La culture du consensus n’est pas une bonne chose à l’Assemblée Nationale

Au Québec, il est parfois difficile d’aller à contre-courant. Peut-être est-ce une trace de notre histoire comme peuple dominé qui devait trouver un esprit de cohésion face à des adversaires plus riches et plus puissants? En tout cas, ces derniers jours, une unanimité inquiétante s’est manifestée à l’Assemblée nationale chez ses 125 députés. Sur les drag queens et le troisième lien. Est-ce que nos partis politiques devraient cesser d’adhérer au dogme en vigueur pour refléter la diversité des opinions des Québécois sur les enjeux de société? La réponse courte est oui.

Nous avons discuté ici sur Québec Nouvelles à plusieurs reprises de la controverse concernant les drag queens. L’enjeu serait d’un ridicule consommé – des hommes qui s’habillent en clowns pour parler de la théorie du genre à des enfants d’âge préscolaire – s’il ne prenait pas une telle dimension politique. On nous impose ces drag queens à toutes les sauces dans de nombreuses émissions, des festivals, et maintenant aux enfants à l’école ou des bibliothèques. Il est normal qu’une chose aussi controversée provoque du mécontentement, et qu’il se manifeste notamment à l’Assemblée nationale.

Or, Québec solidaire semble diriger depuis des années les enjeux culturels en chambre. Tous les députés – c’est-à-dire 125 – ont voté en faveur d’une résolution pour condamner les propos haineux concernant les drag queens. L’idée n’est pas d’encourager la haine, mais que 125 députés votent à une résolution sans nuance en dit long sur le niveau du débat public au Québec. Personne sauf Éric Duhaime n’a soulevé qu’il était légitime de questionner la présence de ces militants en faveur de la théorie du genre auprès des petits.

Lors de la tempête dans un verre d’eau concernant Gilles Proulx dont Gabriel Nadeau-Dubois voulait la tête, le Parti Québécois a eu le courage de voter à l’encontre de la résolution pour condamner l’animateur et historien. Le PQ a montré qu’il sait aller à l’encontre de la vindicte médiatique et de la bien-pensance. Mais pourquoi voter en faveur de la résolution sur les drags sans questionner Québec solidaire et son appui à la théorie du genre? Mystère.

Dans un autre cas plus récent qui touche particulièrement la région de Québec, les solidaires semblent dominer l’agenda gouvernemental encore une fois notamment avec le troisième lien. En faisant place uniquement au transport en commun, le projet gouvernemental semble donner raison à Québec solidaire qui militait depuis des années contre le projet de tunnel.

Est-ce normal que ce petit parti fasse la pluie et le beau temps concernant les enjeux culturels et politiques au Québec? Est-ce que nous avons peur à ce point de débattre, de ne pas être d’accord? Les Québécois n’aiment pas la chicane, et ce serait un euphémisme de le dire. C’est dans notre Histoire : nous avions besoin de nous serrer les coudes face à l’occupant britannique. Dans le film L’empreinte mettant en scène à la narration Roy Dupuis, une théorie serait que notre culture du consensus viendrait du contact avec les peuples autochtones. Si cela n’est pas totalement dénudé de sens, il faut quand même reconnaître que la Conquête fut un événement traumatisant pour notre peuple et que nous avons depuis l’habitude d’essayer de parler d’une seule voix.

Or, les Québécois partagent des visions différentes de ce que devrait être notre avenir comme Nation. Ce n’est pas tous les Québécois qui souhaitent le progressisme sociétal sans nuance et sans se questionner à savoir si cela ne va pas trop vite justement. Il y a quelques années, une secrétaire fut renvoyée d’une école pour avoir été dans l’industrie du sexe par le passé. Aujourd’hui, nous sommes qualifiés de réactionnaires si nous sommes réticents que des hommes qui s’habillent en femmes viennent « déconstruire les stéréotypes de genre » chez des enfants qui n’ont rien demandé.

Il faudra se lever tôt pour espérer une vraie culture du débat au Québec. Le trauma colonial nous a poussés à chercher le consensus, si ce n’est pas l’unanimité. Cela est dangereux pour une société démocratique. Cependant il ne faut pas perdre espoir. Le Parti Québécois, bien qu’il recule à l’occasion, réussit à tirer des flèches dans la bonne direction. Et Éric Duhaime joue un rôle de chef non élu d’un parti d’opposition qui a quand même touché 13% des élections. Le Québec mérite mieux.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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