Karen Ogen appelle à des partenariats de pleine participation autochtone pour « bâtir grand » dans le Canada post-Trudeau

Lors du webinaire « From Vision to Execution: How Canada Can Actually Build Big Again » organisé en mai 2025 par le Modern Miracle Network, la cheffe autochtone Karen Ogen, PDG de la First Nations LNG Alliance, a livré une intervention marquante, centrée sur le rôle central que doivent jouer les Premières Nations dans la relance économique canadienne. Dans le contexte de la publication du rapport Build Big Things par le Public Policy Forum, elle a défendu au côté de Jay Kholsa une vision ambitieuse de la prospérité autochtone fondée sur la propriété, l’accès au capital et l’inclusion stratégique dans les projets énergétiques et d’infrastructure à venir.

« Nous ne voulons pas gérer la pauvreté – nous voulons gérer la prospérité. Cela implique l’accès équitable à la propriété, le renforcement des capacités et une participation pleine et entière. Nous devons prendre soin de la terre – et aussi prendre soin de notre peuple. »

Ce message, exprimé avec clarté lors du webinaire, résume une vision politique et économique cohérente que Karen Ogen porte depuis plusieurs années : celle d’un développement des ressources naturelles avec les Premières Nations, et non plus malgré elles.

Une voix pour la codirection, pas la consultation symbolique

Au cœur de son intervention se trouve un appel à rompre avec les modèles historiques de consultation minimaliste, trop souvent utilisés par les gouvernements ou l’industrie pour se conformer aux exigences légales sans intégrer réellement les communautés autochtones à la gouvernance des projets.

Dans l’esprit du rapport Build Big Things, Karen Ogen soutient une approche structurelle : des Premières Nations présentes dès la conception des projets, disposant d’un accès à l’information, au capital, et aux décisions.

Elle le rappelait d’ailleurs en février dernier, dans un article pour le Vancouver Sun, que « ce n’est pas simplement du GNL canadien que nous exportons – c’est du GNL autochtone », en référence aux projets comme Cedar LNG, majoritairement détenu par la nation Haisla.

Équité, propriété et capital : les clés de la prospérité

Karen Ogen a également insisté sur l’importance de l’équité économique dans les grands projets d’infrastructure et d’énergie, en lien direct avec le quatrième pilier du rapport qu’elle a contribué à orienter : increasing Indigenous economic participation.

La question de l’accès au capital y est cruciale. Elle a dénoncé les retards dans la mise en œuvre du Programme fédéral de garantie de prêts aux Autochtones et appelé à en élargir la portée pour couvrir toutes les étapes des projets, y compris les phases de pré-développement. Elle faisait déjà valoir en février que « les communautés autochtones partagent les bénéfices de la phase 1 du projet LNG Canada, le plus grand investissement du secteur privé de l’histoire canadienne, et seront bien positionnées pour profiter encore davantage avec une décision finale positive pour la phase 2 ».

Dans cette logique, elle a salué l’exemple de la Colombie-Britannique, qui a conditionné l’approbation accélérée de plusieurs projets énergétiques à une participation autochtone minimale de 25 %, voire majoritaire pour certains.

Une participation qui va au-delà des dividendes

Pour Karen Ogen, la pleine participation autochtone ne se résume pas à des parts de capital. Elle défend une approche intégrée, qui inclut :

  • La formation de la main-d’œuvre et des objectifs d’emploi autochtone dans les grands chantiers ;
  • L’intégration d’entreprises autochtones dans les chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance ;
  • La surveillance environnementale en temps réel assurée par des comités mixtes où les communautés sont présentes et actives.

Dans son article de février, elle évoquait déjà l’enjeu climatique : « Nous faisons partie d’une transition énergétique mondiale qui fournit du gaz naturel à plus faibles émissions que d’autres producteurs, et qui aide l’Asie à passer du charbon thermique au gaz. »

Une voix au sein d’un consensus national émergent

La force de l’intervention de Karen Ogen tient aussi à sa résonance avec les conclusions générales du rapport Build Big Things. Loin d’une posture militante isolée, elle incarne un nouveau consensus stratégique, reconnu par les auteurs comme Jay Khosla et Chris Turner : sans partenariats autochtones solides, les grands projets d’avenir n’iront ni vite ni loin.

Elle s’inscrit ainsi dans une vision de « construction à grande échelle » où la prospérité collective ne peut advenir que si elle est partagée équitablement, dès les premières étapes. Elle propose un futur où la souveraineté énergétique du Canada s’appuie sur la souveraineté économique autochtone, et où les Premières Nations ne sont plus des obstacles à contourner, mais des piliers d’un avenir industriel responsable.

En liant prospérité, responsabilité et inclusion, Karen Ogen a rappelé avec force que « bâtir grand » au Canada ne pourra se faire sans « penser grand » pour les peuples autochtones. Sa voix, au sein du Public Policy Forum, incarne cette transition vers une économie plus mature, plus respectueuse, et fondée sur des partenariats durables. Le Canada, en quête de relance et de souveraineté, pourrait difficilement ignorer un tel message au moment de choisir sa trajectoire.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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