La Chine ouvre ses portes aux politiciens affaiblis comme François Legault

Vous vous souvenez de la couverture que Québec Nouvelles a faite de la Chine ces dernières années? Entre les mesures extrêmes pour endiguer la pandémie, la crise qui a dévasté l’immobilier, la censure, les camps de prisonniers et le nationalisme hostile d’une partie de sa population, la Chine n’a pas fait parler d’elle ces dernières années pour de bonnes raisons. Maintenant que la crise est bien implantée en Chine, qui s’est brouillée avec la plupart des pays de la planète, le Parti communiste chinois semble vouloir rétropédaler. Et cela s’est manifesté notamment par une drôle d’invitation du consulat chinois de Montréal au premier ministre du Québec, François Legault. En quoi cela est un signe non pas d’ouverture, mais que la Chine souhaite profiter des politiciens affaiblis? C’est ce que nous allons voir.

Beaucoup ont eu la tendance à sous-estimer le potentiel de nuisance de la Chine. Nos politiciens les premiers. Justin Trudeau a laissé entrer le loup dans la bergerie depuis son arrivée au pouvoir en 2015. Le Parti communiste chinois a mobilisé des moyens afin de barrer la route aux conservateurs pour voir les libéraux être réélus. Trudeau est vu comme un politicien faible, mais celui-ci est sensible à ce qui se passe à Washington, qui voit d’un mauvais œil un allié aussi proche que le Canada devenir petit à petit sous influence chinoise.

Les États-Unis prennent la menace chinoise très au sérieux. Il n’y a pas une semaine sans qu’il y ait une conférence, un comité qui étudie les multiples intrusions dans la société américaine. Récemment, les membres du congrès se sont penchés sur Temu et ses pratiques commerciales déloyales. En plus de voler les données sensibles des utilisateurs, Temu vend des produits dangereux et de mauvaises qualités à des prix si bas qu’ils mettent en péril les entreprises américaines.

Mais pour en revenir à François Legault, il est affirmé dans l’article de La Presse que le consul de Chine à Montréal, Yuming Dai, a dit que :

« Le premier ministre du Québec et ses missions de différents niveaux sont toujours les bienvenus en Chine pour approfondir les échanges et la coopération entre les deux parties. Le consulat général est prêt à fournir de l’aide effective. »

Après que de nombreuses multinationales, japonaises, américaines ou sud-coréennes soient parties de Chine, et que la Chine s’enfonce toujours plus dans la crise, le gouvernement chinois se rend bien compte qu’il est obligé d’adopter un ton plus conciliant que celui des « loups guerriers ». Les « loups guerriers », ce sont ces diplomates chinois qui ont utilisé Twitter pour insulter ouvertement les politiciens occidentaux. Et intimider les opposants en ligne.

Or, ils ont bien vu que cette politique était vouée à l’échec. Bien que l’Occident ait connu un déclin relatif, c’est toujours la référence mondiale en matière d’innovation ou de pouvoir d’achat. Et ça les Chinois le savent. Les Russes comme les Iraniens n’auront jamais le pouvoir d’achat des Allemands ou des Américains. Donc, ils sont obligés d’aller voir non pas les gouvernements nationaux, comme avant, mais celui des États fédérés.

François Legault est probablement vu comme un élément perturbateur au Canada, et aussi comme un politicien faible. Les dirigeants de la Chine ont ainsi mobilisé des moyens pour attirer chez eux des gouverneurs américains ou d’organisations civiles tels que des chambres de commerce régionales. Legault n’est que le dernier en date à avoir reçu une invitation en bonne et due forme. C’est que la Chine sait que ses accès à Washington (ou à Ottawa) sont bloqués pour encore des années, donc ils vont entrer par la porte d’en arrière, c’est-à-dire les États fédérés. Comme les États américains ou les provinces canadiennes.

Ce qui contraste avec la politique de jadis, quand le Parti communiste refusait de parler aux régions ou aux États d’un pays, pour dialoguer uniquement avec le gouvernement central. C’est qu’en Chine, le gouvernement n’a aucun respect pour la décentralisation ni pour l’autonomie de ses régions. On l’a vu malheureusement avec Hong Kong.

Le Québec a eu la particularité d’ouvrir des relations avec la Chine dès les années 80. Probablement avec la famille Desmarais qui fut l’une des premières à vouloir profiter de l’ouverture du marché chinois. Pierre Elliot Trudeau se présentait même comme un Québécois devant Deng Xiaoping, qui avait appris un peu le français lors de sa jeunesse en région parisienne. Le Québec attire la Chine et les Chinois depuis plus d’un siècle.

Mais cette relation que l’on aimerait cordiale ou amicale cache en réalité les travers de la politique chinoise : corruption, contrefaçons, intimidation. Dans un tel climat, il est difficile de rester patient devant un « partenaire » commercial écrasant qui vole les brevets. Doit-on saluer l’initiative du consulat chinois de Montréal? Ou au contraire, se méfier de ceux qui ont maintes fois menti? De ceux qui n’ont pas tenu leurs promesses? Poser la question c’est y répondre.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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