Traduit de l’anglais. Éditorial publié le 24 juin 2023 sur le site du National Post.
Il est décourageant, mais pas surprenant, qu’un rapport gouvernemental sur les tombes anonymes ait recommandé la semaine dernière à Ottawa de prendre des « sanctions civiles et pénales » contre ce que l’on appelle le « négationnisme des pensionnats ». Cette idée n’aurait que peu d’avantages pratiques et ne servirait que d’outil à ceux qui tentent de mettre fin à un débat légitime. Étant donné leur mépris évident pour la liberté d’expression, les libéraux semblent tout à fait d’accord avec cette suggestion.
Dans son rapport intérimaire, Kimberly Murray, l’interlocutrice spéciale indépendante nommée par le gouvernement fédéral, a soutenu la demande de la députée néo-démocrate Leah Gazan de faire du « négationnisme des pensionnats » un crime haineux et a pressé le gouvernement d’envisager des « mécanismes juridiques pour lutter contre le négationnisme ».
Les discours haineux sont déjà illégaux, et il est difficile de voir comment le fait d’inclure des crimes de pensée spécifiques pour la haine dirigée contre un groupe ou un autre va faire une différence. Mais le plus gros problème est que les Canadiens ne seraient guère convaincus qu’une telle loi ne serait utilisée que pour cibler ceux qui propagent réellement la haine.
L’histoire des pensionnats est trop souvent l’histoire d’abus et de négligence. Les enfants ont été arrachés à leur famille et assimilés de force, perdant souvent leur langue et leur culture. Nombre d’entre eux sont morts de maladies dans des proportions bien plus importantes que la population générale, et ont souvent été enterrés dans des cimetières proches. Les abus sexuels et physiques étaient souvent monnaie courante. Bien que certains élèves se souviennent avec émotion de leur scolarité, le système des pensionnats reste une source de traumatisme pour de nombreux peuples autochtones.
Mais l’étiquette de « négationnisme », un terme insidieux destiné à établir des comparaisons morales avec le déni de l’Holocauste, ne vise pas seulement ceux qui déforment l’histoire des pensionnats. Il vise toute personne qui remet en question certains récits. Tout ce qui pourrait être perçu comme une minimisation de ce qui s’est passé dans les pensionnats, ne serait-ce que pour affirmer ce que disent les faits, est considéré comme hors-jeu.
Ceux qui soulignent, avec justesse, qu’au moins 200 tombes présumées découvertes près du pensionnat indien de Kamloops n’ont pas encore été confirmées sont qualifiés de « négationnistes ». Cette étiquette leur est attribuée alors que la Première nation Tkʼemlúps te Secwépemc elle-même n’a pas confirmé si les signatures trouvées par le géoradar sur le site sont bien les sépultures d’enfants ayant fréquenté l’école.
Si l’on constate – encore une fois avec exactitude – que la tuberculose et d’autres maladies ont été les principales causes de décès des enfants dans les pensionnats, cela suffit à se faire taxer de négationniste, bien que ce point ait été largement débattu par la Commission Vérité et Réconciliation.
Le rapport de Murray lui-même ne s’intéresse pas particulièrement aux faits ou aux preuves. Par exemple, elle affirme que des « négationnistes » sont entrés sur le site de Kamloops pour déterrer des tombes suspectes. Certains sont venus au milieu de la nuit, munis de pelles, écrit-elle, « ils ont dit qu’ils voulaient « voir par eux-mêmes » si des enfants étaient enterrés à cet endroit ».
S’introduire sur le territoire des Premières nations avec l’intention de violer un lieu de sépulture probable est tout à fait méprisable, et très probablement criminel. Enfin, si cela s’est produit, mais il n’y a apparemment pas eu de rapport de la GRC et Murray ne cite aucune preuve corroborante pour étayer cette histoire. Elle ne nous dit même pas quand cela a pu se produire.
Pour appuyer son appel à des sanctions pénales, Murray cite favorablement la déclaration de Gazan selon laquelle « nier un génocide est une forme d’incitation à la haine », même si la question de savoir si ce qui s’est passé dans les pensionnats canadiens répond aux définitions acceptées d’un génocide est largement débattue. La Commission Vérité et Réconciliation l’a qualifié de « génocide culturel », tandis que certains historiens qui reconnaissent l’intention assimilationniste des pensionnats et les préjudices qui en ont résulté s’abstiennent de les assimiler à ce terme.
L’enquête de 2019 sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a également hésité à parler de « génocide colonial », mais même cette appellation était controversée. À l’époque, Roméo Dallaire, qui avait été le témoin direct du génocide rwandais, avait noté que ce qui s’était passé dans les pensionnats était « scandaleux » et « inacceptable », mais avait laissé entendre que ce n’était pas la même chose que ce qui s’était passé au Rwanda, qui était « un acte délibéré d’un gouvernement visant à exterminer, délibérément, par la force et directement, une ethnie ou un groupe d’êtres humains ».
Il s’agit là d’un point de vue raisonnable, qui n’est pas fondé sur le sectarisme, et pourtant nous voici, quatre ans plus tard, en train d’avoir une conversation nationale sur les changements à apporter au Code pénal qui pourraient très bien rendre illégaux des commentaires comme ceux de M. Dallaire. Et cette proposition est soutenue par d’éminents ministres. Le ministre des Relations Couronne-Indigènes, Marc Miller, a tweeté que le « négationnisme des pensionnats » est « de nature criminelle », et le ministre de la Justice, David Lametti, a déclaré qu’il était ouvert à « une solution juridique et à la mise hors-la-loi ».
Étant donné le peu de valeur que ce gouvernement accorde à un débat vigoureux, qui est un moyen éprouvé d’élaborer de meilleures politiques, personne ne devrait être surpris si les libéraux mettent en œuvre de nouvelles restrictions à l’expression. Il y a tout juste un an, le gouvernement a interdit « d’approuver, de nier ou de minimiser l’Holocauste », ce qui n’aura probablement pas d’effet significatif sur l’antisémitisme. Les libéraux devraient également présenter prochainement leur très attendu projet de loi sur les préjudices en ligne, qui donnerait à Ottawa des pouvoirs accrus pour surveiller les discours non approuvés sur l’internet.
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