La culture au Québec va mal malgré ce qu’en pensent les jovialistes

Je suis avec un certain détachement l’actualité culturelle au Québec depuis des années. Il faut dire que l’on assiste à un déclin marqué de la quantité, comme de la qualité des créations de chez nous. Déjà, de nombreuses controverses parsèment le petit milieu des artistes du Québec. Au-delà de ceux que l’on surnomme la clique du Plateau, avec leurs propres blagues et autoréférences, la culture produite actuellement me déprime.

Si certains jovialistes comme Paul Piché vont nous dire que nous vivons un âge de gloire, ce n’est pas le cas du tout. Les Québécois, et surtout les jeunes, se détournent du contenu produit ici. Il faut regarder les titres d’un fil de presse pour voir que quelque chose ne tourne pas rond. Par exemple TVA annonce des coupures de personnel, le Gala Artis est aboli dans une indifférence presque générale, les émissions du matin disparaissent les unes après les autres, remplacées par des téléromans ou des films.

Dans un article que nous avons traduit pour vous, Tristin Hopper du National Post mentionnait que près de la moitié des Canadiens souhaitent le définancement de Radio-Canada. Nous pouvons supposer que les chiffres sont similaires au Québec. Radio-Canada s’est transformée radicalement depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau. Si déjà on voyait le parti pris radio-canadien, là il crève les yeux à tel point qu’il essaie de rééduquer les gens au lieu de les divertir et de les informer.

La fatigue culturelle du Québec se manifeste également quand on essaie de jouer sur la nostalgie, mais sans l’âme de cette époque. Nous avons appris hier que Claude Meunier allait faire revivre La petite vie avec de nouveaux épisodes. Mais sans môman. En effet, Serge Thériault souffrirait d’une grave dépression qui l’empêche de sortir de chez lui. C’est très triste en effet. Mais n’est-ce pas justement du réchauffé de reprendre cette émission légendaire qui a déjà 30 ans sans son personnage phare ? Si déjà ça ne vous parle pas, imaginez le nombre de critères à respecter maintenant pour n’offenser personne, satisfaire les quotas en matière de «diversité et inclusion», consulter les «acteurs du milieu», faire lire et approuver son texte par des «sensitivity readers».

Le cinéma québécois des années 90-2000 a marqué les esprits. C.R.A.Z.Y., La grande séduction, Les invasions barbares, 15 février 1839. Tous de grands films qu’il sera impossible d’oublier. Des films qui parlaient de notre peuple. Avec nos mots à nous et nos références culturelles. Mais aujourd’hui, pouvez-vous mentionner des films qui ont été produits depuis 10 ans qui sont aussi marquants ? Si vous mentionnez Nitro 2, vous avez tort. Ce film est un navet. Confessions était un bon film, mais en une décennie, est-ce que cela peut ramener le cinéma québécois au niveau de ce qu’il était une bonne vingtaine d’années en arrière ?

J’ai parfois l’impression que nous vivons une petite noirceur comme celle des années 1980, après l’échec du premier référendum sur la souveraineté-association. À ce moment, notre culture était devenue ringarde. Nous avons décidé d’annuler les soirées canadiennes, de ranger nos ceintures fléchées, nos accordéons. Et de faire taire nos chansonniers. Pour tenter de copier ce que faisait l’Amérique à cette époque. Cette décennie est-elle si marquante pour vous ou vos parents ?

Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on vit la même chose. On a abdiqué après le référendum volé de 1995, pour tenter d’oublier qui nous sommes. Les jeunes parlent entre eux en franglais, regardent Netflix, écoutent Spotify. Dans un sens, je ne peux pas les blâmer. Je fais pareil. Ma société a fait le choix de se saborder et de couler le navire. J’aimerais bien pouvoir écouter de la musique québécoise avec enthousiasme, et regarder des séries québécoises. Mais tout ce qu’on m’offre, ce sont des téléséries pour la génération du Baby-boom. J’ai envie d’un projet de société excitant. Pas que l’on me montre un homme québécois bêta de 40 ans père d’une fillette de 8 ans et divorcé de sa brillante ex-femme médecin. Ou encore que l’on blâme mon peuple pour des crimes que nous n’avons jamais commis (comme dans l’infâme Hochelaga). On doit creuser à la main une montagne de résidus miniers stériles pour espérer y trouver quelques pépites d’or. Notre culture est riche. Ne laissons pas le pessimisme nous détruire. Mais le temps presse. Heureusement, il reste tout un univers de petits créateurs indépendants, de musiciens, d’humoristes amateurs ou alternatifs qui évoluent en marge, de vidéastes sur YouTube.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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