger au motif que son propriétaire majoritaire était trop proche de Pékin. Le Canada devrait envisager de suivre l’exemple de son voisin.
La question la plus épineuse est peut-être de savoir ce qu’il faut faire de la série croissante d’organes de presse pro-Pékin qui publient principalement sur WeChat. Ces entités, comme celles qui se sont retrouvées dans mon fil WeChat en 2021, ont des structures de propriété et de financement ultra-opaques. Les observateurs les plus perspicaces peuvent néanmoins déceler certains schémas révélateurs. Par exemple, des phrases provenant d’organes officiels comme le Quotidien du Peuple sont parfois republiées mot pour mot par des opérateurs d’information soi-disant indépendants sur WeChat. La question de savoir si cela constitue une preuve suffisante est une question juridique distincte.
Il est évident qu’un registre de l’influence étrangère ne sera pas en mesure de déceler tous les cas de désinformation parrainés par un régime étranger. Toutefois, dans la mesure où il peut mettre en lumière la responsabilité des médias, il devrait être adopté.
James Yan a été correspondant de The Economist à Hong Kong et à Pékin de 2018 à 2021. Canadien, il est candidat à un MBA à la Stanford Graduate School of Business.
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