Jamie Sarkonak : les quotas de diversité du CRTC bafouent l’indépendance journalistique à CBC

Les quotas de diversité arrivent dans le budget de programmation de CBC en 2023, grâce à une décision du régulateur canadien de la radiodiffusion de se donner le feu vert pour empiéter sur l’indépendance des journalistes – tant que c’est au nom de la politique identitaire.

De nouvelles exigences imposées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) obligent la SRC à consacrer au moins 30 % de ses dépenses à la programmation anglaise indépendante (émissions de télévision et documentaires commandés par le réseau) aux producteurs qui s’identifient comme Autochtones , minorités de langue officielle, minorités visibles, personnes handicapées ou LGBT. Ce chiffre passera à 35 % en 2026.

La partie française de Radio-Canada aura des seuils de dépenses pour la diversité plus bas, à partir de 6,7 % en 2023 et jusqu’à 15 % en 2026.

Le CRTC exige également que la SRC fasse le suivi de l’identité des nouvelles embauches et des promotions du personnel. Les données démographiques des showrunners, producteurs, réalisateurs, écrivains, directeurs de la photographie et éditeurs devront être comptabilisées. Les groupes communautaires pour les identités ci-dessus devront également être consultés pour les commentaires sur la programmation. Si Radio-Canada ne réussit pas à faire appel de cette décision, elle sera liée par les nouvelles conditions pendant cinq ans, se terminant en 2027.

La Loi sur la radiodiffusion stipule que l’un des devoirs de la SRC est de « refléter la nature multiculturelle et multiraciale du Canada », mais ce n’était pas le fondement d’un quota de dépenses basé sur l’identité jusqu’à la décision radicale du CRTC en juin. Maintenant, le CRTC laisse entendre que les dépenses de programme minimales sont un moyen de refléter le Canada contemporain, et que la programmation devrait refléter le recensement et – invoquant la théorie critique – tenir compte des identités intersectionnelles.

La propre politique du CRTC en matière de diversité ne suggère pas que des quotas de dépenses d’émissions fondés sur l’identité soient inclus dans les licences de diffusion. En vigueur depuis 2008, la politique stipule que les radiodiffuseurs doivent s’efforcer d’améliorer l’embauche et la rétention des membres des minorités visibles et du personnel autochtone. (Mélanie Joly, alors ministre de la Culture, a envisagé de mettre à jour la politique sur la diversité du CRTC en 2018, mais il semble que cela ne se soit jamais produit.)

À tout le moins, le CRTC aurait dû mettre à jour sa politique sur la diversité avant de toucher au budget de Radio-Canada. Il aurait été utile de clarifier pourquoi les quotas régionaux enfreignent illégalement l’intégrité journalistique, alors que la programmation du financement en fonction de la démographie ne le fait pas.

Les Canadiens ne devraient pas se consoler du fait que ces changements sont au moins limités à Radio-Canada. Pour les radiodiffuseurs privés, le projet de loi C-11 (la Loi sur la diffusion en continu en ligne) apporterait un certain nombre d’objectifs spécifiques axés sur l’identité pour l’emploi et la programmation pour certains groupes. C’est un peu une pente glissante entre les deux, mais étant donné l’empressement du CRTC à utiliser le recensement pour concevoir des budgets et des quotas, il est possible qu’une approche similaire soit adoptée avec les radiodiffuseurs privés en plus de la SRC.

La budgétisation forcée DEI (diversité, équité et inclusion) est un cauchemar logistique. Entre la rédaction du rapport, la gestion des auto-identifiants potentiellement frauduleux, les réunions de comité et les éventuelles primes des dirigeants, les frais généraux risquent de s’accumuler.

Il n’est pas clair si ces exigences entraîneront beaucoup de changements au-delà des frais généraux supplémentaires. La CBC utilise les données du recensement pour éclairer les décisions de programmation et d’embauche depuis au moins 2018, selon les plans d’entreprise, mais il est difficile de dire si cela a amélioré la qualité du programme. Les impacts pourraient même être négatifs: un système de bulletins était également en préparation pour montrer aux équipes «comment ils ont marqué sur la diversité des invités, les rôles créatifs clés, les experts, l’hôte, le lieu de l’histoire, le sujet et les journalistes», faisant écho aux rapports de l’ancien CBC membre du personnel Tara Henley de la comptabilité d’identité dans la salle de presse. Le rapport de Henley a alimenté les critiques qui croyaient que la CBC avait adopté trop étroitement la politique identitaire; des exigences supplémentaires du CRTC pourraient faire de même.

Une nouvelle série d’objectifs DEI est actuellement en préparation à la CBC, y compris des conseils consultatifs communautaires pour certains groupes et une base de données qui trie les experts par identité. Si son dévouement à DEI n’a pas encore fonctionné pour engager le public, je doute que des contraintes budgétaires encore plus importantes aideront la cause.

Il est toujours important de diffuser différentes voix de personnes d’horizons différents. Les bons journalistes savent que le travail nécessite de développer des sources dans toute leur communauté pour le capturer dans leur travail. Mais les décisions sur les émissions de télévision à financer devraient être fondées sur la qualité, surtout maintenant que le financement annuel de la CBC par le gouvernement s’élève à 1,4 milliard de dollars.

Les ordres du CRTC de refléter la diversité canadienne sont une dérogation illibérale à ce qui a été fait dans le passé. Le financement obligatoire pour les candidats à la diversité auto-identifiés place les caractéristiques immuables avant les idées et le mérite – et dans les médias, ce dernier doit passer en premier.

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