Depuis l’annonce du documentaire Alphas de Simon Coutu, dans lequel le documentariste se penche sur la mouvance masculiniste, laquelle gagne notamment en crédibilité auprès d’une certaine portion des adolescents, un torrent – que dis-je, un raz-de-marée – de protestations et d’appels explicites à la censure de ce documentaire a submergé les réseaux sociaux.
Ces censeurs – à la manière de ces gardiens de la bonne morale qui, à travers l’Histoire, organisèrent des autodafés afin de protéger les bonnes mœurs de livres qui, selon eux, conduiraient à la perdition – ont vigoureusement appelé à l’annulation du documentaire, sous prétexte qu’il propagerait le masculinisme…
Vous voyez ce que je veux dire.
Et personnellement, j’ignore ce qu’il en est de vous, mais je ne crois pas que les documentaires portant sur la Seconde Guerre mondiale invitent au nazisme, mais bon !…
Selon certains, il vaudrait mieux les interdire. Pour protéger le progrès – les nouvelles bonnes mœurs.
L’Histoire n’a de cesse de se répéter, observons-nous.
Et au cœur de l’ouragan médiatique éveillé par toutes ces questions liées au masculinisme, à certaines visions de la masculinité, a ressurgi un sujet dont on parlait peu, au Québec… Les incels – communauté que certains surnomment, avec mépris, l’« incelosphère ». Qu’est-ce qu’un incel ? Rappelons la sémantique : incel est une contraction des termes involuntary
celibate, lesquels signifient « célibataire involontaire ». En ce sens, les incels ne sont rien de plus que des célibataires malgré eux, les captifs d’un célibat qu’ils n’ont pas choisi et auquel ils sont incapables de se soustraire.
En définitive, ils incarnent le plus triste de ce qu’on pourrait s’imaginer en songeant à la misère affective et à la misère sexuelle.
Hélas, nous vivons dans un monde dont tous les aspects sont mal régulés, et contrairement à la pensée populaire, l’Amour ne caressera point chacun d’entre nous ; et la volupté pas davantage – au moins, relativiseront certains, celle-ci s’achète. Et la misère affective, le célibat involontaire, dans plusieurs cas, s’abat sur les êtres sans considération aucune pour la moindre forme de déterminisme – comparons-la à la foudre, qui frappe sans viser, sans calculer, qui frappe seulement, et frappe encore, et encore, encore…
En ce sens, l’incel, dans sa définition initiale, est un miséreux qui n’a pas choisi sa misère. Et nous avons presque tous été éduqués dans la croyance qu’il est mal de rire de la misère d’autrui ; la misère est parfois observable, comme dans le cas des sans-abris, alors qu’autrement, la misère peut être invisible, comme dans le cas très particulier de la dépression…
« Rire des maux d’autrui, c’est mal », nous dit-on.
Et on est tous d’accord.
Et pourtant, hommes comme femmes se liguent pour moquer les miséreux affectifs – et surtout pour les diaboliser, pour les déguiser en bourreaux des femmes.
Politiquement, il n’est pas rare que des amateurs de raccourcis malhonnêtes coincent les incels dans la même catégorie que les suprématistes blancs, les misogynes, la droite (parce que le camp du « pas d’amalgame » est également le camp de l’amalgame), les racistes en presque tous genres, les batteurs de femmes, entre autres. C’est d’ailleurs assez amusant de voir des hommes mariés se faire traiter d’incels sur les réseaux sociaux sur la base d’un désaccord idéologique – ça vous montre à quel point ce terme a été désincarné.
Et en dehors des champs politiques, les incels demeurent des têtes de turcs, des cibles faciles pour quiconque souhaite se targuer sans trop se tacher de lutter pour les femmes.
Que celui n’a jamais entendu ou lu l’allégation suivante me jette la première pierre : « Non, mais si cet homme est célibataire, c’est pour une raison. » Cette phrase (souvent, pour ne pas dire exclusivement, prononcée par des femmes), cette accusation voilée, sous-entend que derrière le célibat prolongé se cachent des tares, des vices, des défauts qui confinent au célibat, bref des red flags, formule qu’on entend souvent, que fuiraient les femmes par instinct.
Outre le fait que cette pensée, laquelle occulte complètement ces milliers de milliers d’hommes violents en couple ou mariés (ce qui prouve, d’ailleurs, que le radar des femmes est loin d’être infaillible, contrairement à ce que certaines prétendent), est naïve et qu’elle agit en tribunal condamnant d’emblée un groupe d’hommes en raison d’une misère qu’ils n’ont pas choisie que leurs accusateurs n’essaient pas de comprendre, elle s’inscrit dans cette même tendance à la diabolisation des célibataires involontaires.
Certains se plaisent d’ailleurs à ridiculiser nos miséreux affectifs en les présentant en bêtes lubriques qui ne pensent qu’à baiser. Ne me méprenez pas, certains ont réellement les hormones qui gueulent sous le tapis, mais l’écrasante majorité des incels souffre de la privation de la plus belle communion des sens et des âmes : l’amour, le couple sain, le bisou et la main tenue.
Et puisqu’il est important de le rappeler : oui, la majorité des incels est pacifique ; pour la plupart, ils ne sont pas violents, ne sont pas tarés.
Certains, se croyant astucieux, me sortiront donc le cas d’Elliott Rodger, ce jeune célibataire involontaire de vingt-deux ans, clairement imbus de lui- même, qui se plaignait de son incapacité à attirer une amoureuse et accusait les femmes de préférer les hommes qui lui étaient inférieurs. Bon, pour les questions de supériorité ou d’infériorité d’untel face à untel, laissons ça aux jurés de la morale ; plus sérieusement, c’est du ressort du subjectif, mais je ne crois pas me tromper en affirmant qu’il est assez aisé d’être supérieur à un tueur. En effet, Rodger a tué six personnes et en a blessé quatorze, avant de se suicider, ne laissant derrière lui que le sang de ses victimes et les larmes de leurs proches, le traumatisme, et un manifeste de cent quarante pages trouble, désespéré et hargneux, pleines de ressentiment notamment contre les femmes…
Pour certains à gauche (lesquels dénoncent habituellement les « récupérations politiques d’extrême-droite »), cette sombre tuerie était du pain bénit. Et c’était parti pour une belle fournée d’amalgames condamnant tous les incels, comparant les miséreux affectifs qui s’expriment publiquement sur leurs maux à des misogynes, des tueurs latents, les associant à Rodger sur la seule base d’une solitude partagée.
Pauvre de moi, je croyais que nourrir les amalgames, c’était « faire le jeu de l’extrême-droite » !
À chaque attentat islamiste, on nous presse de dire non aux amalgames, de ne pas « leur donner notre haine », on nous rappelle que la majorité des musulmans ne tue pas, on nous rappelle que les terroristes islamistes ne sont pas de vrais musulmans, on condamne fermement la moindre réflexion dissidente, assimilée à tort ou à raison à un amalgame… Car les amalgames, c’est le jeu de l’extrême-droite pour nourrir la haine islamophobe, nous répètent comme une prière les nouveaux prêtres de la gauche.
Pourtant, après l’attaque d’Elliott Rodger, tous les célibataires involontaires qui ne tolèrent pas en silence leur condition, tous les internautes occupant les forums en ligne d’incels, tous se sont retrouvés sur le banc des accusés, tous détestaient les femmes pour tuer, tous couvaient un Elliott Rodger intérieur ! Étrangement, personne n’est venu clamer qu’Elliott Rodger n’était pas un vrai célibataire involontaire pour défendre cette communauté de compter dans ses rangs, comme toutes les autres communautés, des maniaques.
Bref, il n’a fallu qu’un seul incel tueur pour que tous les incels soient condamnés…
La gauche qui fait le jeu de l’extrême droite… On aura tout vu !
Tout ça car il existe des communautés protégées, et des communautés qu’il est autorisé de dénigrer, de diaboliser, de condamner sans preuve, sans procès, sans délit aucun…
Après la mort de Joyce Echaquan, femme amérindienne dont la négligence subie dans un hôpital de Joliette a conduit au décès, c’est l’ensemble du Québec et de ses institutions qui se retrouvait condamné. Certains pavanaient dans les rues avec des pancartes hurlant : « HONTE AU QUÉBEC ». Comme si le Québec tout entier était responsable des actes de quelques membres du personnel de cet hôpital, actes qui n’appartiennent qu’à eux et desquels eux seuls doivent répondre.
Rembobinons encore et on retrouve le même spectacle grossier, après l’attentat à l’arme à feu d’Alexandre Bissonnette à la Grande mosquée de Québec, au terme duquel le politicien Joël Lightbound, dans un fol élan de compassion bilieuse, s’est empressé de prendre sur ses épaules la responsabilité de cette tuerie, et de s’excuser, en bon repentant des temps modernes, comme s’il était celui qui avait enfoncé la détente. Dans la foulée de ses « excuses », le pauvre homme politique au regard de chaton piteux s’est permis d’emmêler tous les pinceaux qu’il avait à portée de patte, mêlant « ostracisation » et « stigmatisation », sans expliquer en quoi les musulmans seraient ostracisés ou stigmatisés au Québec, à la peur de l’islam de certains, à la méfiance et la haine, comme si tous ces termes pouvaient être groupés sans argumentation, comme s’ils étaient des synonymes. Et le type conclue en affirmant que « si les mots ont des conséquences, les silences ont aussi des conséquences ».
Bref, un autre bel amalgame.
Et il y a tout à parier que si Luka Rocco-Magnotta avait sévi aujourd’hui, l’ensemble du Québec, une fois de plus, aurait été accusé de racisme anti- asiatique…
Cependant, quand Mohamed Al Ballouz assassine froidement sa conjointe et ses deux enfants, ici, au Québec, alors là, les médias et les grands pourfendeurs d’amalgames aujourd’hui et fédérateurs d’amalgames demain sont étrangement silencieux, aveugles, sourds… On pleurera bien un énième « féminicide », mais sans plus, évitons les remous – pas de vagues, il faut que la houle médiatique demeure lisse…
Encore une fois, les amalgames incriminants, ici, sont réservés, comme autant de beaux privilèges, aux célibataires involontaires et aux Québécois.
Il n’y qu’eux, paraît-il, qui peuvent détester les femmes !
Pour conclure, j’aimerais citer un grand politicien qui, il y quelques années, porta avec courage le poids de ses convictions comme on arbore fièrement une couronne : « Si les mots ont des conséquences, les silences aussi ont des conséquences. »
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