Le Républicain Kevin McCarthy devient le premier président de la Chambre à être démis de ses fonctions dans l’histoire des États-Unis. Il a été destitué par 216 voix contre 210, tandis que huit Républicains ont voté avec la totalité des Démocrates présents, qui n’allaient évidemment pas prendre position pour sauver un Républicain. Le vote appelant à la destitution du président était également inédit au Congrès.
Désigné président intérimaire, le Républicain Patrick T. McHenry a suspendu les travaux de la Chambre jusqu’au mardi 10 octobre, où se tiendra l’élection du prochain président. Kevin McCarthy a signalé qu’il ne briguerait pas le poste à nouveau.
L’éviction de McCarthy a été réclamée par le représentant Républicain Matt Gaetz, le membre du Freedom Caucus qui avait mené la charge contre son accession au poste en janvier 2023. L’élection de McCarthy avait nécessité 15 tours de scrutin à cause de la résistance d’un noyau de Républicains de la frange populiste, qui refusait de lui accorder leurs votes.
Ce n’est que suite à une série de concessions consenties par McCarthy dans le cadre d’une entente conclue avec le Freedom Caucus que les récalcitrants avaient soit accepté de lui accorder leurs votes, ou décidé de voter « présent », abaissant le seuil des voix dont McCarthy avait besoin pour gagner. L’entente incluait le retour de la clause [supprimée par Nancy Pelosi] permettant à un seul des Représentants de réclamer un vote pour destituer le président de la Chambre – une « police d’assurance » dont Gaetz n’a pas hésité à se servir.
Pourquoi cette destitution?
Elle survient immédiatement après l’atteinte d’un compromis avec les Démocrates sur un projet de loi pour financer le gouvernement jusqu’au 17 novembre, et qui a évité une paralysie gouvernementale. Gaetz réprouve que l’accord bipartisan n’ait fixé aucun plafond pour limiter la dette.
Outre, Matt Gaetz reproche à McCarthy de ne pas avoir respecté les termes de l’entente conclue neuf mois plus tôt. Par exemple, on fait toujours voter les Représentants sur des omnibus plutôt que sur des résolutions spécifiques concernant chaque sujet individuel. Il s’oppose à ce que des enjeux aussi importants que le financement accordé à l’Ukraine et la sécurité frontalière continuent d’être regroupés en un seul texte législatif complet.
Gaetz reproche à McCarthy de faire partie du marais et d’avoir collecté des fonds provenant de groupes d’intérêts spéciaux. Il déplore que sous sa présidence, il n’y ait eu aucun vote sur les limites de mandats successifs qu’un élu peut cumuler, que les bandes vidéo du 6 janvier n’aient pas été rendues publiques et qu’aucune assignation à comparaître n’ait été livrée à Hunter Biden pour faire la lumière sur les activités financières de la famille Biden. Pendant la même période, l’establishment Démocrate a agi agressivement contre Donald Trump et ses alliés. Selon Gaetz, le Parti Républicain doit répondre fermement et décisivement. L’enquête en destitution contre Joe Biden ne suffit pas.
Les détracteurs de Gaetz soulignent qu’avec une mince majorité de 9 sièges, le speaker ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre, surtout avec un Sénat sous contrôle Démocrate et un Président Démocrate. Certains l’accusent de vouloir attirer l’attention pour se faire du capital politique.
Matt Gaetz apparaît toutefois cohérent et fidèle à ses convictions. Il estime que dans son combat interne contre les Néoconservateurs et l’establishment du parti, la frange populiste MAGA doit maintenir sa détermination afin de se faire respecter. Trop conciliante, elle n’obtiendra pas grand-chose en retour.
Par contre, tout aussi défendable que sa manœuvre soit d’un point de vue idéologique, elle est stratégiquement risquée à l’approche de 2024. Ça explique pourquoi seulement huit Républicains l’ont appuyée. Une majorité de Représentants apparentés à la frange MAGA n’a pas voté en faveur de cette destitution. C’est le cas de Lauren Boebert, qui a pourtant toujours été une proche alliée de Gaetz.
Il y a d’abord le paradoxe de critiquer la complaisance de McCarthy face aux Démocrates, puis de s’allier à ces mêmes Démocrates pour le destituer. Quelle que soit la rigueur intellectuelle de cet argument, il servira d’angle d’attaque aux Républicains de l’establishment.
Comme il n’y a personne de spécifique mis de l’avant pour succéder à McCarthy, on peut s’inquiéter du caractère improvisé de la démarche. Si la Chambre se retrouve avec quelqu’un de moins proche de l’establishment comme speaker [par exemple: Jim Jordan ou Byron Donalds], le Parti Républicain sortira gagnant et on pourra remercier Matt Gaetz. Toutefois, rien ne garantit que l’élection du successeur s’effectuera sans accrocs.
Toute lutte fratricide peut s’avérer néfaste à l’approche de 2024, ne serait-ce que par l’image de division qu’elle projette, et qui se fait inévitablement exploiter par les médias de masse pour nuire aux Républicains. Dans le New York Times, on peut lire: « la faction d’extrême droite du Parti Républicain plonge la maison dans le chaos ». On blâmera également Trump et les « trumpistes » pour tout ce qui sera présenté, à tort ou à raison, comme de la dissension ou des déboires au sein du Parti Républicain. À noter que la majorité des Représentants pro-Trump n’ont pas voté pour cette destitution. Reste à espérer que Matt Gaetz remportera son pari et que les Républicains se doteront d’un speaker capable de se tenir debout face à l’Uniparti.
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