L’industrie militaire est depuis longtemps connue pour son impact environnemental considérable… Ou plutôt comme des outils de morts excessivement dispendieux? La production et l’utilisation d’armes, les déplacements massifs des troupes et l’empreinte carbone des infrastructures militaires contribuent tous à la « crise climatique ». Comme vous le savez, nous allons tous mourir, et le monde sera couvert de flammes, la sécheresse tuera nos champs, et les eaux inonderont nos terres. Et ça ne sera pas par les bombardements nucléaires et les drones avec bombes incendiaires.

Vous aurez compris la pointe de sarcasme.

Dans le but de réduire cet impact, certains acteurs de l’industrie militaire ont récemment adopté l’idée de la carboneutralité. Eh oui! La même bande au gouvernement canadien qui se soucie plus du genre de nos soldats que leur efficacité! À lire la Stratégie énergétique et environnementale de la défense 2020-2023, cependant, cette approche soulève de sérieuses questions quant à sa faisabilité et son efficacité réelle. Le Devoir, aussi, a publié un article kafkaïen sur la question récemment. Explorons un peu cette notion absurde d’industrie militaire carboneutre.

Une activité destructrice… par définition.

D’abord, reconnaissons que oui, les activités militaires génèrent d’énormes quantités d’émissions de gaz à effet de serre, principalement dues aux combustibles fossiles utilisés pour alimenter les véhicules, les avions et les navires de guerre. De plus, la production d’armes et d’équipements militaires nécessite une quantité considérable de ressources naturelles, entraînant une déforestation accrue, l’épuisement des minéraux et la pollution des sols et de l’eau. Comme tout type d’industrie – surtout celles en Asie – d’ailleurs. Mais le problème n’est pas là.

Les victimes des guerres en Ukraine, au Yémen, au Tchad, et dans d’autres pays ont-ils vraiment à s’imposer le calcul des émissions de GES des ruines fumantes de leur maison et de leur milieu de vie? Les dirigeants occidentaux ont-ils à envoyer des experts de Greenpeace afin de mesurer le CO2 contenu dans les bouches des canons torpillant les villes ensanglantées? Il y a quelqu’un qui se moque de nous à quelque part…

La carboneutralité : un concept trompeur

La carboneutralité est souvent présentée comme une solution magique pour compenser les émissions de carbone. Cependant, dans le contexte de cette industrie, cette notion devient rapidement absurde. Le simple fait de neutraliser les émissions de carbone générées par les opérations militaires semble irréaliste, voire trompeur.

La carboneutralité ne veut pas nécessairement dire qu’on cesse de produire des GES, mais surtout qu’on tentera « d’annuler » leurs effets par d’autres activités vertes.

Ainsi, comment peut-on prétendre atteindre la neutralité carbone tout en poursuivant des activités qui nécessitent des explosions, des armes destructrices et des déplacements massifs d’équipements et de personnes ? Ça semble être une tentative de se dédouaner de la responsabilité environnementale plutôt qu’une réelle solution.

Le défi des technologies « vertes » dans l’industrie militaire

Une autre absurdité de la carboneutralité dans l’industrie militaire réside dans l’idée que l’adoption de technologies « vertes » permettrait de compenser les émissions de carbone. Certains soutiennent que la transition vers des armes et des équipements militaires plus respectueux de l’environnement, tels que les véhicules électriques ou les énergies renouvelables, peut réduire l’empreinte carbone de l’industrie. Cependant, cette vision ignore les réalités complexes de l’industrie militaire. Les technologies « vertes » ne peuvent pas dissiper les effets destructeurs inhérents à la guerre et à la violence. Peu importe la quantité d’énergie renouvelable utilisée pour alimenter les véhicules de guerre, l’impact environnemental demeure présent dans leur fonction principale de destruction.

Il y a aussi tout un aspect opérationnel, tactique et stratégique à prendre en compte : une armée ne peut se permettre aucun risque inutile et ne peut se permettre d’attendre que ses chars d’assauts rechargent en cas d’attaque imminente.

De plus, l’industrie militaire est profondément enracinée dans le complexe militaro-industriel et ce n’est pas une théorie fumeuse de complot ; c’est un réseau avéré de liens étroits entre les entreprises de défense, les gouvernements et les institutions militaires. Cet arrangement crée des intérêts économiques et politiques qui privilégient souvent les profits et la puissance militaire au détriment de la durabilité environnementale et, de façon plus importante, la vie humaine.

Les entreprises de défense ont tendance à bénéficier des cycles de production et de vente d’armes, ce qui peut les inciter à maintenir un statu quo destructeur sur le plan humain à long terme plutôt que de tenter la sauvegarde de la rainette pourpre à dos bleu.

On s’entend pour dire que cet entêtement, qui est en réalité un culte néo-religieux un peu New-Age, est de plus en plus présent dans des médias qui ne savent plus quoi dire ni écrire. Il nous faudra mettre des petits filtres Brita sur la bouche de nos canons, mettre de la tourbe autour de nos mitrailleuses, installer des panneaux solaires sur des bombardiers nucléaires… Suivant cette logique, vous pouvez continuer longtemps dans l’absurdité.

Samuel Rasmussen

Formé à l’École de Politique Appliquée de l’Université de Sherbrooke, il se passionne pour la géopolitique et le développement des relations internationales. Collaborateur de différents podcasts notamment Ian et Frank et Agora Underground, il intervient souvent sur l’actualité. Il s’intéresse principalement à la psychologie du pouvoir et de son impact sur le plan individuel comme au sens large.

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