Un malentendu qui est souvent répandu serait que la Chine ne serait plus communiste. En effet, lorsque nous regardons les fortunes prodigieuses dans ce pays, il est difficile de croire que le communisme soit encore d’actualité dans ce pays. Le plus grand marché de Tesla est en Chine, qui y produit plus de la moitié de ses voitures. Sans compter les ventes de Lamborghini, Ferrari, Maserati. Et des quantités folles d’Audi, de Mercedes et de BMW dans les rues. C’est en effet assez éloigné de la période communiste en URSS, qui exigeait des années sur une liste d’attente pour avoir le ‘’droit’’ d’acheter une Lada. Pays également qui autorisait peu de voyages à l’étranger, et seulement dans des circonstances particulières. Contrairement aux russes à l’époque, les Chinois se sont distingués dans le monde pré-pandémie comme des touristes particulièrement dépensiers qui sont prêts à aller partout. Et qui sont autorisés par leur gouvernement pour sortir. L’Europe étant leur destination préférée. Or, les choses changent rapidement. Il est beaucoup plus difficile de sortir du pays, et l’entreprise privée est mise à mal par le gouvernement, dans un contexte pandémique qui a probablement servi des buts politiques.
Et si ce n’était pas justement prévu que de revenir un jour aux bases collectivistes du régime de Mao ? On voit clairement des signes : cela va faire bientôt trois ans que les Chinois ne peuvent voyager librement à l’étranger. Il faut prouver que l’on a trouvé un travail ou bien que l’on part étudier pour une maîtrise au minimum, un baccalauréat n’étant plus considéré comme une excuse valable pour quitter le pays. Le Parti n’autorise plus les voyages dans un but touristique. Plusieurs ont vu au fil du temps leur passeport coupé, donc inutilisable par des douaniers.
Et si ce n’était que pour sortir du pays, un autre signe inquiétant se manifeste clairement : les capitalistes chinois ont été sanctionnés, dépouillés, emprisonnés. Autour de 2015, le chinois le plus médiatisé au monde était le fantasque fondateur d’Ali Baba : un certain Jack Ma. Celui qui a construit sa légende personnelle autour du rejet qu’il aurait subi toute sa vie, pour devenir l’homme le plus riche du pays avec la vente en ligne. Ce qui était une histoire sympathique s’est transformée en histoire d’horreur. Jack Ma a commis l’odieux de critiquer le Parti et son intervention dans l’économie, que les entreprises étaient entravées dans leur innovation. Or, il a disparu durant plusieurs mois, possiblement dans une prison secrète du régime, pour réapparaître mal en point, aujourd’hui en exil forcé au Japon. Plusieurs entreprises jadis florissantes ont été reprises en main par le Parti. Celles que l’on nommait les BATX, pour Baidu, Ali Baba, Tencent et Xiaomi, en comparaison des GAFAM américains ont été torpillés et pris en main par des fonctionnaires du Parti. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, ces entreprises commençaient à faire de l’ombre à leurs homologues américaines.
On dit souvent qu’il y a eu des réformes économiques, mais pas de réformes politiques, surtout suite aux événements de 1989 sur la place Tiananmen. Et que pour plusieurs observateurs de la Chine en ligne, le pays aurait pris un mauvais tournant depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013. Comme si depuis Deng Xiaoping, la Chine se tournait résolument vers le libéralisme économique, et peut-être un jour à l’horizon, un libéralisme politique. Que Xi n’était qu’un accident de parcours.
Or, si on regarde la structure du Parti, de l’État (il y a un doublement des administrations en Chine, par exemple maire du village, et secrétaire du Parti), l’enseignement dès l’enfance qui donne une place de choix à Karl Marx, à Lénine (notamment la Nouvelle politique économique, qui permet un retour partiel au capitalisme de façon temporaire en temps de crise), Mao et aussi ses successeurs Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao.
On force les fonctionnaires et autres employés liés d’une façon ou d’une autre aux services de l’État à étudier la pensée de Xi Jinping et aussi les points saillants du dernier congrès du Parti communiste. Des rencontres interminables sont tenues pour s’assurer de la loyauté des travailleurs au Parti-État. Exactement comme durant la révolution culturelle. On peut voir dans la série documentaire Comment Yukong déplaça les montagnes des séances d’études au travail ou à l’école. Or, le fond est toujours demeuré. Seulement les moyens technologiques se sont améliorés depuis. On peut étudier la pensée de Xi par une application sur téléphone portable. Et on gagne des points en répondant aux questionnaires.
Le Parti dans sa propagande à l’étranger utilise une rhétorique tiers-mondiste. Les pays d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient, d’Amérique latine qui auraient comme ennemi commun l’Occident et ses laquais. Une importance particulière est mise pour la propagande à destination de l’Afrique. CGTN, l’équivalent de la BBC pour le Parti communiste chinois, diffuse notamment en français, en anglais, en arabe. On présente les investissements chinois comme une réponse au sous-développement de l’Afrique.
Radio-Canada a fait un reportage hallucinant sur la pénétration de la télévision chinoise en Guinée Conakry[1]. Les gens paient l’équivalent du prix d’un abonnement Netflix, alors qu’ils ont du mal à toucher 40$ par mois. Le journaliste semble s’émerveiller devant cette misère sociale, car selon lui ça ne serait pas ‘’cher’’. Déjà en 1956, Robert Rumilly mettait en garde contre la propagande pro-Chine de Radio-Canada[2]. On dit souvent que plus souvent ça change, plus c’est pareil. Une honte pour ‘’notre’’ société d’État.
Ce qui se dessine en Chine pour les prochaines années est beaucoup plus sombre pour les libertés individuelles. Dans une vidéo promotionnelle produite par une branche locale du parti au Yunnan, on voit une femme peu invitante se réjouit de pouvoir manger dans une toute nouvelle cantine collective. Elle est heureuse de voir le prix des aliments offerts et leur variété. On apprend que le Parti a exigé à différentes administrations de mener des projets pilotes dans leurs districts. L’argument officiel est que ces restaurants publics sont là pour rendre service aux personnes âgées.
Or, pour plusieurs, c’est un rappel de l’époque maoïste quand il était obligatoire pour les travailleurs de manger dans une cantine collective, les ustensiles de cuisine ayant été saisis par les autorités. Cela s’est déroulé avant et pendant la période la plus sombre de l’histoire moderne du pays : le grand bond d’en avant. Une politique économique absurde ayant mené à une famine qui a tué des millions de personnes.
Pourquoi est-ce que cela n’augure rien de bon? C’est très simple. Avec la politique zéro-covid, le PCC a forcé la fermeture de millions d’entreprises privées. Des théories affirment que le Parti s’est servi de ce prétexte pour en finir avec le capitalisme représenté par des restaurants privés et des commerces tenus par des particuliers.
S’il y a les cantines, il y a aussi les coopératives. Ces magasins existaient sous l’ère maoïste, et s’ils n’ont jamais totalement disparu (notamment en régions rurales), ils ont retrouvé un second souffle avec la décision du Parti d’en ouvrir à travers tout le pays. Ces magasins gouvernementaux vendent à des prix inférieurs à ceux des commerces privés. Pourquoi? Le Parti contrôle les chaînes d’approvisionnement, les transports. Ils peuvent donc fournir par le biais de subventions les magasins d’État qui vont lentement mais sûrement tuer la compétition. Pour devenir un monopole.
Le plus sinistre est peut-être à venir : ces cantines compilent des statistiques sur la quantité de nourriture consommée, d’huile, de sucre, de farine, de viande. Qui vient consommer, et qu’est-ce qui est consommé par les gens, selon leur profil d’âge. Comme si on se préparait à une guerre et de possibles pénuries. Pour savoir ce qu’il faut stocker pour maintenir la population en vie. Et pour les rationner.
Il est fort probable que la Chine ne retourne pas totalement à l’ère maoïste, mais il est faux de dire que le pays n’est plus communiste. Ou du moins que le Parti a oublié cet objectif. Deng Xiaoping a probablement ouvert le pays à l’économie de marché comme l’a fait Lénine durant la guerre civile russe. C’est-à-dire de façon temporaire et limitée à certains secteurs. Les principaux secteurs économiques du pays étant toujours réservés uniquement au gouvernement et à ses sociétés d’État. La parenthèse des réformes est lentement en train de se refermer.
[1]https://ici.radio-canada.ca/tele/le-telejournal-avec-celine-galipeau/site/segments/reportage/361459/afrique-chine-guinee-conquete
[2]RUMILLY, Robert, L’infiltration gauchiste au Canada français, Éditions de la Vérité, 2018 (1956) 178p.
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