La taxe pour accéder aux Îles-de-la-Madeleine : bonne ou mauvaise idée?

Le « passe Archipel » sera appliqué cette année aux Îles-de-la-Madeleine pour les non-résidents. Une taxe de 30$ devra être payée par chaque visiteur qui ira aux Îles plus de 24 heures. L’affaire fait grand bruit au Québec et crée la controverse. Devrait-on payer pour accéder à une partie du territoire québécois? Et si le problème, ce n’était pas justement autre chose qu’une question d’argent? Quelques réflexions sur cette nouvelle taxe et ses possibles retombées.

Les Îles reçoivent en moyenne plus de 75 000 touristes chaque année, en grande majorité des Québécois d’autres régions. Pour y accéder, seulement deux manières : en avion, ou bien en traversier depuis Souris, sur l’Île-du-Prince-Édouard. Ce que l’on sait, c’est que l’on devra payer ladite taxe sur une plateforme sécurisée par carte de crédit. Un code QR sera remis et il devra être présenté sur demande, au risque de se voir infliger une amende de 1000$.

Bien sûr, les infrastructures souffrent aux Îles par le trop grand nombre de touristes qui y viennent chaque année. En effet, elles sont conçues pour environ 15 000 personnes. L’eau potable, l’électricité, la collecte des ordures, ça se paie. Et le fait qu’il s’agisse d’un archipel isolé ajoute aux coûts déjà élevés causés par l’inflation.

Le tourisme ne rapporte pas assez comme industrie de façon générale pour enrichir de façon durable une localité. Les restaurateurs en profitent, les hôteliers, les vendeurs de souvenirs peut-être. Mais n’oublions pas qu’ils n’ont pas des salaires très élevés, et que le tourisme est une activité saisonnière. Ainsi, de septembre à mai, il n’y a presque pas de tourisme.

Et surtout le plus important : si le tourisme est maintenant l’industrie la plus importante dans le monde, elle est quand même sujette plus que les autres aux effets de la crise économique, et de possibles pandémies ou crises politiques dans le futur. Les Îles ne sont pas épargnées par l’inflation, qui touchent tous les Québécois, et feront qu’ils seront possiblement moins nombreux à voyager cette année.

Le problème, ce n’est pas tant le montant demandé, mais c’est le fait qu’il faudra présenter un code QR pour prouver que l’on a bien payé, au risque d’avoir une amende de plus de 1000$. Le traumatisme lié aux mesures sanitaires est encore présent chez bien des gens. Même pour certains vaccinés, le fait de devoir présenter un code QR était vu comme une violation au droit fondamental de circuler. Disons qu’au niveau de l’accueil, on repassera.

Sans pour autant tomber dans le piège de qualifier cette affaire de « dystopique » ou de « 1984 », c’est quand même un précédent qui sera un jour possiblement répété par d’autres administrations, villes, régions ou pays. À Venise, on impose maintenant une taxe de 5 euros aux visiteurs. Comme si la cité des Doges n’était qu’un vulgaire musée avec des heures d’ouverture. Veut-on vraiment transformer le monde en musée accessible seulement qu’en payant?

Bien sûr, le tourisme de masse est un réel problème, et il faut s’y attaquer dès que possible. Par exemple, les villes peuvent restreindre, voire interdire les AirBnB. Il y a un réel abus de ce côté par les propriétaires qui peuvent louer dans certaines villes d’Europe à un tarif par jour équivalent à un mois de loyer avec un bail. De même, c’est vraiment un problème que les gens aillent aux mêmes endroits pour prendre les mêmes photos. Au Japon, un commerce empêche maintenant de poser avec son appareil le mont Fuji. Les touristes souvent ne connaissent rien de la culture des pays qu’ils visitent, pour manger et dormir dans les mêmes endroits. C’est encore plus vrai dans des archipels isolés jusqu’à récemment comme le Japon ou dans notre cas ici, les Îles-de-la-Madeleine.

Si la ville voulait augmenter ses revenus, elle aurait pu tout simplement faire payer une taxe pour accéder à l’aéroport des Îles directement sur le billet d’avion, ou bien quand on réserve ses places pour le traversier. Il est probable que la pilule ait mieux passé. Le code QR est une manifestation malsaine de cette technologie qui prend toujours un peu plus de contrôle dans nos vies. Ce n’est pas le 30$ qui dérange, mais l’obligatoire d’avoir sur soi un « pass », comme durant les pires jours de la folie pandémique. Bienvenue en 2024, là où on ne peut plus découvrir le monde sans devoir présenter passeport, visa, preuve de résidence, attestation d’emploi, casier judiciaire, relevé bancaire. Et maintenant un code QR.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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