Jour de la Terre : c’est quoi, en faire assez?

Malgré les décennies qui passent et les modalités profondément changeantes des enjeux environnementaux, on a toujours droit aux mêmes slogans dans les manifestations écologistes. À les écouter, nous sommes dans la même situation que lorsque les voitures crachaient du plomb dans l’atmosphère, que les voitures électriques étaient de la science-fiction et que les gens jetaient leurs déchets par la fenêtre des voitures.

Par exemple : « Le gouvernement ne fait rien » est probablement le slogan le plus usé et pris pour acquis qu’on puisse retrouver parmi ces militants. Ils semblent constamment passer sous silence les énormes avancées qui ont été faites pour l’environnement ces dernières années. À chaque fois qu’on accomplit une de leurs demandes, ils passent à une autre et continuent de gesticuler que « rien n’est fait ».

Pourtant, la transition énergétique est désormais l’axe principal des politiques de nos gouvernements tant provinciaux que fédéraux. La CAQ, supposément de droite, capitaliste et polluante, a littéralement banni l’exploitation et l’exploration des hydrocarbures partout sur le territoire en 2018! On investit des milliards dans la filière des batteries pour accélérer la transition énergétique. On multiplie les campagnes pour forcer les Québécois à adopter la « sobriété énergétique » ; on parle même d’augmenter les tarifs d’Hydro-Québec pour leur forcer la main! On veut bannir la vente de voiture à essence en 2030! Le fédéral a banni les sacs en plastiques, les pailles et les objets à usage unique.

Partout, toutes les industries s’alignent sur les politiques vertes et tentent de se surpasser les unes les autres en matières de pratiques écoresponsables. Loin d’être vu comme un désavantage, on le voit désormais comme un argument de vente ; une plus-value. Et non, ce n’est pas seulement de « l’écoblanchiment » ; la majorité des citoyens et des entreprises embrassent de manière sincère ce changement et tentent réellement de réduire leur impact environnemental en offrant des solutions.

Personne n’aime la pollution. Tout le monde souhaite respirer de l’air pur et vivre dans un environnement sain, parmi la verdure et les villes « à échelle humaine ».

Même les milieux de la finance ont largement adopté les critères ESG ; c’est-à-dire des critères « environnementaux, sociaux et de gouvernance » qui valorisent les entreprises qui ont de bonnes pratiques et pénalisent celles qui n’en ont pas. Les milieux de la finance, diantre! Vous vous rappelez du « Loup de Wall Street »? Si même ce domaine d’affaire se soumet au nouveau dogme du climat, de manière sincère ou hypocrite, peut-on à tout le moins admettre que les temps ont bien changé – ou en tout cas, sont en train de changer?

Ça ne s’arrête pas là : l’industrie pétrolière et gazière investit des milliards dans les technologies de captage de carbone! On n’est plus au XIXe siècle. On n’est pas dans le film There will be blood », avec des patrons de pétrolières coiffés d’hauts-de-forme, le cigare au bec, qui s’emparent du monde par la manipulation et la malhonnêteté. Les écolos peuvent-ils sortir des caricatures et des clichés pour seulement 2 minutes?

Cette industrie est parmi les plus surveillées au monde et a développé des pratiques tout à fait transparentes. Mais on s’acharne quand même avec des vieux slogans périmés et on affirme que cette technologie de captage de carbone n’est qu’une manière de continuer à vendre du pétrole… Eh bien oui, c’est le but! Mais si on est capable de capter tous les GES produits par ce pétrole, quel est le problème? S’oppose-t-on simplement à cette industrie par habitude, par vengeance, par acharnement? Même au moment où elle tente de trouver des solutions?

S’oppose-t-on à la pollution ou bien à quelques figures caricaturales, à un camp du mal complètement fantasmé?

Peut-on arrêter de faire comme si on était encore dans les années 1990? Dire que rien n’est fait ou n’a été fait est une insulte à tous ceux qui ont mis la main à la pâte dans les dernières décennies. Et constamment implorer le gouvernement et lui renvoyer la responsabilité est une insulte au libre-arbitre des gens et à leur capacité d’agir en dehors de la coercition.

Mais bon Dieu, que veulent-ils dire par « le gouvernement ne fait rien »? La majorité de la population croit au contraire qu’il en fait trop! Les citoyens sont carrément harcelés dans chaque minuscule aspect de leur vie. La moralisation environnementale est omnisciente ; on ne peut échapper à son jugement! Quand on se déplace, quand on s’éclaire, quand on fait la vaisselle, quand on fait le lavage, quand on cuisine, quand on mange, quand on voyage, quand on se chauffe, quand on travaille, quand on se divertit, quand on rénove, quand on construit, quand on fait des enfants…

Il n’y a littéralement aucun aspect de nos vies qui n’est pas scruté à la loupe en ce moment… Et on devrait accorder de la crédibilité à tous ces élèves du secondaire et du cégep qui prennent les rues d’assaut pour exprimer l’écoanxiété délirante que des profs militants leur insufflent à coup d’alarmisme sans cesse renouvelé?

On doit accorder de la crédibilité à des gens qui utilisent des jeunes en les terrorisant et en leur faisant croire qu’ils sont la « dernière génération » sur terre? N’est-ce pas profondément immoral?

Et on voit tous ces partis politiques opportunistes sauter sur l’occasion à chaque fois, et venir faire leurs petites apparitions dans les manifs du jour de la terre pour nous reprocher le fait qu’on va probablement rater les cibles de réductions de GES complètement arbitraires que les gouvernements – justement – se sont fixés…

À ce stade, affirmer que les gouvernements et les entreprises ne font rien suppose qu’on voudrait une action gouvernementale extraordinaire, qui dépasse les limites de ce qu’on connait. En d’autres termes, ça suppose qu’on voudrait atteindre un niveau d’étatisme qui frôlerait l’autoritarisme ou même le totalitarisme. On voudrait voir la déclaration de mesures d’urgence liberticides? On voudrait bloquer complètement le développement économique? Interdire l’usage de transport individuel? Interdire l’entrepreneuriat? Interdire les voyages?

Jusqu’où iront-ils avant d’être satisfaits? À partir de quand est-ce qu’ils commenceront à trouver que le gouvernement démontre une volonté d’agir?

Ce quoi, au juste, « en faire assez », si ce n’est pas de forcer un narratif environnemental sur absolument tout ce qui nous entoure? C’est quoi, exactement, « en faire plus » que ce qu’on fait actuellement?

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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